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Gilets jaunes

L’épopée des Gilets jaunes en photos

Annoncé prématurément en vente, l’album – avec des photos de guerre à couper le souffle – Gilets jaunes. Une année d’insurrection et de révolte dans Paris, est enfin disponible à la Nouvelle Librairie. 1 500 clichés au cœur des défilés. Ma-gni-fi-que ! Le tout préfacé par Édouard Limonov, juste avant sa mort. Entretien avec le seul non-photographe de la bande, Yvan Hardoy, qui a signé les textes de présentation et les légendes.

ÉLÉMENTS : Avec vos comparses, vous avez battu le pavé parisien une année durant, chaque samedi, lors des manifestations des Gilets jaunes. Quels souvenirs en gardez-vous ?

YVAN HARDOY. D’excellents souvenirs ! Ce qui nous a tout de suite frappé, les photographes et moi, c’est le sentiment de vivre un moment unique de l’Histoire de France, du point de vue populaire, comme il en arrive deux ou trois fois par siècle seulement.

Personnellement, c’est la présence importante des femmes dans le mouvement qui m’a immédiatement convaincu que celui-ci allait durer, que c’était du sérieux. C’est pour cette raison que nous commençons le livre, après la préface d’Édouard Limonov, par un chapitre sur les femmes. « Une nation n’est pas conquise tant que le cœur de ses femmes n’est pas à terre. » Ça n’est pas de moi, c’est un proverbe cheyenne.

Il y avait également un autre aspect, les refrains chantés en chœur par les Gilets jaunes, même après (surtout après même !) avoir été copieusement arrosés de gaz lacrymogènes. Cette ferveur a été notée par Édouard Limonov quand il est venu manifester avec nous, parce qu’elle contrastait avec la gravité des foules russes dans ces occasions. La Russie est pourtant un pays de grands chanteurs, alors que la France, si l’on en croit Guy Hocquenghem dans La beauté du métis, « reste le pays où l’on ne chante pas ». Eh bien, dans les défilés de Gilets jaunes, ça chantait ! Nous proposons d’ailleurs un autre chapitre sur ce sujet dans le livre.

Pour le reste, il faut surtout comprendre que ce mouvement est, et non pas était car il est toujours vivant, un mouvement spontané, sans chef, essentiellement provincial, né de la défiance à l’égard des partis politiques comme des centrales syndicales. C’est pourquoi ceux qui tenaient à afficher des couleurs partisanes étaient souvent invités gentiment à les mettre au second plan, l’essentiel étant de faire bloc contre la politique néo-libérale et mondialiste mise en œuvre par la Macronie.

À cet égard, le rôle tenu par les « antifas » a été beaucoup exagéré, car s’ils ont participé à de nombreuses manifestations, ce n’était pas en tant que Gilet jaune, gilet qu’ils ne portaient d’ailleurs pas, mais par petits groupes et pour leur propre compte.

De leur côté, les black blocs, qui sont venus par intermittence, ont joué un rôle plus déterminant et plus spectaculaire. Nous avons d’ailleurs recueilli le témoignage très intéressant de l’un d’eux dans le livre.

ÉLÉMENTS : Le mouvement des Gilets jaunes s’est décomposé en plusieurs phases. Comment les analysez-vous ? Qu’espérez-vous à l’avenir ?

YVAN HARDOY. J’ai souvent entendu des commentateurs affirmer que le mouvement des Gilets jaunes était initialement « très à droite », avant de devenir progressivement « très à gauche ». Ce n’est pas vraiment ce que nous avons vu, car la transversalité des opinions a perduré jusqu’aujourd’hui. Selon nous, la grande différence entre les Actes parisiens, en terme d’affluence, était tout simplement la présence importante ou non des provinciaux. Très nombreux à l’origine, leur nombre a baissé régulièrement, avec des soubresauts notables jusqu’à l’Acte LIII (53).

Cela signifie que les grandes manifestations ne reprendront qu’avec leur renfort. De là à penser que le gouvernement utilise la crise sanitaire pour interdire les rassemblements de Gilets jaunes, c’est un pas que je franchis allègrement !

Pourquoi pas les Parisiens seuls ? Vous connaissez la réponse, le Paris populaire est mort… Quant aux banlieues, elles sont restées à l’écart, de façon notable, de toutes les manifestations, même de celle qui s’est déroulée dans le 93 durant l’été. Il suffit de lire Christophe Guilluy, l’auteur de La France périphérique, pour comprendre pourquoi.

ÉLÉMENTS : Comment les Gilets jaunes perçoivent-ils la réaction pour le moins indulgente du ministre de l’Intérieur face aux débordements des manifestations d’hommage à George Floyd et de soutien à Adama Traoré, se refusant à sanctionner ? Que l’on sache, les Gilets jaunes n’ont pas eu droit à la même mansuétude. Deux poids, deux mesures, selon que vous serez puissant ou misérable ?

YVAN HARDOY. Je ne peux pas répondre au nom des Gilets jaunes à cette question. Ce qui est sûr, c’est que ce mouvement, du fait de sa transversalité et de sa ténacité, a vraiment fait peur au pouvoir, et que toutes les moyens, même légaux, ont été employés pour le briser. D’autres contestataires, qu’ils soient écologistes ou communautaristes, représentent un danger moindre tant il s’inscrivent en fait dans l’air du temps.

Malgré la répression et la désinformation, les Gilets jaunes, qui ont mis la question sociale au premier plan, ont pourtant remporté une victoire : la bataille des cœurs dans l’opinion publique ! Le confinement a montré à ceux qui en doutait l’utilité des petits et des sans grades dans le fonctionnement d’une société. Parmi les femmes en jaunes, il y avait de nombreuses aides-soignantes ou auxiliaires de vie, par exemple.

Et cerise sur le gâteau, les Gilets jaunes ont acquis une notoriété internationale ! Édouard Limonov informait ainsi chaque dimanche un large public russe des événements survenus la veille à Paris. Merci à lui et paix à son âme…

Gilets jaunes. Une année d’insurrection et de révolte dans Paris, Yellowsphere, 408 p., 240 x 240 mm, 1 486 photos, 30 €.

En vente à la Nouvelle Librairie – 11, rue de Médicis – 75006 Paris
01 42 01 83 73 / contact@lanouvellelibrairie.fr

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