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Les grands esprits

La grande farce du cinéma français

Si l’ensemble de l’industrie cinématographique mondiale connaît d’importantes difficultés post-Covid, le cinéma français semble pour sa part carrément subclaquant. Sans doute est-ce dû au fait qu’il ne sait aujourd’hui plus produire que des (mauvaises) comédies et des pensums idéologiques lourdingues et caricaturaux, grossièrement agrémentés d’une couche de moraline aussi épaisse que le portefeuille d’un éditorialiste de « Libé ».

Cela fait longtemps que le cinéma français ne s’intéresse plus aux rétrogrades questions d’esthétique, de construction narrative ou de qualité des dialogues, il est en mission, en croisade même, pour l’inclusion et la tolérance qui sont ses véritables obsessions. Davantage qu’un vecteur de propagande, il se réduit désormais à un simple support éducatif pour les dogmes idéologiques du temps et dégueule à un rythme effréné des fictions édifiantes pour cours d’éducation civique et citoyenne, rebaptisée d’ailleurs depuis 2015 EMC (enseignement moral et civique). Car l’aristocratie cinématographique, essentiellement composée de « fils de » et de bobos gauchistes, veut à toute force guérir le populo de ses mauvais penchants, lui extirper les idées nauséeuses qu’il exprime encore régulièrement lors des scrutins électoraux auxquels on a encore la faiblesse de le laisser participer malgré son évidente crétinerie et ses absurdes réticences au paradis progressiste du « vivre ensemble ». Et pour atteindre un si noble objectif, tous les moyens sont bons, surtout les plus lourds et les plus grossiers. Plus le fil est épais, plus il semble enthousiasmer les producteurs comme les critiques officiels.

La trame de ces nouveaux contes édifiants est systématiquement la même : un individu issu d’une quelconque minorité, en situation de précarité économique et sociale à cause d’une société inégalitaire rongée par le racisme systémique, se révèle être une pépite de talent qui parviendra à accomplir son rêve et à réussir brillamment malgré les embûches mises sur sa route par des Français de souche xénophobes et envieux, car bien plus médiocres. Et sur cette base, on décline à l’infini : quand la petite Africaine de banlieue deviendra danseuse étoile, le dealer de cités s’épanouira en tant que ténor à l’Opéra pendant que tel autre migrant finira chef d’orchestre ou cuisinier étoilé… À grand coups de navets largement subventionnés par l’argent public (notamment via le CNC), sans craindre le moins du monde le ridicule le plus complet, on cherche à imposer l’image d’une immigration totalement fantasmée, joyeuse et précieuse, fantastique enrichissement pour un pays morne et vieillissant. Pour ces réalisateurs et producteurs totalement déconnectés, même les « rodéos urbains » deviennent de sympathiques et ludiques ballets permettant à une jeunesse bridée de laisser exploser son énergie et sa créativité.

Sous perfusion d’argent public

Seul petit problème, malgré les moyens déployés, cela ne fonctionne pas et le public ne suit pas, rechignant à dépenser plus de dix euros la place pour se faire rééduquer et glavioter au visage par la même occasion. Car le bon peuple, lui, contrairement aux belles âmes de l’intelligentsia artistique, vit dans le réel. La réalité de l’immigration et ses conséquences, il y est confronté quotidiennement et cela ne ressemble pas du tout – doux euphémisme – aux contes de fées qu’on tente de lui fourguer. Donc les films manifestes pro-immigration réalisés et joués par des gens vivant dans une bulle éthérée et protégée, qui ne connaissent le sujet que via la nouvelle domesticité, ne font que très peu d’entrées. Mais cela n’empêche évidemment en rien de continuer à en sortir puisqu’ils vivent sous perfusion d’argent étatique. Le public pour sa part, et c’est bien sûr navrant, préfère consacrer le peu d’argent qu’il lui reste pour ses loisirs à des « blockbusters » américains, souvent débiles, mais qui ont l’avantage d’être au moins spectaculaires et distrayants. Une situation catastrophique qui renforce l’hégémonie hollywoodienne et la colonisation mentale qui en découle.

Face à un tel naufrage, il ne s’agit pas de réclamer des films militants « inverses », la production de films « de droite » tout aussi lourdauds et démonstratifs, mais d’espérer une prise de conscience de l’inanité grotesque (et sans doute contre-productive) du systématisme de cette propagande filmée, et attendre un retour au moins partiel à la mesure, à la nuance, à l’originalité, à la beauté formelle, qui sont les composantes des œuvres de qualité, même lorsque l’on est en désaccord avec le propos « politique » de celles-ci.

Car, contrairement à l’idée largement répandue, on peut faire de belles et fortes œuvres « à thèse » et même avec des « bons sentiments » (Eisenstein, Costas-Gavras, Duvivier, Loach et bien d’autres l’ont largement démontré), mais il faut pour cela une finesse et un talent qui ont clairement déserté les marécages germanopratins où croupit un 7e art national qui mérite chaque jour un peu moins son nom.

Une réponse

  1. L’effarante nullité des films français sortis récemment est dénotée au coup par coup dans la presse ; mais une analyse globale est escamotée, c’est un sujet quasi tabou, presque un Secret d’Etat ! Une exception bien venue : « (très) Cher Cinéma français » par Eric Neuhoff (Prix Renaudot essai 2019). En livre de poche.

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