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Gros plans sur la rédaction d’Éléments : Anne-Laure Blanc

Gros plans sur la rédaction d’Éléments : Anne-Laure Blanc

À l’occasion de cette période estivale qui pousse, malgré le contexte général, à un peu de légèreté, nous lançons une série d’entrevues afin de vous faire mieux connaître les différents membres – anciens et nouveaux - de la rédaction de notre revue. Entre parcours intellectuel, inclinations artistiques, goûts culinaires et petites marottes, vous saurez tout sur ceux qui composent la famille d’Éléments. Aujourd’hui, place aux dames avec Anne-Laure Blanc

ÉLÉMENTS. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert Éléments et comment s’est réalisé le « rapprochement » avec sa rédaction ?

ANNE-LAURE BLANC. Éléments, c’est une histoire de famille, comme le savent très bien Mediapart et comparses ; mes parents étaient sans doute parmi les premiers abonnés de la première mouture d’Éléments. En revanche, personne – et moi la première – ne s’étant avisé que je savais à peu près écrire, le rapprochement a été plus que tardif.

ÉLÉMENTS. Vous faites partie de la (très) petite minorité féminine au sein de la revue. Comment expliquez-vous ce déséquilibre des sexes dans la rédaction ? Est-elle l’une des dernières forteresses obscurantistes du patriarcat machiste ?

ANNE-LAURE BLANC. Ce déséquilibre ressemble fort à une déficience génétique ou hormonale, cela ne peut pas s’expliquer autrement. Yves Christen saura-t-il éclaircir ce mystère ? Par paresse intellectuelle, ou par goût des troisièmes mi-temps, l’entre-soi – l’entre-mecs – des années 1960-1970 n’a jamais été sérieusement remis en question, sauf peut-être par Alain de Benoist. Aux jeunes filles, on proposait Biba ; aux jeunes mères de famille, Enfants Magazine, et aux quinquas, Côté Ouest ou Côté Sud. Oui, nous, les « minettes », lisions Éléments – mais presque en cachette. Alors, oser proposer un article… La génération montante semble plus accueillante, et je m’en réjouis !

ÉLÉMENTS. Vous vous intéressez plus particulièrement à la littérature destinée à la jeunesse, dont vous dénichez les perles. D’où vous viennent cette appétence et ce sentiment de l’importance majeure de cette littérature ?

ANNE-LAURE BLANC. Depuis mes premiers Babar, j’ai toujours préféré les livres aux poupées ! Nous avons eu la chance, mes frères, ma sœur et moi, de découvrir tout enfants de très beaux livres de jeunesse, dont les Aventures d’Alice au pays des Merveilles, offertes en 1909 à ma grand-mère par « ses cousines anglaises » ou le Jeanne d’Arc illustré par Boutet de Monvel. Sans oublier Le Sapeur Camenber, bien entendu. Jeune maman de quatre garnements, il m’a semblé tout naturel de leur offrir de beaux livres, et j’ai continué avec mes petits-enfants. La littérature destinée à la jeunesse fait preuve d’une inventivité incroyable, avec des illustrateurs et des auteurs vraiment créatifs qu’il est urgent d’encourager.

ÉLÉMENTS. Comment expliquez-vous le désintérêt croissant de la jeunesse pour la lecture ? Les « écrans » sont-ils les seuls responsables ?

ANNE-LAURE BLANC. La jeunesse ? Quelle jeunesse ? La lecture ? Quelle lecture ? Je me demande si nous n’avons pas un regard d’intellectuels éthérés sur ce sujet. Quelques générations plus chanceuses, celles du baby-boom, ont pu en effet se régaler des séries de la Bibliothèque rose, de la Bibliothèque verte ou des premiers poches de chez Gallimard. Mais historiquement, la lecture enfantine était soit scolaire, avec tout ce que cela comportait de lieux communs et de bien-pensance, soit limitée à des milieux déjà lettrés, où la lecture était souvent le seul antidote à un enfermement, celui de la pension ou de la petite-bourgeoisie. Du moins le seul autorisé.

Depuis plus de trente ans, les écrans offrent en effet mille possibilités d’évasion plus immédiates, aux enfants comme aux adultes. Or cette évasion est factice. Ce qui m’inquiète plus, c’est que les écrans enferment les enfants, qui perdent le contact avec la nature et avec les réalités quotidiennes. Les algorithmes contraignent, alors que la lecture libère l’imaginaire.

Aujourd’hui comme hier, les enfants qui lisent sont souvent ceux dont les parents lisent – et combien de jeunes parents prennent-ils du plaisir à lire ?

ÉLÉMENTS.  Existe-t-il, selon vous, des « chefs d’œuvre incontournables » de la littérature jeunesse comme il y en a pour celle adulte ? Si oui, pouvez-vous nous en citer quelques-uns ?

ANNE-LAURE BLANC. Chaque génération a ses incontournables. Certains chefs-d’œuvre ont un goût un peu vieillot. Le pari du guide Une bibliothèque idéale, cosigné avec Valérie d’Aubigny et Hélène Fruchard (Critérion), a été justement de sélectionner le meilleur de la littérature jeunesse. D’Alphonse Daudet à Erik L’Homme, de Selma Lagerlöf à Muriel Szac, de Saint-Exupéry à Pierre Gripari, que choisir ?

ÉLÉMENTS.  Les participants au colloque de l’Iliade, notamment, ont pu découvrir vos talents pour la reliure. Pouvez-vous nous dire un mot sur cette autre passion, son origine, et nous parler de ce métier hélas un peu tombé en désuétude ?

ANNE-LAURE BLANC. C’est une exposition de reliures contemporaines qui a déclenché cette envie de passer à l’action, dans les années 1990. J’ai eu ensuite la chance de pouvoir suivre les cours de grands relieurs. Il y a trois ans, j’ai eu l’opportunité de passer du statut de relieur amateur à celui de professionnel en ouvrant un petit atelier à Salbris en Sologne. Ce qui m’intéresse, c’est de donner aux livres un habit à leur mesure, de travailler le papier, la toile, le cuir, de jouer avec les matières et les couleurs. Le métier a fortement évolué en effet depuis l’époque où tout un chacun faisait relier ses livres. Aujourd’hui, il s’agit soit de faire restaurer un livre dont la reliure a été fragilisée par le temps, soit de créer une reliure contemporaine qui ne va plus seulement protéger le livre, mais qui va interagir avec lui. Ce sont des livres le plus souvent à tirages très limités et édités sur de beaux papiers, illustrés par des artistes reconnus. Allez voir les expositions de reliure contemporaine, vous ne serez pas déçus par la créativité des jeunes relieurs : rien de désuet chez nous !

ÉLÉMENTS. Enfin, pour conclure, comme nous sommes en pleine période estivale, pouvez-vous nous donner votre destination de vacances préférée et/ou rêvée ?

ANNE-LAURE BLANC. Savoie, Valais, Val d’Aoste, Queyras : marcher en montagne, sur les sentiers les moins fréquentés possible, est une nécessité vitale pour moi. Bouquetins, marmottes et edelweiss sont les meilleurs antidotes aux soucis et au stress. Il faut juste un peu ruser pour éviter les « spots instagrammables », donc ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler mes chemins noirs de prédilection !

Quant aux grandes villes d’art européennes, je ne les visite jamais en été, mais toujours hors saison, que ce soit Athènes, Rome, Naples, Madrid ou Vienne.

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