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L’art contemporain s’attaque aux crèches de Noël

Que l’on soit catholique ou non, la traditionnelle crèche de Noël fait partie de notre patrimoine culturel, de notre imaginaire collectif, de nos souvenirs d’enfance. Jadis objet d’émerveillement ou d’amusement pour les petits, de douce nostalgie pour les plus grands et de pédagogisme religieux pour quelques-uns, elle a aujourd’hui – à l’heure du Grand Remplacement et du Grand Chambardement – totalement changé de nature. Cela ne fait aucun doute dans l’église parisienne de Saint-Eustache.

L’innocent rassemblement de santons veillant le berceau de l’enfant Jésus est en effet devenu soit un enjeu de débat politique, soit un sujet de frictions intercommunautaires, soit, et c’est peut-être pire encore, une « performance » artistique.

C’est une nouvelle fois le cas cette année dans diverses églises de France et plus particulièrement à Saint-Eustache, à Paris, où la réalisation de la crèche a été confiée à Prosper Legault, jeune diplômé de l’École des Beaux-Arts. Il est né le divin artiste et il se devait donc de marquer de sa « patte » la Nativité, de la « dépoussiérer », de lui donner un sens plus « actuel », bref de la « réinventer ». Pari pleinement réussi, on ne peut le nier. En effet, de la plus simple et universelle image de l’espérance, il a réussi à faire un dégueulis égotique qui ne parvient même plus à choquer tant il est convenu et symptomatique du nouvel académisme de l’ordure qu’est l’art contemporain subventionné.

L’installation est intitulée « Bienvenue dans la vi(ll)e », peut-être en hommage au goût potache pour les jeux de mots des journalistes de Libé qui ne manqueront pas de se pâmer d’admiration devant cette « réinterprétation ». Tout comme ceux du Figaro d’ailleurs, qui leur emboîteront sans aucun doute prestement le pas, terrorisés jusqu’à l’entéralgie d’être soupçonnés de « ringardisme » ou de « conservatisme ».

Jésus ? Un migrant installé dans une tente « Quechua »

Constitué « d’objets abandonnés » (néons, vieilles enseignes, graffiti, personnages de mangas…), le chef-d’œuvre est censé interroger sur le sort « des plus démunis qui dorment dans des abris de fortune, qui essayent de gagner de quoi se nourrir en vendant des marrons ou des souvenirs ». Suivez mon regard… D’ailleurs pour ceux qui seraient un peu durs à la comprenette, la tente « Quechua » des camps de migrants symbolisant le berceau divin est là pour mettre les points sur les i… Il est vrai qu’en 2016, la crèche du même lieu, composée alors par Théophile Stern, faisait déjà « écho au drame des migrants en méditerranée ». Il semble que l’avant-garde de la modernité artistique ait quelques difficultés à se renouveler…

Que la rédemption universelle apportée par le Christ dépasse de très loin la pleurniche humanitaire est évidemment un concept qui échappe à nos créatifs redresseurs de torts de la rue Bonaparte (que ne l’ont-ils encore débaptisée !), mais passons. Ce qui est peut-être le plus navrant dans le spectacle de cet énième – et anecdotique – semi-décharge rebaptisée œuvre d’art est sans doute l’acharnement d’une certaine Église à promouvoir la laideur, la bêtise et l’orgueil du monde dans des lieux qui devraient être des refuges face à ces maux. Oubliant qu’elle n’a à être ni rétrograde ni progressiste, mais simplement intemporelle, se soumettant aux modes et à l’air du temps dans une pathétique démarche de recherche de la « reconnaissance » de ses pires ennemis, l’Église trahit une nouvelle fois sa mission d’élévation, d’exigence et de permanence.

Tant que les églises se voudront des annexes de la Fiac, elles resteront aussi vides et déconnectées du peuple que les allées des expositions de cet art bourgeois, désincarné et bouffi d’orgueil qui ne parle plus à personne au-delà de quelques salons dorés germanopratins.

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