Le propre d’une société totalitaire, ou en voie de l’être, est d’être intégralement politisée et de ne rien concéder au privé ni à l’intime. « Dire que le privé est politique assigne comme un but, et non comme un péril, la politisation intégrale de la vie », et cette phrase « excite la passion d’arracher les rideaux », écrit Claude Habib, nous mettant en garde contre cette dérive de plus en plus présente aujourd’hui. Loin des dystopies policières auxquelles on associe généralement le spectre des sociétés de surveillance généralisée, celle qui nous guette appuie sa légitimité sur les intentions les plus vertueuses, parmi lesquelles l’égalité des sexes. Or il arrive que cet idéal, aussi noble soit-il, s’oppose au bonheur des individus, et a fortiori des couples. Cette politisation de l’intime est « contraire à la paix domestique, puisqu’elle prône l’importation des conflits », et « destructrice du privé comme tel, puisqu’elle tient pour nulle l’existence du seuil, cette dénivellation qui fait que le dedans n’est pas la même chose que le dehors ». Si le sens de l’égalité et de la justice devait se réduire à une conception arithmétique de la vie, la famille, l’amour et l’amitié seraient les premiers à en pâtir car « la seule chose qui ne soit pas chiffrable, c’est ce que coûterait la disparition du désintéressement dans les relations humaines ». Et d’évoquer toutes ces femmes qui, après quelques années, « quittent le féminisme à pas de loup » afin de s’ouvrir à la possibilité d’une vie de couple et de famille épanouissante. Et pour cela il importe de « défendre la vie privée contre les blindés du “tout est politique” ». Moins dense et un peu plus décousu que certains de ses opus précédents (comme La Question trans ou l’excellent Galanterie française) ce nouvel essai poursuit la réflexion de Claude Habib sur les conditions du vivre-ensemble des sexes dans une optique de différence et de complémentarité.
Claude Habib, Le Privé n’est pas politique, Gallimard, Le Débat, 208 p., 18 €.
© Photo : capture vidéo. Claude Habib à France Inter.