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Puisque l’islam nous dépasse, feignons de l’organiser

La République aime organiser les religions, mais avec l’islam, elle se heurte à un bloc qui lui résiste. Ce n’est pas la loi sur le « séparatisme », joliment rebaptisée loi « confortant le respect des principes de la République », en cours d’examen à la Chambre, qui l’infirmera ; pas plus que la charte des principes pour l’islam de France voulue par Macron. Alors, l’islam est-il soluble dans la République ? Nicolas Lévine, qui vient de signer L’incident, l’enquête d’un insider sur le coronavirus, en doute.

Récemment, j’écrivais que les peuples ont moins besoin d’histoire que de légendes et de héros. J’ajoutais que l’historiographie contemporaine s’échine depuis longtemps déjà à déconstruire les mythes fondateurs européens pour leur en substituer d’autres qui visent à justifier les délires progressistes en général et le vivrensemble en particulier. Je prenais l’exemple des antiquisants qui, depuis les années 1990, à la suite de Peter Brown, expliquent que Rome n’est jamais tombée : en fait, au Vsiècle, des populations différentes seraient venues revivifier un empire décadent et, ce faisant, l’auraient sauvé. Il ne s’agissait pas d’« invasions barbares », comme on disait autrefois, mais de « grandes invasions » puis, enfin, de simples « migrations ». On devine aisément la visée politique de cette réécriture de l’histoire ; les historiens – bizarrement tous de gauche ou d’extrême gauche – qui se planquent derrière la « scientificité » de leurs travaux pour légitimer cette manipulation ne convainquent pas seulement ceux qui partagent leur idéologie ; hélas, l’effondrement des humanités rend les classes populaires perméables à cet impérialisme mémoriel. En France, pour imposer l’immigration de masse à un peuple qui s’y est toujours très majoritairement opposé – en tout cas dans les sondages –, des spécialistes du sujet n’hésitent pas à psalmodier que « la France a toujours été une terre d’immigration ».

En fait, bien entendu, la France n’est une « terre d’immigration » que depuis le Second Empire ; et jusque dans les années 1960, la quasi-totalité de l’immigration était européenne. Alors, sous la pression du patronat, les autorités françaises décident d’importer massivement des Maghrébins, qu’elles dirigent vers les usines automobiles d’Île-de-France, les mines de Lorraine, les chantiers de partout. « L’islam de France » est né ainsi, dans un bilan comptable. Ces centaines de milliers de courageux travailleurs musulmans devaient regagner leurs pays respectifs à la fin de leur contrat. Mais c’était sans compter sur la gauche qui, par « humanisme », pleine de haine envers son propre pays et même traîtresse assumée (des sabotages du PCF durant la guerre du Rif aux porteurs de valises), dont le magistère intellectuel était (déjà) incontesté, poussa au regroupement familial, et quand la droite, qui avait accepté ce spécieux principe, essaya de faire machine arrière en constatant le désordre qu’il engendrait, mena une féroce guérilla juridique afin de le perpétuer. On apprenait de mon temps à l’école de grandes dates de l’histoire de France : 1214, 1515, 1539, 1648, 1789, 1905, 1918, 1945. Il convient d’y ajouter, en tête, 1978, date de l’arrêt GISTI ; avec cet arrêt pris par le Conseil d’État débute le changement de peuple ; d’une immigration de travail à laquelle, d’ailleurs, la plupart de nos voisins avaient également cédé – et qui produisait chez eux le même chaos –, on passe à une immigration de peuplement ; le bled se déverse dans nos grandes villes, puis dans les moyennes, puis dans les petites, et désormais même dans nos campagnes – d’aucuns aimeraient bien lancer l’opération Des migrants pour la ruralité.

La présomption d’innocence médiatique

Qu’est-ce qui a changé en quarante ans à peine ? La France est aujourd’hui composée d’au moins quatorze millions de personnes issues d’une immigration essentiellement africaine, donc très majoritairement de culture musulmane. L’islam y est la religion la plus « pratiquée ». Et les flots de clandestins – faux réfugiés politiques, faux mineurs isolés, étudiants de trente-huit ans et touristes médicaux qui ne repartent jamais – s’ajoutant à l’énorme immigration légale nous promettent – natalité des allochtones et mortalité des autochtones aidant – une bascule dans deux générations. En 2070 au pire, la France sera majoritairement peuplée de musulmans – il en ira de même de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas. Les élites – de droite et de gauche – qui ont promu l’immigration africaine et qui, athées, franc-maçonnes ou faussement chrétiennes, ignoraient tout de l’islam, pensaient – mais il n’est pas certain qu’elles y pensaient, car pour elles la religion relevait du folklore – que ces hordes de musulmans qui arrivaient chez nous finiraient pas apostasier. Entre le voile et le string, les beurettes choisiraient le second. Les Français d’en bas, dont les revenus ne leur permettent pas de fuir la diversité, constatent chaque jour qu’il n’en est rien ; ils vivent au contraire, de plus en plus, à l’heure de Karachi ; ils expérimentent le bolossage, les balayettes, les tournantes, une violence dix fois supérieure – les statistiques le disent – à ce qu’elle était au début des années 1960. Et depuis la monstrueuse virée en TMAX de Mohamed Merah, ils voient le djihad : des fillettes juives tuées d’une balle dans la tête dans la cour de leur école, des amoureux de hard rock massacrés à la kalachnikov dans une salle de concert, un professeur d’histoire-géo décapité devant son lycée. Bizarrement, plus les Français de souche – et une petite minorité d’immigrés – souffrent de l’islam, plus le complexe médiatico-politique leur ordonne de l’accepter. Contester, c’est être raciste, islamophobe, haineux. La novlangue règne ; les juges veillent. Des intellectuels organiques qui n’ont jamais lu une ligne du Coran et qui réécrivent l’histoire de la conquête arabe affirment que l’islam est « une religion d’amour et de paix » et que, par conséquent, les « terroristes » qui tuent au nom de Mahomet ne sont pas musulmans. Les organisations musulmanes, qui prétendent parler au nom d’une « communauté » qui ne les reconnaît pas, disent la même chose ; cent « attentats » commis par les leurs depuis 2012 ne les perturbent en rien ; leur statut de « victimes » éternelles – accordé par les penseurs du camp du Bien – les autorise à broder bien plutôt sur la stigmatisation dont elles seraient l’objet dans la société française.

Le maquis ou la valise ?

La tragique itération des « attentats » commis par des radicalisés oblige le pouvoir à prendre des « mesures ». Fervent multiculturaliste, Emmanuel Macron songe d’abord, comme 90 % de notre personnel politique, à sa réélection. Il a donc eu l’idée de reprendre le « sujet » de l’organisation de « l’islam de France » là où Nicolas Sarkozy l’avait laissé. Ses équipes ont composé une charte, qu’elles ont ensuite envoyée au CFCM. Sur les huit fédérations qui composent cette association, trois refusent de signer. La charte en question n’est pourtant pas bien méchante ; elle vise simplement à aligner « l’islam de France » sur les « valeurs » de la République vivrensembliste, dont les musulmans n’ont certes pas à se plaindre. Ce refus est donc une déclaration de guerre ; et son acceptation ne changera rien – si l’immense majorité des musulmans se fiche du CFCM, les djihadistes le considèrent même comme un ennemi. Dans son Mahomet et les origines de l’islamisme, Ernest Renan écrivait en 1851 : « On ne saurait se figurer à quel point, chez les musulmans, la conviction et même en un sens la noblesse de caractère peuvent s’allier à un certain degré d’imposture. » Imaginer qu’une « charte de l’islam » va contribuer à la résolution du problème islamiste, c’est ne rien comprendre à la nature de l’islam. C’est vouloir rassurer l’opinion publique, qui réclame des mesures infiniment plus dures, et surtout, vouloir surprendre les faiseurs d’opinion afin qu’ils hurlent à l’islamophobie, cris d’orfraie qui rassureront effectivement un pan de l’opinion publique. Si le pouvoir le désire et si les juges l’autorisent – rien n’est moins sûr –, les trois fédérations susceptibles seront peut-être dissoutes. Et ? Rien. Toujours plus d’immigrés, c’est toujours plus de musulmans ; toujours plus de musulmans, c’est toujours plus d’islam ; toujours plus d’islam, c’est toujours plus d’islamisme ; toujours plus d’islamisme, c’est toujours plus de djihad. On nomme causalité cet étrange phénomène. Mais les progressistes sont incapables de l’admettre.

Au contraire, on aura bien vu ces dernières années qu’ils préfèrent que d’autres meurent pour leurs idées plutôt que de reconnaître qu’ils pourraient avoir tort. La gratification narcissique que leur procure leur « générosité » compte infiniment plus à leurs yeux que le sort des « déplorables » au milieu desquels ils sont nés. Et quand la situation sera hors de contrôle, quand on tuera à la chaîne ici comme dans l’Algérie de la décennie noire, alors, sans la moindre honte, le moindre scrupule, après avoir viré, en un clic, leurs économies sur des comptes lointains, ils se répandront dans ce monde dont ils prétendent être les citoyens. Les Français de souche et qui voudront le rester auront alors, eux, le choix entre le maquis et le cercueil.

1. Chiffre donné le 12 décembre 2020 dans l’émission Répliques par Didier Leschi, directeur général de l’OFII.

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