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La Garde nationale déployée à Los Angeles à la suite des émeutes

La Garde nationale déployée à Los Angeles à la suite des émeutes

Les troupes de la Garde nationale ont afflué, dimanche 8 juin, à Los Angeles, appelées par Donald Trump à rétablir l’ordre et le calme après un week-end de manifestations violentes contre les mesures du gouvernement américain visant l'immigration illégale. Une promesse électorale et une priorité pour le locataire de la Maison Blanche.

Comme un petit air de déjà vu… Rappelant les frénétiques émeutes de 1992, la ville de Los Angeles est à nouveau le théâtre de violentes manifestations contre la tentative de l’administration d’augmenter les reconduites à la frontière en ciblant le plus grand groupe d’immigrés clandestins du pays, les latinos. Donald Trump a promis un « ordre public très fort » en réaction à ce qu’il a qualifié de « d’agissements inacceptables de personnes violentes. » Il a notamment ajouté : « Nous aurons des troupes partout. Nous n’allons pas laisser notre pays subir cela. Nous n’allons pas laisser notre pays se déchirer comme il l’a fait sous Biden. » Ce sont donc 2000 membres de la garde nationale qui se sont joints aux forces de l’ordre sur place. Information importante n’ayant rien d’un détail : selon les estimations du recensement de 2023,  les personnes d’origine hispanique/latine constituent le groupe ethnique le plus important du comté de Los Angeles, avec 48 % de la population. Sur les 3 898 747 d’habitants en 2020, le pourcentage d’hispaniques de LA était de 46,9 %.

Les manifestants et les autorités se sont notamment affrontés ce dimanche autour d’un bâtiment gouvernemental dans le centre de la ville. La police locale a déclaré qu’il s’agissait d’un rassemblement illégal et a autorisé l’arrestation de toute personne jetant des objets.Une démonstration de force qui a de quoi frapper les esprits, car c’est la première fois depuis les années 1960 que des troupes de la Garde Nationale sont déployées sans le consentement de leur gouverneur. Une initiative présidentielle saluée par les responsables de l’administration de la United States Immigration and Customs Enforcement (ICE), chargés d’appliquer les décrets présientiels. Ces mesures ont été les premières à avoir été signées par Donald Trump lors de son investiture.

Un chaos soutenu par les démocrates

Depuis plusieurs jours, les scènes de guérilla urbaine s’enchaînent, les manifestants s’en prenant notamment aux agents du service de l’immigration, comme le montrent des dizaines de vidéos sur internet. La secrétaire à la sécurité intérieure, Kristi Noem, a déclaré que les troupes de la Garde Nationale étaient là pour calmer les manifestations et donner à l’ICE l’espace nécessaire pour faire le travail demandé par Donald Trump. « Nous n’allons pas laisser se reproduire ce qui s’est passé en 2020 », a déclaré Mme Noem lors de l’émission « Face the Nation » de la chaîne CBS, dans une allusion aux violences anti-police qui ont embrasé les villes après la mort de George Floyd.

De leur côté, les démocrates, toujours pas remis de leur défaite à la présidentielle de 2024, essayent de calibrer leur message pour se présenter comme des agents du changement, mais ils se retrouvent régulièrement à défendre le statu quo que les électeurs ont désapprouvé. Le message de facto du Parti démocrate est que le président Trump fait aller la nation de mal en pis. « La réalité est que les démocrates défendent le rôle d’un (bon) gouvernement et les services essentiels dont nous dépendons, ce qui fait d’eux des défenseurs du statu quo », a déclaré Christy Setzer, stratège démocrate, dans un courriel. « Ce n’est pas sexy, et quand les gens ont envie de changement, cela joue absolument contre nous ».

Cette dynamique s’est répandue sur les écrans de télévision alors que le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, et d’autres démocrates tentent de faire front commun contre Donald Trump. Le gouverneur californien, farouche opposant au président américain, apparaît déjà comme un possible candidat démocrate pour la prochaine présidentielle de 2028. Très « libéral », il a été la cible d’une pétition demandant sa révocation en 2020, lancée par Orrin Heatlie, sheriff adjoint dans le comté de Yolo, reprochant notamment au gouverneur d’être favorable à l’immigration illégale alors que la Californie compte un grand nombre de personnes sans-abri. Le gouverneur Newson s’est également démarqué avec des mesures curieuses,  telle l’adoption d’une loi obligeant les étudiants d’un réseau de 23 universités publiques de l’État à suivre un cours d’ethnic studies (études ethniques) pour obtenir leur diplôme après les manifestations, déjà très violentes, en hommage à George Flyod, toujours en 2020. Critique à propos du déploiement de la Garde Nationale dans la ville de Los Angeles, ce dernier ne s’est pourtant pas privé d’employer cette même garde nationale pour tester en masse les citoyens au moment du Coronavirus. Certains militants libéraux ont salué les manifestants comme des héros, mais la plupart des démocrates de haut rang à Washington se sont contentés de critiquer Trump pour ce qu’ils considèrent comme une décision hâtive d’appeler la Garde.

« Cette décision crée un précédent troublant en matière d’intervention militaire dans les forces de l’ordre locales », a déclaré le sénateur Jack Reed, du Rhode Island, principal démocrate de la commission sénatoriale des forces armées. « Il est essentiel que les décisions de cette ampleur soient prises dans la transparence, la retenue et le respect de l’équilibre constitutionnel ».Lors d’une conférence de presse dimanche après-midi, la maire de Los Angeles, Karen Bass, autre démocrate très opposée à Trump, a blâmé l’administration de l’actuelle président américain. « Ce que nous voyons à Los Angeles est un chaos provoqué par l’administration », a déclaré la maire démocrate. « Quand vous faites des descentes à Home Depot (l’équivalent de nos Leroy Merlin) et sur les lieux de travail, quand vous séparez parents et enfants, et quand vous faites passer des caravanes blindées dans nos rues, vous provoquez la peur et vous provoquez la panique. Et le déploiement de troupes fédérales est une escalade dangereuse ».

Bass a dénoncé le blocage de l’autoroute et les jets de bouteilles et de pierres des manifestants sur les policiers, affirmant que ces deux actions n’étaient « pas pacifiques ».

Les dirigeants démocrates de la ville et de l’État avaient déclaré que les forces de l’ordre locales avaient les choses en main, ce que les fonctionnaires fédéraux ont démenti. Todd Lyons, directeur par intérim de l’ICE, a déclaré que ses agents avaient attendu deux heures ce vendredi 6 juin pour obtenir une aide des responsables de la ville, alors qu’une foule encerclait un bâtiment de l’ICE et tentait d’empêcher les agents de procéder à des arrestations et à des détentions. « Ce qui s’est passé hier à Los Angeles est épouvantable », a-t-il déclaré. « Alors que les émeutiers attaquaient les agents fédéraux de l’ICE et les forces de l’ordre dans les rues de Los Angeles, le maire Bass a pris le parti du chaos et de l’anarchie au détriment de l’application de la loi ».

Vendredi, la mairesse démocrate a publié sur les réseaux sociaux un message dans lequel elle se plaignait des arrestations et déclarait que la ville « ne tolérerait pas cela ». De son côté, Trump a prévenu dimanche que son administration mettrait tout en œuvre pour repousser l’« invasion de migrants » à Los Angeles et rétablir la loi et l’ordre dans « l’ancienne grande ville américaine ».

« J’ordonne à la secrétaire à la sécurité intérieure, Kristi Noem, au secrétaire à la défense, Pete Hegseth, et au procureur général, Pam Bondi, en coordination avec tous les autres départements et agences concernés, de prendre toutes les mesures nécessaires pour libérer Los Angeles de l’invasion des migrants et mettre fin à ces émeutes de migrants », a déclaré M. Trump sur le réseau Truth Social.

Des agents du chaos ?

Au delà de l’emballement médiatique, la plupart de ces derniers qualifiant les émeutes de « manifestations pacifiques », les services de sécurité intérieur ont fait circuler de nombreuses photos des manifestations, notamment des graffitis anti-ICE et des tracts qualifiant l’administration Trump de « régime fasciste ».Ils ont également publié une galerie de noms de migrants ciblés par l’ICE lors des arrestations. Il s’agit notamment de Cuong Chanh Phan, un immigrant clandestin vietnamien dont le casier judiciaire comporte une condamnation pour meurtre ; Rolando Veneracion-Enriquez, un immigrant clandestin philippin condamné pour agression avec intention de commettre un viol ; Lionel Sanchez-Laguna, un Mexicain condamné pour port d’arme, cruauté envers les enfants, violence conjugale et conduite en état d’ivresse ; et Jose Gregorio Medranda Ortiz, originaire de l’Équateur, condamné pour trafic de stupéfiants. Bref, du beau linge…

La représentante démocrate de Californie, Nanette Barragan, a déclaré qu’elle n’était pas opposée à l’idée de cibler les immigrants illégaux violents pour les arrêter, mais elle a ajouté que les efforts de l’ICE et le déploiement des troupes allaient trop loin. « Cela ne fera qu’empirer les choses dans une situation où les gens sont déjà en colère à cause de l’application des lois sur l’immigration », a-t-elle déclaré.

Le sénateur Ruben Gallego, démocrate de l’Arizona, a déclaré pour sa part que lorsque l’ICE ne s’en prenait qu’aux immigrés clandestins ayant un casier judiciaire, « il n’y avait que peu ou pas de protestations de la part du public ».

« Des protestations publiques ont éclaté parce que Donald Trump a abusé des procédures régulières, séparé des familles et déporté des enfants », a-t-il déclaré. « Trump n’essaie pas de résoudre quoi que ce soit. Il se donne en spectacle pour avoir l’air d’un dur à cuire à la télévision. » Le bureau du gouverneur de Californie a commenté, disant que la Californie était « unie contre la prise de contrôle chaotique et incendiaire » des unités de la garde nationale. Avant de partir pour Camp David dimanche, Donald Trump a exhorté les fonctionnaires de l’État à ne pas entraver ses efforts : « Si les fonctionnaires restent sur le chemin de la loi et de l’ordre, ils devront répondre de leurs actes. »

Un nouveau pas vers la lente et violente désunion des États-Unis d’Amérique ?

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