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Municipales 2026 : LFI et le vote révolutionnaire

Municipales 2026 : LFI et le vote révolutionnaire

Il faut bien se rendre à l’évidence : les deux seuls partis à faire encore de la politique sont le Rassemblement national et La France Insoumise. Ce dernier serait sur le point de prôner le « vote révolutionnaire » à l’occasion des élections municipales de mars prochain. Tout comme son prédécesseur fit de même au siècle dernier. Explications.

Aujourd’hui, tous les regards sont braqués sur l’élection présidentielle de 2027, au risque de négliger l’échéance des municipales. Certes, chaque scrutin du genre est un cas particulier à lui seul et, de la dimension locale à celle, nationale, il peut y avoir un pas. Lequel vient d’être pourtant allègrement franchi par Jean-Luc Mélenchon. D’où la une du Figaro magazine de ce 12 décembre, consacrée à ces villes qui pourraient bien tomber du côté obscur de la force, comme on dit dans La Guerre des étoiles, dont Marseille. On peut donc y lire l’inquiétude du bloc central, sur son versant gauche : « La plupart veulent croire que le candidat de La France insoumise, Sébastien Delogu, ne jouera pas la carte de la terre brûlée au second tour, au risque de faire élire Franck Allisio [ancien de l’UMP passé au RN, ndlr] Est-ce si sûr ? Pour un élu non marseillais, “Jean-Luc Mélenchon est dans une stratégie révolutionnaire.” Dans ce cas, il laissera Delogu face à Allisio, même si le RN peut l’emporter. » Sur le versant droit de la Macronie, Martine Vassal qui, à l’instar de Benoît Payan, le maire sortant écolo-socialiste, « mise sur une campagne strictement locale. La nationalisation des enjeux aiderait à l’inverse Sébastien Delogu et Franck Allisio. » Vote révolutionnaire, tel que plus haut évoqué ? Nous y sommes.

Jean-Luc Mélenchon dans les pas de Jean-Marie Le Pen…

Cette stratégie mélenchoniste semble de plus en plus inéluctable, tant il est vrai que les débris du défunt Nouveau front populaire sont en passe de se liguer contre son mouvement fondateur, La France insoumise, censée incarner la « vraie gauche », au contraire de la volaille sociale-démocrate, toute juste bonne à être plumée dans les urnes.

Cette antienne fut longtemps celle du Front national, dont certains dirigeants assuraient qu’il représentait la « vraie droite », alors que le RPR et l’UDF d’alors étaient qualifiés de « fausse droite », parce que « courbe » alors que la leur, de droite, était justement « droite ». Néanmoins, il n’est pas forcément besoin d’avoir fait Sciences-Po pour savoir qu’il n’existe pas plus de « vraie » droite que de « fausse droite », de « vraie » gauche que de « fausse » gauche, puisque cohabitent plusieurs droites, légitimiste, orléaniste et bonapartiste, et plusieurs gauches, marxiste, sociale-démocrate et proudhonienne, histoire de résumer la chose à grands traits.

En 1995, sous l’impulsion de Samuel Maréchal, patron du Front national de la jeunesse, auteur de l’essai Ni droite, ni gauche : Français !, Jean-Marie Le Pen change illico de braquet et de vocabulaire. Le FN sera donc populiste ou ne sera pas. Déjà hostile à la fantasmatique « union des droites », le Menhir déclare alors se battre pour la survie de la France et non point celle de la droite. Ce sera d’ailleurs l’une des raisons inavouées de la dissidence de Bruno Mégret persistant à vouloir poursuivre cette chimère. À l’approche de l’élection présidentielle de 2002, il va même jusqu’à affirmer que « Jacques Chirac, c’est Lionel Jospin en pire ».

Cette stratégie du vote révolutionnaire avait déjà été discrètement mise en œuvre par Jean-Pierre Stirbois, son défunt bras droit d’antan, en 1988, consistant à voter pour François Mitterrand contre Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle, histoire de faire place nette et de clarifier une bonne fois la situation.

En position de force, LFI entend atomiser la gauche…

Aujourd’hui, les rapports de force se sont inversés. Au siècle dernier, le FN aurait pu servir de béquille à cette droite donnée pour être « de gouvernement » : c’est désormais l’inverse. Et, pour reprendre les propos d’un Philippe de Villiers, décidément en pleine crise d’audace, accordés à Valeurs actuelles, ce 19 novembre, à propos de LR : « Ce parti ne franchira jamais le Rubicon qu’Éric Ciotti a eu le courage d’enjamber. Les LR resteront les supplétifs de la force centrale, macronisée jusqu’à l’os. Ils seront emportés par le coup de torchon qui se prépare. » De fait, Jean-Luc Mélenchon fait le même calcul, étant lui aussi en position de force vis-à-vis de ses anciens partenaires du NFP. Comme Jean-Marie Le Pen avant lui, il entend à son tour clarifier cette même situation. Et, tel son illustre prédécesseur, il sait n’être pas en position de gagner, pas plus les municipales que la future présidentielle. Peu lui importe : en véritable trotskiste, c’est l’affrontement dans la rue qu’il cherche, au contraire d’un Le Pen, indécrottable légaliste. C’est un révolutionnaire, malgré son passé de sénateur socialiste, pas un réformiste. La différence est de taille et n’a pas laissé indifférents nos confrères de Politis qui, ce 3 décembre, titrent : Municipales, entre LFI et le PS, la guerre totale est lancée ! » Rien de moins.

Faire gagner le RN, pourquoi pas…

Et les mêmes d’ajouter : « Depuis des semaines, les attaques fusent. Les stratèges des deux camps égrènent les villes dans lesquelles les insoumis font pression sur un maire rose. (…) Partout, les insoumis se délectent de ces sondages qui les placent en situation de déstabiliser les majorités sortantes ou, en cas de surprise, d’arracher quelques villes. (…) Le duel entre insoumis et socialistes est de plus en plus assumé. Le premier des roses, Olivier Faure, se retrouve obligé de hausser le ton. “Quel est leur objectif dans la vie ? Être les idiots utiles de la droite ? Où sont-ils prêts, au contraire, à être les renforts de la gauche ?” (…) Paul Vannier, le “monsieur élections” de LFI, affirme : “Partout où nous serons en tête au soir du premier tour, nous proposerons aux autres listes de gauche prêtes à défendre avec nous un programme de rupture, de nous retrouver pour battre la droite, pour battre l’extrême droite, pour changer la vie, vraiment.” » Inutile de préciser qu’en cas de refus de tels arrangements d’entre-deux tours, les candidats mélenchonistes se maintiendraient. Au risque de faire gagner le RN ? Leur révolution a manifestement un prix : celui-là. Rien que de très logique, finalement.

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