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Virginie Despentes

Virginie Despentes : « Je suis une bourgeoise blanche de gauche »

Je suis sociologiquement dominante, politiquement progressiste, sexuellement indéterminée. Si Les Inrocks et France Inter devaient avoir une icône, elle porterait mon nom. La reine du nouveau monde, c’est moi. Le seul truc, c’est que je ne suis pas noire – mais ça viendra !

Toutes les portes me sont ouvertes. Où que j’aille, c’est tapis rouge. Putain, que je suis privilégiée. Ça, tu peux le dire. Je suis grand officier de la Légion d’honneur du privilège blanc. J’ai siégé dans tous les prix littéraires, le Renaudot, le Femina, le Goncourt. Mes livres sont adaptés à la télévision. J’ai été violée à 17 ans, prostituée à 20 et lesbienne à 35, mais depuis toujours je suis une rock star. J’ai fait presque autant de couv’ des Inrocks que Houellebecq. Dès que je pète un coup, France Inter fait une émission spéciale. À la matinale de la maison de la Radio où j’ai mon rond de serviette, ils me gardent même mon breakfast dans le frigo, rien que pour moi, au cas où je passerai les voir, entre une question débile de Léa Salamé et un billet gé-ni-al de Charline Vanhoenacker. J’en ai les larmes aux yeux tant c’est touchant. France Inter, la seule radio qui publie des lettres ! C’est beau, tout ça est incroyablement beau.

Assa Traoré, c’est une Antigone noire

Il ne me manque que la « cover » de Paris Match. Il faut dire que je ne joue pas dans la catégorie Miss France. Je ressemble à une vieille route cabossée, j’ai des nids de poule sous les yeux, la peau du ventre comme un pneu rechapé. À 40 ans, je ressemblais déjà à Marguerite Duras à 80 ans. Alors à 50 ans, avec la ménopause, l’alcool, la dépression, c’est plus ça, j’ai l’air d’une vieille gaufre bon marché. J’assume : je suis un compromis entre la Mère Denis et Bukowski, mais j’ai fait entrer le féminisme à la française, celui de grand-maman, dans la culture trash. Putain, ça envoie !

Je suis la dame patronnesse des hardeuses, la Mère Teresa des junkies, la madone des sleepings et des peep-shows, la porte-voix des indésirables et de toutes celles qui se sentent « plutôt King Kong que Kate Moss », comme je l’ai dit dans King Kong Théorie. « J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché de la bonne meuf. » Et maintenant pour les Noirs. Pas dit que ça leur convienne au vu de mon pedigree de Pitbull en jupon.

Rien à secouer de la France d’en bas. Les Gilets jaunes m’emmerdent, Macron et sa bande peuvent bien les énucléer, les molester, les gazer, rien à branler. Ce sont des merdes racistes qui votent Rassemblement national. De toute façon, je suis pour la fermeture des usines et l’ouverture des prisons. Moi, mon brother, c’est George Floyd ; ma sister, c’est Assa Traoré, la sœur courage d’Adama. Antigone, je dis. Justice pour Adama. Lui Adam, moi Ève.

Photo : Grasset / Jean-François Paga

2 réponses

  1. Bonjour , Aussi incroyable que cela puisse paraitre, je n’avais jamais vu une photo de madame Despentes ! Je ‘ai jamais lu un de ces livres non plus .Même à notre époque ,on peut échapper parfois à certaine choses pas forcément très agréables pour ne pas dire plus .La clope au bec ,tatouage sur l’épaule et débardeur de camionneur Virginie est une rebelle cela va s’en dire .
    Son débardeur MOTORHEAD lui sied admirablement ;peut être que Lemmy aurait était content de la voir en pareille tenue .Par contre ,je ne suis pas sur qu’il aurait essayer de la draguer .
    Virginie Despentes sort des absurdités plus grosse qu’elle ,en cela elle est bien emblématique d’une époque foireuse au possible .En plus ,moi dans mon égoïsme de petit blanc réac comme il se doit ,cela me gène de savoir qu’elle écoute (Ou tente de faire croire ) MOTORHEAD groupe bruyant mais Groupe de Rock’n’ Roll comme l’affirmait feu Lemmy Kilmister …

  2. Jamais je n’aurais cru que V. Despentes accepte de publier dans « éléments ».
    Doit-on admirer sa tolérance à l’égard de la lie de la terre ou se réjouir d’un éclair de lucidité et d’ouverture à « l’autre » de la peste brune … ou des deux à la fois.
    Dans tous les cas, hosanna et alléluia.

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