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Réponse d’un « beauf » à Houria Bouteldja. L’indigène, c’est moi

Réponse d’un « beauf » à Houria Bouteldja. L’indigène, c’est moi

Dans son dernier livre Beaufs et barbares. Le pari du nous, Houria Bouteldja propose la formation, contre le bloc bourgeois, d’un bloc inédit construit sur l’alliance des « petits Blancs » et des sujets postcoloniaux. Un pari pour le moins osé !

À l’injonction « D’où parles-tu, camarade ? », je réponds que je suis un blanc originaire de la France périphérique ; que je gagne moins de 1 600 euros par mois ; que j’ai voté Marine le Pen aux deux tours. Je suis donc un beauf. Pour vous, Houria Bouteldja, je dois faire unité avec le barbare pour faire advenir un « nous » révolutionnaire. Mais comme vous ne donnez pas suite aux demandes d’entretien d’Éléments, eh bien, moi, le beauf, je vais vous répondre.

Ni indigéniste ni universaliste

Tout comme vous, je hais les bobos. En revanche, il existe une différence de taille entre nous : si les bobos vous lisent, moi ils m’abominent. Eux aussi veulent que je m’excuse d’être Français, Blanc, Européen – ce que jamais un mec de banlieue ne m’a demandé. Or, si la rupture entre la classe populaire autochtone et la bourgeoisie blanche est actée, elle n’est pas un motif pour me faire détester ce que je suis. Je ne renierai pas ma « blanchité » pour devenir un « butin de guerre », comme vous avez pu le dire pour Mélenchon. Mon « aliénation à la nation France » est non négociable. Le beauf, comme le pauvre de Jaurès, a une patrie ; il n’est pas destiné à s’internationaliser comme le prolétaire du Manifeste du Parti communiste.

Je suis un patriote. Mon patriotisme n’est ni un paternalisme ni un racisme ; il est une affirmation identitaire visant à défendre mon pays contre toutes menaces – extérieures comme intérieures. Je suis Français, catholique, Blanc, Européen. En revanche, je ne combats pas pour Rome, pour la race blanche, pour la civilisation occidentale ou pour l’Europe. Pour mon pays, je suis prêt à combattre un autre catholique, Blanc ou Européen ; ce qui implique que je sois prêt à combattre aux côtés d’un non-catholique, d’un non-Blanc et d’un non-Européen – s’il combat pour la France. Avec lui, je peux dire « nous ».

Au tout début de votre livre, vous mettez en parallèle un Hadith rapporté par Mouslim et un extrait de l’Apocalypse selon saint Jean. Très bien, mais le texte de saint Jean aura toujours une primauté culturelle, historique et politique sur le hadith. Ici, en pays, c’est moi l’indigène ; pas vous. C’est le christianisme, la romanité et la source grecque qui ont élaboré conjointement pendant des siècles ce déjà-là culturel ; et cela devra le rester. Si d’autres traditions peuvent apporter leurs richesses à la culture commune, elles ne devront jamais remplacer les sources premières du particularisme français. Comme disait Alain Soral, la seule « réconciliation » possible se fera dans ce sens, ou ne se fera pas. C’est à prendre ou à laisser.

Qui représente le « mal » ?

Vous avez raison quand vous expliquez que la fabrication de l’ennemi est nécessaire à la classe dirigeante, car c’est la figure du « mal » qui permet de générer le consentement agrégeant les « classes subalternes banches à la bourgeoisie ». Après l’effondrement de l’Union soviétique, vous avez encore raison de dire que les États-Unis avaient besoin d’un nouveau narratif (Irak, Serbie, Syrie, Russie) pour maintenir leur hégémonie sur le continent eurasiatique. Mais vous oubliez que cela se fit contre l’indépendance de la France, et surtout contre toute tentative de faire aboutir un axe Paris-Berlin-Moscou qui menaçait l’hégémonie anglo-saxonne. Cela aurait permis à l’Europe de se construire en dehors de l’influence du One World américain, du conflit de civilisation d’avec le Monde islamique et de sa dépendance vis-à-vis de la Chine.

En revanche, vous transposez trop vite la vision de l’ennemi du « bloc impérialiste » international à la vision nationale. Si une partie de la droite identitaire et de la gauche laïcarde s’attache à faire du barbare l’ennemi, cela n’est pas le choix du reste de la classe dirigeante française. Ce n’est pas le barbare qui est l’ennemi pour le bourgeois – qui le protège par paternalisme (à gauche) ou par intérêt économique (à droite) –, mais bien le beauf. La France de la dernière élection présidentielle est celle d’une alliance entre les populations blanches des villes et celles extra-européennes issues des banlieues contre le reste du peuple périphérique majoritairement composé d’autochtones. Si on devait donner un titre à cette élection, on aurait pu l’intituler Beaufs contre barbares et bourgeois. Pour lui donner le nom de Beaufs et barbares contre bourgeois, il aurait fallu que vous appeliez à voter pour Le Pen, mais ça…

Gallo-romains contre Gallo-ricains

Les termes « Blanc » et « petit Blanc » ne sont pas bons. Même si vous visez juste quand vous remarquez que la bourgeoisie française a rompu le pacte social qui la liait depuis la Révolution aux classes inférieures, vos termes témoignent d’une méconnaissance de cette rupture. Pourtant, vous nous qualifiez vous-même de « Gaulois » – ce qui est plus juste. Alors préférons ce mot à celui de « Blanc », et permettez-moi de vous proposer plutôt l’opposition entre Gallo-romains (les beaufs) et Gallo-ricains (les bourgeois). Cette opposition, qui s’éloigne un peu du sens que Régis Debray entendait lui donner, permet de mieux expliquer notre situation, car elle rassemble toutes les fractures internes au peuple blanc : géographique (métropole/périphérie), sociale (bourgeoisie/classe populaire), vision du monde (cosmopolite/nationaliste), politique (libéralisme/protectionnisme).

Ce duel oppose deux peuples issus d’une même race considérant l’autre comme le parti des traîtres. C’est pour cela que nous pouvons parler de frères ennemis. Le point de rupture survint le jour où la bourgeoisie française accepta que la France soit dorénavant une colonie de l’empire américain. Si pour Paul Valéry l’Amérique était une « projection de l’Esprit européen », nos élites actuelles ont accepté ce renversement de la proposition faisant de l’Europe une projection de l’Amérique. Or, cela, les Gallo-romains le refusent.

Le vote pour Jean-Marie Le Pen en 2002, le « non » en 2005, les Gilets jaunes et l’opposition contre la réforme des retraites, tout cet ensemble forme le cri de révolte d’un peuple qui ne veut pas mourir. Ce cri des beaufs est celui du coq, l’emblème de la France. Hasard curieux, le coq de l’Évangile symbolise en même temps l’annonciateur de la rédemption et du reniement. Comme si la scission entre ces deux peuples issus d’une même race était déjà écrite d’avance ; l’un se dévouant à la rédemption de la France, et l’autre à son reniement.

Le rôle de la bourgeoisie

Vous dites que l’Union européenne est le « super-État racial », qu’elle symbolise la classe bourgeoise européenne coalisée qui a trahi les peuples européens au nom de la « mondialisation heureuse ». Et en effet, depuis 45, l’ensemble des erreurs politiques et stratégiques de notre pays (occidentalisme, européisme, immigrationnisme, capitalisme de connivence, désindustrialisation) sont imputables à cette bourgeoisie française passée sous pavillon européen. C’est pour cela que, pour vous, le Frexit est le seul programme « pacifié » capable de faire naître « une communion des indignations, une réciprocité des solidarités, une convergence d’intérêts ». Cette proposition est tentante, car vous avez parfaitement compris que la question européenne était l’un des symboles de l’affrontement entre une France nationale-populaire et une autre cosmopolite-bourgeoise. Que c’est l’UE « qui déracine les classes populaires blanches, qui les prive de leur destin notamment par l’érosion continue de leur souveraineté et de leur pouvoir de décision ». Et il est vrai qu’on peut, de manière quasi parfaite, présenter le frexiteur comme le Gallo-romain, le petit Blanc, le beauf ; et, en face, l’européiste comme le Gallo-ricain, le Blanc, le bourgeois – c’est lui cependant qui vous lit dans les grandes métropoles gentrifiées.

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