Lorsqu’en France la gent féminine décida de laisser tomber le haut, en Allemagne elle abandonna aussi le bas. Outre-Rhin, bronzer et nager nu en divers endroits, parfois insolites comme des parcs situés au centre des villes, devint une pratique répandue, tant en République Fédérale d’Allemagne (RFA) capitaliste qu’au sein de la République Démocratique Allemande (RDA) communiste. Si, en de nombreux endroits de l’Allemagne désormais réunifiée, la nudité est toujours de mise, le nombre de ces lieux s’est fortement réduit et celui des individus qui s’y meuvent dans le plus simple appareil a radicalement diminué au cours du dernier quart de siècle, principalement à la suite de l’arrivée de nombreux immigrés issus de pays aux mœurs nettement moins libres et au sein desquels le statut de la femme est bas. Quant aux photos de personnes nues sur les couvertures et les pages de la presse grand public, elles ont été victimes d’une forme de féminisme condamnant la présentation de la femme en tant qu’objet.
FKK
Chaque peuple dispose de ses propres mœurs, liées à son âme et à sa culture, et la vie nue au grand air correspond aux aspirations des Germains, qui ne perçoivent dans ces pratiques aucun caractère sexuel.
L’Allemagne entretient très tôt l’idée du retour de l’humain déshabillé dans la campagne. Au tournant du XIXe et du XXe siècle, le Lebensreformbewegung (mouvement de réforme de la vie) prône le renouvellement complet du mode de vie et le retour à la nature. La Freikörperkultur (culture du corps libre), en abrégé FKK, ou nudisme a deux matrices idéologiques différentes, une nationale-ethniciste (völkisch) et une socialiste. Durant l’entre-deux-guerres, le FKK rencontre un important succès. Si au début du IIIe Reich cette pratique est plutôt réprimée et mise au pas, elle est ensuite promue par le régime qui lui donne une portée ethnique. Après la Seconde Guerre mondiale, à l’époque du chancelier démocrate-chrétien CDU Konrad Adenauer, le FKK est à l’encontre des idées conservatrices dominantes. Puis, au cours des années 1960, il se répand dans la société. De l’autre côté du Rideau de fer, le régime communiste tente de s’opposer au développement de la nudité de masse, puis change son fusil d’épaule et récupère et promeut celle-ci devenue un symbole de l’égalité sociale.
Dans l’Ouest de l’Allemagne, au cours de la décennie 1965-1975, la nudité a le vent en poupe. Les magazines et les journaux contiennent de nombreuses publicités affichant des femmes seins nus et des hommes et des femmes sans habits. Les couvertures des revues, exposées dans les kiosques, et les affiches publicitaires utilisent également des photos d’individus dénudés. Au sein des festivals de musique pop, des personnes du public sont dépourvues de tout habit, la nudité étant le symbole de la révolte anti-autoritaire contre les règles bourgeoises contraignantes et une affirmation de la liberté corporelle.
Alice Schwarzer
En 1978, la journaliste féministe influencée par Simone de Beauvoir et le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) Alice Schwarzer entreprend, avec d’autres femmes, un procès contre l’hebdomadaire Stern visant à faire condamner les couvertures « sexistes » et « dégradantes ». Malgré l’échec judiciaire rencontré par la partie demanderesse, cette affaire pousse les revues à repenser leurs couvertures.
Alice Schwarzer, « pionnière du féminisme » qui lutte en faveur de la légalisation de l’avortement et rejette l’ « exploitation capitaliste de la femme », dénonce, à partir du début des années 2000, la menace que représente en Allemagne l’islam politique pour le statut de la femme. Après l’attaque sexuelle de Cologne réalisée par des immigrés originaires de pays arabo-musulmans lors de la nuit du réveillon du Nouvel-An 2016, elle établit explicitement un lien entre l’immigration et l’insécurité pour les femmes. Plus tard, elle s’oppose à la transsexualité et à l’autodétermination de genre, dénonçant ces pratiques en tant qu’« illusion capitaliste » d’une société dans laquelle « tout peut être acheté ». Après le début de la guerre en Ukraine, Alice Schwarzer participe à des actions pacifistes avec la figure de proue du parti de gauche anti-immigration BSW Sahra Wagenkencht.
L’âme allemande
L’immigration intensive a détruit la nudité de masse en plein air et l’action des féministes a mis fin à la nudité dans la presse grand public, attaquant ainsi un des éléments du Volksgeist, l’esprit du peuple allemand théorisé par les écrivains Johann Gottfried von Herder et Johann Gottlieb Fichte, ainsi que par le juriste Friedrich Carl von Savigny.
Le jour où les femmes pourront à nouveau bronzer nues dans les parcs urbains, l’Allemagne sera libérée idéologiquement et physiquement et redevenue ce qu’elle a été et aurait dû rester : la patrie de l’âme allemande.
Source :
STEINBACH Kerstin, Es gab einmal eine bessere Zeit … (1965-1975). Die verhaßten Bilder und ihre verdrängte Botschaft, Ahriman Verlag, 3. Auflage, Freiburg, 2014.



