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Retour sur l’affaire Obono-Valeurs actuelles. L’hystérie de la bien-pensance

Tout le monde se souvient de l’affaire Obono-Valeurs actuelles, tempête médiatique dans un verre d’eau qui a failli tout emporter. Sous la plume de Bertrand Delcassis, l’Observatoire du journalisme (Ojim) revient sur cet « emballement médiatique », son déroulé et ses réflexes conditionnés, ses leçons et ses répercussions. Nous avons interrogé Claude Chollet, président de l’Ojim.

ÉLÉMENTS : Désintox, la collection que l’Ojim vient d’inaugurer aux éditions de la Nouvelle Librairie, lance un nouveau pavé dans la mare : une seconde brochure, cette fois-ci consacrée au décryptage de l’affaire Obono-Valeurs actuelles. Pourquoi cette affaire ? En quoi est-elle emblématique de l’hystérie qui s’empare des médias à la moindre entorse au politiquement correct ? Que nous dit-elle de l’unanimisme répressif qui s’est emparé des dealers et prescripteurs d’opinion ? Bref, qu’a-t-elle à nous apprendre sur les dysfonctionnements de la liberté d’expression ?

CLAUDE CHOLLET. Comment un feuilleton sous forme de pastiche publié en fin d’été 2020 devient-il une pseudo affaire d’État ? À l’examen des faits, c’est moins l’objet lui-même qui est significatif que la danse de Saint-Guy qu’il a provoquée. Une danse qui aura touché tous les milieux, politiques de LFI au RN, en passant par toutes les cases intermédiaires, artistiques et surtout médiatiques. Si la chasse à l’homme est en théorie interdite, la chasse aux idées et partant la chasse aux hommes et aux femmes qui défendent des idées non conformes à la doxa dominante est vivement encouragée. Ne nous trompons pas, c’est une chasse à mort ; il ne faut pas blesser le gibier, il faut l’éliminer socialement et professionnellement, le chasser des écrans, des micros, de l’imprimé, si c’est un journaliste qu’il ne retrouve plus de travail, frappé d’exil intérieur dans son propre pays. Paradoxalement, ces réactions d’hystérie, au sens clinique du terme, marquent une inquiétude du camp du Bien. Malgré un bombardement de l’intellectuellement correct à l’école, à l’université, à la télévision, certains relèvent la tête. Les coupeurs de tête deviennent alors fous, comme on l’a vu récemment avec la démission du dessinateur du Monde, Xavier Gorce. À la suite d’un dessin où les transsexuels pouvaient se sentir (gentiment) moqués, la direction a présenté ses excuses les plus plates et les plus viles. L’épiderme du camp du Bien est de plus en plus sensible. Quant à la liberté d’expression, je répondrais : quelle liberté ? Le nouveau projet de loi sur la République et le séparatisme prévoit de nouveaux encadrements sévères contre la « haine » sur les réseaux sociaux. Il va falloir s’accrocher au bastingage, la tempête va se renforcer.

ÉLÉMENTS : Cet emballement médiatique a-t-il été spontané ou orchestré, ou bien les deux ?

CLAUDE CHOLLET. Dans le cas précis de cette non-affaire Obono-Valeurs actuelles, c’est Le Monde qui ouvre le feu le premier à partir d’un dessin accompagnant le récit (sous forme de fiction, rappelons-le). C’est le signal. Tous les médias de grand chemin s’y mettent. Je ne pense pas qu’un chef d’orchestre soit nécessaire. C’est une opération mimétique, une catharsis, comme « les deux minutes de la haine que décrit Orwell dans 1984. Dans le roman, les deux minutes de la haine sont organisées régulièrement, et elles sont publiques. Celui qui montrerait du dégoût pour cette manifestation ou même simplement un peu de retenue serait soupçonné de complicité, voire deviendrait à son tour un fauteur de haine. Plus vous criez « à mort », plus vous hurlez haro sur le baudet, mieux vous manifestez votre appartenance à la meute dominante. Chacun veut un morceau de viande un peu saignante à exhiber comme signe de reconnaissance.

ÉLÉMENTS : « Partant d’une liberté illimitée, je conclus à un despotisme illimité », dit un personnage de Dostoïevski dans Les Démons. On en est là aujourd’hui ?

CLAUDE CHOLLET. En 1974, au moment où la parution de L’Archipel du goulag le contraint à l’exil, Soljenitsyne écrit Vivre sans mentir. Il vivait sous un despotisme communiste, nous allons vivre sous un despotisme libéral-libertaire grandissant où tous les prétextes sanitaires, sécuritaires, moraux, seront employés pour limiter nos libertés concrètes. Le grand résistant russe nous donne une leçon sous forme d’exhortation à l’action. « Si nous cédons à la peur, cessons aussi alors de récriminer contre ceux qui ne nous laissent pas respirer librement… Courbons l’échine, attendons encore, et nos frères biologistes ne tarderont pas à trouver le moyen de lire dans nos pensées et de modifier nos gènes. Si nous cédons là aussi, nous prouverons que nous sommes des nullités, des irrécupérables, et c’est à nous que s’applique le mépris de Pouchkine : « Que sert à des troupeaux d’être libres ? Le lot qui leur échoit est d’âge en âge : le joug, des grelots et un fouet. » » Reprenons à notre compte la parole du pape Jean-Paul II : n’ayons pas peur, le despotisme libéral-libertaire se nourrit d’abord de nos faiblesses ; les colonnes du Temple vacillent un peu, poussons, poussons, elles finiront par s’écrouler et nous découvrirons alors qu’elles étaient creuses et vermoulues.

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