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Quand Ipsos et Le Nouvel Obs sondent la cervelle des électeurs de gauche

Quand Ipsos et « Le Nouvel Obs » sondent la cervelle des électeurs de gauche

Que peut-il bien se passer dans la tête des électeurs de gauche ? Les esprits taquins répondront : rien. Le 12 juin dernier, "Le Nouvel Obs" tentait néanmoins de répondre à cette épineuse question avec l’aide de la Fondation Jean-Jaurès et des sondeurs d’Ipsos. Au final, il semble y avoir de la tempête sous les crânes progressistes.

Au fait, qu’est-ce qui fait la différence entre un électeur de gauche et un électeur de droite ? À l’occasion du raout organisé pour le demi-siècle d’Éléments, François Bousquet assimilait la droite à la « droiture », excipant de l’ancestrale tradition voulant que la main de la justice soit la droite, au contraire de sa jumelle de gauche, qui a toujours eu mauvaise réputation. D’ailleurs, en italien, la gauche se dit sinistra ; tout un programme. A contrario, Alain de Benoist affirme qu’il n’existe pas d’idées de droite ou de gauche, mais seulement des idées tour à tour défendues par des hommes de gauche et de droite. La colonisation ou l’écologie, pour ne citer que ces deux exemples.

Ce à quoi il convient encore d’ajouter l’aspect psychologique de l’affaire. Résumons : l’homme de gauche est un optimiste dépressif et l’homme de droite un pessimiste joyeux. Le premier rêve d’un monde meilleur à venir et, comme ça ne fonctionne jamais, fait malgré tout semblant de croire que ce sera forcément mieux demain ; d’où ses désillusions à répétition. Le second, qui sait qu’on ne décambre pas les bananes, aura plutôt tendance à préserver ce que l’on peut encore sauver du passé tout en estimant que c’était probablement un peu mieux hier. Soient deux visions linéaires de l’histoire ; alors que la réalité nous enseignerait plutôt que cette même histoire est faite de cycles.

Ce réel qui n’est ni de droite ni de gauche…

En revanche, un fait est avéré, toujours à propos de cette réalité : elle n’est, pour la gauche, qu’une sorte de variable d’ajustement, souvent tenue pour quantité négligeable. Ce que notre consœur Élisabeth Lévy résume d’une de ces formules lapidaires dont elle a le secret : « La gauche n’aime guère avoir des nouvelles du réel… » Mais revenons-en à notre psychothérapie de groupe. Et Brice Teinturier, directeur délégué de l’Institut Ipsos, de prévenir : « Nous avons voulu que les différentes composantes du vote de gauche soient représentées et puissent s’exprimer en confiance afin de pouvoir bien analyser leur ressenti. »

On connaissait « le froid ressenti », cher à nos météorologues ; voici désormais venu le temps de « la gauche ressentie ». On n’arrête pas le progrès. De manière pour la moins étrange, une antienne revient souvent dans l’assemblée : « C’est le bordel généralisé ! », soit l’argument de droite par excellence. Ça, c’est du lapsus et les cerveaux de gauche ici sondés semblent s’exprimer d’une manière plus que maladroite. Notre maître-sondeur en est d’ailleurs plus qu’étonné : « Jamais la gauche ne m’est apparue aussi plombée. (…) Même en 1993, quand elle était au plus bas électoralement, usée par l’exercice du pouvoir et minée par le mitterrandisme déliquescent, les électeurs conservaient des espérances. »

La grande trouille de l’extrême droite…

Aujourd’hui, ces « espérances » paraissent avoir laissé la place aux « angoisses » ; tant ces gens font figure de grands sensibles, face « à la montée de l’extrême droite et du racisme ». Là encore, une sorte de trouille du « fascisme ressenti ». Ce qui n’empêche pas, confusion mentale oblige, certains de s’alarmer de « l’immigration », sujet que ces quelques audacieux reconnaissent qu’il est « tabou » à gauche. Les pauvres, auxquels il conviendrait de rappeler le sort réservé par la Troisième république radicale-socialiste à ces immigrés, pourtant européens et de culture chrétienne, dès lors qu’ils refusaient de s’assimiler à la société française, fut-elle laïque et républicaine, était sans appel : dehors ! Sans oublier cette loi du 10 août 1932, relative à la protection de la main d’œuvre nationale et fixant un quota de 10 % de travailleurs étrangers dans les entreprises privées. Ce texte est adopté par 452 voix pour et pas la moindre contre, les députés communistes ayant préféré se réfugier dans l’abstention. Une petite lâcheté plus tard rattrapée par un Georges Marchais devançant de peu Jean-Marie Le Pen en matière de lutte contre l’immigration légale comme illégale. Le vrai « tabou », n’est donc pas celui d’un supposé manque d’empathie vis-à-vis de la déferlante migratoire, mais plutôt celui consistant à oublier qu’en la matière, la gauche en fut historiquement la lanceuse d’alerte, au contraire d’une droite pour laquelle, ces nouveaux esclaves permettaient de tirer à la baisse les salaires des travailleurs français. Bref, la gauche d’alors incarnait la défense du peuple français ; logique, c’était sa raison d’être.

La question sociale évacuée…

Aujourd’hui, que reste-t-il de cette gauche patriote ? Rien, ses survivants se contentant de communier dans « l’humanisme » et le « progrès », « l’écologie » et « la défense des minorités ». La grande absente de cette réunion, façon Alcooliques anonymes, demeure évidemment la question sociale, à peine expédiée par une participante mélenchoniste estimant qu’il faille « taxer les plus riches pour réduire la dette ». Et quand on demande à cette économiste du dimanche « à partir de quel salaire » il convient de mettre en branle la machine à confisquer, elle répond : « On peut être riche à partir de 2 500 euros par mois. » Soit guère plus que le SMIC ; ce qui ferait donc de la France une nation de « riches », à rebours des idées selon lesquelles, pour une majorité de nos compatriotes, la fin du mois commencerait aux alentours du 15. Décidément, comme l’affirment joliment nos amis belges, il y en a qui n’ont pas toutes les frites dans le même cornet.

L’improbable casting de 2027…

Et la suite des événements, toujours à en croire ce conclave incongru ? Pour les sympathisants socialistes, il y a bien Raphaël Glucksmann. Mais l’un deux souligne : « J’ai peur que les petites gens ne puissent pas s’identifier à lui. » Sans blague ? Et Fabien Roussel, le communiste au couteau à barbecue entre les dents ? « Il n’est pas de gauche ! », affirme un participant insoumis. Demeure encore Jean-Luc Mélenchon. Mais, là encore, le verdict est sans appel, surtout lorsque proféré par ses propres sympathisants : « On va à l’échec à cause du leader. (…) Mélenchon, qui était très bien, est devenu toxique. (…) Si on veut un rassembleur, c’est pas lui. C’est un boulet, maintenant. »

Après ce jeu de massacre, subsiste-t-il un semblant d’espoir pour la gauche, qu’elle soit ou non de gouvernement ? Bien sûr ! Il y a… Marine Tondelier. Elle a à la fois « l’enthousiasme » et la « spontanéité », sans oublier ce « cran » lui permettant de ne pas « avoir peur de Mélenchon ». Comme quoi on peut se satisfaire de peu. Même d’une pimprenelle ressemblant à une infirmière qui battrait ses propres malades. Mais ces gens y croient-ils seulement ?

Pas forcément, sachant que c’est l’arrivée d’une autre Marine à l’Élysée qu’ils craignent par-dessus tout. Pourtant, il y a cette confession d’un sympathisant socialiste, recueillie par Le Nouvel Obs : « On peut être pour l’accueil des étrangers, mais il ne faut pas être naïf. Nous avons accueilli beaucoup trop de gens dangereux. » Et là, on se demande s’ils ne s’y préparent pas déjà, à cette victoire du RN, que ce soit l’autre Marine ou Bardella. Comme quoi, même à gauche, le principe de réalité, bien que chassé par la grande porte, finit toujours par revenir par le soupirail.

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