Ce mardi 5 août, les États du monde entier se réunissent à Genève, en Suisse, afin de négocier un premier traité international sur la pollution plastique. « Nous sommes face à une crise mondiale. La pollution plastique endommage les écosystèmes, pollue nos océans et nos rivières, menace la biodiversité, affecte la santé humaine et pèse de façon injuste sur les plus vulnérables. L’urgence est réelle, la preuve est claire et la responsabilité repose sur nous », constate le diplomate équatorien, Luis Vayas Valdiviseo, présidant les négociations lancées ce jour en Suisse. Et en effet, de nombreuses études constatent la dangerosité des plastiques, un « danger grave, croissant et sous-estimé » pour la santé et pour les écosystèmes. Le monde est confronté à une « crise du plastique », provoquant des maladies et des décès. Du nourrisson à l’aîné, la pollution causée par le plastique est responsable d’au moins 1,5 milliard de dollars par an de dommages liés à la santé. Le moteur de cette crise est l’accélération considérable de la production de plastique, multipliée par plus de 200% depuis 1950, et qui devrait encore presque tripler pour atteindre plus d’un milliard de tonnes par an d’ici à 2060. Bien que le plastique ait de nombreuses utilisations importantes, l’augmentation la plus considérable à retenir se porte sur la production de plastiques à usage unique, tels que les bouteilles de boissons et les récipients de restauration rapide. Combien de poubelles ou de sentiers forestiers dégueulent aujourd’hui les déchets de McDo ?
En conséquence, la pollution plastique a grimpé en flèche, avec 8 milliards de tonnes de déchets polluant aujourd’hui la planète entière. Du sommet de l’Everest à la fosse océanique des Mariannes, la plus profonde au monde, le plastique est partout. Problème ! A la différence du verre, du papier, du carton, le plastique est difficilement recyclable : moins de 10 % des plastiques venant encombrer nos poubelles le sont. Les pétrogaziers et l’industrie du plastique ont fait valoir que l’accent devait être mis sur le recyclage du plastique, et non sur la réduction de la production. Mais, répétons-le, contrairement au papier, au verre, à l’acier et à l’aluminium, les plastiques chimiquement complexes ne peuvent pas être facilement recyclés. De l’extraction des combustibles fossiles à partir desquels ils sont fabriqués, jusqu’à la production, l’utilisation et l’élimination, les plastiques mettent en danger les personnes et la planète à chaque étape. Il en résulte une pollution de l’air, une exposition à des produits chimiques toxiques et une infiltration de microplastiques dans l’organisme. La pollution plastique peut même favoriser la prolifération des moustiques porteurs de maladies, car l’eau capturée dans les déchets plastiques offre de bons sites de reproduction. L’augmentation significative du vortex de déchets du Pacifique Nord, communément appelé « continent de plastique », est une énième constatation, bien matérielle, de cette croissance aberrante de la pollution causée par les plastiques.
Un rapport alarmant
L’étude, publiée dans la revue médicale The Lancet, a été rendue publique avant le sixième et probablement dernier cycle de négociations entre les pays en vue de l’adoption d’un traité mondial juridiquement contraignant sur les plastiques pour lutter contre la crise. Les négociations ont été marquées par un profond désaccord entre plus de 100 pays qui soutiennent un plafonnement de la production de plastique et les États pétroliers tels que l’Arabie Saoudite, qui s’opposent à la proposition. Le Guardian a récemment révélé comment les pétroglyphes et les lobbyistes de l’industrie du plastique font dérailler les négociations.
« Nous en savons beaucoup sur l’étendue et la gravité des effets de la pollution plastique sur la santé et l’environnement », déclarait récemment le professeur Philip Landrigan, pédiatre et épidémiologiste au Boston College, aux États-Unis, auteur principal du rapport en question. Selon lui, il est impératif que le traité sur les plastiques comprenne des mesures visant à protéger la santé et la planète.
« Les populations vulnérables, en particulier les nourrissons et les enfants, sont les plus durement touchées », ajoute le médecin. « Les pollutions dues au plastiques entraînent des coûts économiques considérables pour la société. Il nous incombe d’agir en conséquence ». Le rapport indique qu’il est désormais clair que le monde doit se concentrer sur le recyclage du plastique. Mais comme nous l’avons vu, les capacités techniques pour y parvenir font de ces douces déclarations des lobbyistes un simple vœu pieux.
Plus de 98 % des plastiques sont fabriqués à partir de pétrole fossile, de gaz et de charbon. Le processus de production à forte intensité énergétique joue un rôle majeur dans le dérèglement climatique, rejetant l’équivalent de 2 milliards de tonnes de CO2 par an, soit plus que les émissions de la Russie, quatrième pollueur mondial. La production de plastique produit également de la pollution atmosphérique, tandis que plus de la moitié des déchets plastiques non gérés sont brûlés à l’air libre, ce qui aggrave encore la pollution de l’air, toujours selon ce rapport. Plus de 16 000 produits chimiques sont utilisés dans les plastiques, notamment des colorants, des retardateurs de flamme et des stabilisateurs. Le rapport indique que de nombreuses substances chimiques contenues dans les plastiques peuvent avoir des effets sur la santé.
L’analyse a révélé que les fœtus, les nourrissons et les jeunes enfants étaient très sensibles aux effets néfastes des plastiques, l’exposition étant associée à des risques accrus de fausse couche, d’accouchement prématuré, de malformations congénitales, de troubles de la croissance pulmonaire, de cancer infantile et de problèmes de fertilité à un stade ultérieur de la vie. Les déchets plastiques se décomposent souvent en micro- et nano-plastiques, pénétrant dans le corps humain par l’eau, les aliments et la respiration. Ces particules ont été retrouvées dans le sang, le cerveau, le lait maternel, le placenta, le sperme et la moelle osseuse. Leur impact sur la santé humaine est encore largement inconnu, mais elles ont été associées à des accidents vasculaires cérébraux et à des crises cardiaques. Considéré comme un matériau bon marché, les scientifiques alertent ! Car si nous prenons en compte le coût des dommages sur la santé, la calcul est bien différent et les « gains » plus qu’illusoires. Du moins pour les utilisateurs, pas les pour les industriels évidemment. Une estimation des dommages sanitaires causés par seulement trois produits chimiques du plastique – PBDE, BPA et DEHP – dans 38 pays s’élève à 1,5 milliard de dollars par an.
Cette nouvelle analyse marque le début d’une série de rapports qui feront régulièrement le point sur l’impact des plastiques. Margaret Spring, l’une des coauteurs du rapport, souligne: « Les rapports offriront aux décideurs du monde entier une source de données solide qui leur permettra d’élaborer des politiques efficaces pour lutter contre la pollution plastique à tous les niveaux. »
Cet énième sommet, et cette nouvelle sonnette d’alarme suffiront-ils pour limiter enfin l’emploi du plastique ? Faces aux pétro-dollars et à leurs lobbys, on peut malheureusement fortement en douter.