Le magazine des idées

Georges J. Arnaud, mort d’un parano de génie

Né en 1928 à Saint-Gilles, dans le Gard, Georges J. Arnaud était l’un des romanciers français les plus prolifiques. Il est mort dimanche dernier, le 26 avril 2020, dans l'indifférence générale, à La Londe-les-Maures, dans le Var. Polar, espionnage, fantastique, science fiction, ce feuilletoniste de génie aura excellé dans tous les genres abusivement qualifiés de mineurs, publié 414 romans sous 15 noms de plume différents, dans 37 maisons d'éditions. Olivier Maulin lui avait rendu un magnifique hommage dans Éléments n°155, en avril 2015.

Si la littérature populaire se définit comme une littérature de grande diffusion dont « la part supposée dans l’histoire littéraire est inversement proportionnelle au tirage »1, alors Georges J. Arnaud est incontestablement le dernier grand maître du genre. Entre une littérature officielle attachée à déconstruire le roman, son intrigue et ses personnages et un polar de gangster singeant à la Série Noire (parfois avec succès) le hard boiled américain, cet écrivain injustement méconnu a bâti une œuvre profondément ancrée dans la tradition française des feuilletonistes du XIXe siècle, les Eugène Sue, Pierre Souvestre, Alexandre Dumas et autres Ponson du Terrail. Une œuvre, parfois militante, qui loin des jeux formels et du « soupçon » porté au roman (Nathalie Sarraute) a au contraire cru en lui, s’est confrontée à la réalité politique et sociale de son temps et en a dénoncé certains travers souvent avant les autres.

Un forçat de l’écriture

En cinquante ans d’activité, Georges J. Arnaud a écrit plus de 400 romans et tapé dans tous les « genres » définis alors par les éditeurs : espionnage, aventure, angoisse, érotique, fantastique, historique, anticipation, et bien sûr polar, domaine dans lequel il a donné ses meilleurs livres, dont au moins une douzaine de véritables chefs d’œuvre2. Il est incompréhensible qu’aucun éditeur n’ait songé à reprendre ces derniers, qui valent largement les meilleurs Simenon, et qui sont pourtant tous épuisés depuis des décennies.

Hormis quelques revues spécialisées3 et quelques journalistes avisés (Raphaël Sorin dans Le Matin4 ou François Rivière dans Libération – un des seuls à l’avoir réellement suivi), la presse a dans l’ensemble superbement ignoré la « mosaïque gigantesque » (Michel Lebrun) que constitue cette œuvre. Les éditions Fleuve Noir ayant choisi l’un de ses livres (Mère Carnage) pour porter le numéro 2000 de la collection « Spécial Police », on constate une petite épidémie d’articles en 1986, et puis plus rien, ou presque.

Comme on l’imagine, la vie d’un homme qui a écrit 400 romans a peu de chance d’être passionnante. Georges J. Arnaud s’est plusieurs fois défini lui-même comme un fonctionnaire de l’écriture. Lever à 7 heures du matin. Mots croisés de 7h1/4 à 8h. Écriture jusqu’à 11h30. Déjeuner, une heure de télévision dans le brouillard. Écriture jusqu’à 18h30. Tel a été l’emploi du temps principal de ce stakhanoviste, qui à raison de ses 25 pages règlementaires au quotidien achevait un roman en une huitaine de jours.

Les deux Arnaud

Né en 1928 à Saint-Gilles (Gard), il écrit le premier à l’âge de 24 ans, juste avant de partir sous les drapeaux pour son service militaire. Sa femme envoie le manuscrit au jury du prix du Quai des Orfèvres qui le lui attribue au détriment de Léo Malet. Reste à publier le livre chez Hachette (Ne tirez pas sur l’inspecteur, 1952). Problème : un roman vient de paraître, qui a fait un tabac : Le salaire de la peur, adapté par Clouzot l’année suivante. Il est signé Georges Arnaud, pseudonyme que s’est choisi l’écrivain Henri Girard à partir du prénom de son père et du nom de jeune fille de sa mère. Pas de bol pour Georges Jean Arnaud qui est contraint de prendre un pseudo à son tour ; il choisira le terne et convenu Saint-Gilles. L’écrivain vit très mal cette dépossession : « En ce qui concerne la découverte du Salaire de la peur dans les vitrines des libraires […] je préfère oublier le choc viscéral, intellectuel, qui me mit KO. Dans un flash de naïveté stupide, je crus un instant que j’étais l’auteur inconscient de ce bouquin avant de tomber dans l’effroi. Effroi d’un avenir perdu avant d’avoir commencé. »3 Durant sept ans, il publiera sous divers pseudos aux éditions l’Arabesque avant de récupérer son nom à l’occasion de son entrée au Fleuve Noir en 1959, avec ce petit « j » faisant la différence.

La confusion des deux Arnaud ne cessera pourtant jamais, et aujourd’hui encore lorsque l’on tape Georges J. Arnaud sur Amazon, on se voit proposer Le Salaire de la peur en premier choix. Le 4 mars 1987, lorsque meurt Georges Arnaud à Barcelone, l’andouille qui présente le JT de Tf1 s’emmêle les pinceaux et diffuse une interview de Georges J. Arnaud qui assiste ainsi à sa mort en direct. « Si Girard m’a volé une partie de ma vie […] je lui ai volé sa mort […] »4, conclura-t-il de cette séquence.

Fleuve Noir et Série Noire

L’entrée au Fleuve Noir dans les collections « Grands Romans » (L’enfer des humiliés, 1959), « Spécial Police » (Virus, 1960) puis « Espionnage » (Forces contaminées, 1961) lui permet de vivre aisément de sa plume. Il se consacrera à l’espionnage et au polar jusqu’au début des années quatre-vingt, publiant en parallèle des romans érotiques dont quinze titres d’une série intitulée « Marion » entre 1974 et 1976 et dix-sept d’une autre, « Pascal », entre 1979 et 1984, les deux signées Ugo Solenza. Il continue par ailleurs à donner d’autres romans d’espionnage à l’Arabesque sous les noms de Georges Ramos, Georges Murey, Gil Darcy ou David Kyne.

La collection de polar « chic » du moment est bien entendu la Série Noire. Elle publie les Américains, elle est marquée à gauche, elle plaît aux intellectuels. Fleuve Noir, maison considérée au contraire comme très à droite, sent un peu du bec à côté, et Georges J. Arnaud confessera d’ailleurs y avoir été considéré comme le « gauchiste de service ».

Les éditions Fleuve Noir ont un immense avantage : les tirages. 40 000 en moyenne pour les ouvrages de la collection « Spécial Police », 200 000 pour la collection « espionnage », payés sur le tirage, contre 7 000 en moyenne pour la Série Noire. Il n’est donc pas rare de voir les auteurs de Duhamel venir discrètement gagner leur croûte sous pseudo au Fleuve. C’est notamment le cas de Serge Arcouët, premier Français à entrer dans l’écurie Gallimard sous le nom de Terry Stewart et qui écrira au Fleuve sous le nom de Serge Laforest.

LA CIA, sa bête noire jusqu’à l’obsession

Le gros nougat, c’est donc l’espionnage, avec ses codes : le monde du renseignement, les opérations spéciales, le cadre géopolitique contemporain, etc. Le genre a le vent en poupe depuis Jean Bruce et les deux cousins belges publiant sous le nom de Paul Kenny. Georges J. Arnaud y sacrifiera pour raison financière, de quoi être tranquille pour écrire ses polars, sa véritable passion. Il crée la série « Le Commander » (75 volumes), mettant en scène Serge Kovask, un agent américain de l’ONI (Office of Naval Intelligence). Mais au bout de quelques livres, son héros l’ennuie. Il lui colle une collaboratrice, Cesca Pepini, une vieille Mamma ubuesque armée d’un vaporisateur à vitriol qui va peu à peu envahir la série, et subvertir un genre trop sérieux à son goût.

Petit à petit les aventures vont également se radicaliser politiquement (dans le sens inverse de Gérard de Villiers !) et la CIA va devenir la véritable bête noire de l’écrivain, jusqu’à virer à l’obsession. « Qu’est-ce qui m’intéresse au départ ? La CIA, démolir la CIA, montrer son rôle néfaste dans le monde »5, reconnaîtra-t-il. Il se met à dénoncer inlassablement l’intervention de l’agence américaine visant à déstabiliser ou renverser les gouvernements hostiles aux États-Unis ou soutenir les régimes musclés qui lui sont favorables, le tout très bien documenté (Les Fossoyeurs de la liberté, 1974, sur la Chute d’Allende ; Le vent des morts, 1979, sur son action en Italie ; Contrat-Provocation, 1981, sur celle menée en France ; Les Veuves de Berlin, 1982 pour l’Allemagne, etc.).

Arnaud dénonce également les menées des multinationales contre les gouvernements de gauche (formidable Subversive Club, 1978) ou, l’un des premiers, les subventions versées par les associations « culturelles » américaines aux syndicats ouvriers et étudiants français (Président-Pourriture, 1979). Si les romans d’espionnage de Georges J. Arnaud n’atteignent pas la force de ses polars, leur lecture « nous en apprend généralement bien plus sur les méandres de la politique internationale que celle des journaux supposés bien informés. À leur manière, ils constituent une source précieuse sur l’envers de l’histoire contemporaine et nous prouvent que, parfois, la littérature dite de gare peut contribuer à une meilleure connaissance de l’Histoire et de son train », comme le dit Jean-Pierre Deloux dans une étude complète de la série « Le Commander »6.

Un goût très prononcé pour le complot

Une certaine tendance à la paranoïa et un goût très prononcé du complot s’affirment dans ses romans d’espionnage, que l’on retrouvera dans les polars, appliqués cette fois-ci au domaine du quotidien, ce qui les rendra d’autant plus redoutables. Les premiers livres publiés dans ce genre sont des enquêtes assez classiques sur fond de désespérance et de médiocrité ; des personnages plus ou moins ratés qui tentent d’échapper à leur destin par le crime, mais que celui-ci rattrape immanquablement. Un univers de poisse et de tragédie assez proche en somme de ceux d’André Héléna ou de Georges Simenon, deux aînés que Georges J. Arnaud a lus.

Dans Virus, l’amant d’une projectionniste assassine son mari en simulant un accident sur une petite route escarpée des Corbières avant d’être confondu par la police aidée par le beau-frère du mort. Mais l’auteur abandonne très vite les codes du genre pour créer son propre univers d’angoisse dans des atmosphères provinciales plombées par des petits complots domestiques, le plus souvent du côté du Languedoc-Roussillon, de la Provence ou de la région toulonnaise.

La police et les gangsters désertent ses romans, remplacés par des cadres, des commerciaux, des agents d’assurance, des vendeurs de supermarché, des femmes, des enfants, des vieillards, tous prêts aux pires machinations pour sauvegarder leurs intérêts.

Dès lors, l’univers de Georges J. Arnaud décolle dans la folie ordinaire, où « le quotidien grisâtre côtoie toujours le fabuleux »7. Un patron d’entreprise découvre qu’il a un double qui lui vole progressivement sa vie (Les imposteurs, 1980), des enfants d’un village des Corbières s’organisent pour empêcher des touristes allemands de s’installer chez eux (Les enfants de Périlla, 1978), une petite fille de onze ans s’invente des amis imaginaires… qui ne le sont peut-être pas tant que ça (Les jeudis de Julie, 1978) ; une femme élabore une redoutable machination pour faire croire que son mari l’a assassinée (Tel un fantôme, 1966) ; une autre supprime son conjoint pour toucher son assurance-chômage (Profil de mort, 1977) ; les enfants tuent les parents (Tendres termites, 1972) ; les parents tuent les enfants (Le Cœur froid, 1972).

L’ennemi est partout

L’ennemi est partout : au bureau, sur le palier, derrière la porte de la chambre, dans le lit, juste à côté. Le crime est à la portée de tout le monde chez Georges J. Arnaud, dernier frisson des trente glorieuses. Même les grands-mères inoffensives peuvent se transformer en monstres pour garder leur maison (Noël au chaud, 1979). Maison qui est du reste un thème très présent chez l’auteur, que celle-ci soit refuge (Le coucou ; Le veilleur, 1984) ou au contraire danger (La maison-piège, 1975 ; Bunker-parano, 1982), sans parler des grands immeubles vides et labyrinthiques aux longs couloirs déserts de la Côte d’Azur où les habitants finissent par laisser cours à leurs névroses (Les intrus, 1967 ; Les gens de l’hiver, 1977).

Mais Georges J. Arnaud profite également de ses polars pour dénoncer ses bêtes noires : la raison d’État, le nucléaire, les atteintes à l’environnement ou les sociétés de sécurité qui naissent dans les entreprises et dont il perçoit immédiatement la menace pour les libertés individuelles. Certains de ses personnages, principalement des femmes, refusent d’être manipulés et luttent contre des intérêts qui les dépassent. Lorsqu’un accident de camion-citerne fait brûler un hameau et ses huit habitants, dont son ex-mari, Claire Rousset ne se satisfait pas de l’explication officielle. Son enquête la conduira vers un complot étatique visant à camoufler un accident nucléaire (Brulez-les tous !) Mais malheur à qui en sait trop, évidemment. Arnaud, on l’a dit, est un grand parano, mais un parano lucide serait-on tenté de dire.

Lorsqu’au mitan des années soixante-dix, il croise pour la première fois des vignerons en train de traiter chimiquement leur vigne, un masque à gaz sur le visage, son sang ne fait qu’un tour en voyant « ce que de grosses multinationales pouvaient réaliser de gens aussi raisonnables et sensés que les gens de la terre »10. En quelques jours, il pond le formidable Plein la vue, mettant en scène un cadre d’une entreprise de pesticides en vacances dans l’arrière pays de Carcassonne avec sa femme. L’inconscient roule avec sa voiture de fonction, et le sigle de la firme sur la portière, dans une campagne dévastée par la chimie. La course-poursuite des vacanciers par les vignerons ivres de rage et le sort réservé au cadre sont un moment d’anthologie de la littérature qui, davantage que noire, devrait ici être qualifiée de terreur.

Le cycle de la compagnie des glaces

Une centaine de romans de très grande qualité vont ainsi enrichir le polar français contemporain durant deux décennies dans l’indifférence de la critique. Cette indifférence a-t-elle fini par le décourager ? Toujours est-il qu’en 1980, Georges J. Arnaud se lance dans un nouveau « genre » avec la publication de La Compagnie des glaces. Entre 1971 et 1973, il avait déjà donné trois livres à la collection « anticipation », avant de revenir au polar et à l’espionnage.

La SF n’est à vrai dire pas sa tasse de thé, et il confesse avoir une culture limitée dans ce domaine « à Jules Verne et aux chroniques martiennes, par la suite quelques Brussolo »11. Prévue pour constituer une petite série de quelques livres, la « Compagnie des glaces » va le happer jusqu’à la fin de sa carrière d’écrivain. De 1980 à 1992, Georges J. Arnaud écrit 62 tomes, puis ajoute 11 tomes de « Chroniques glaciaires » de 1995 à 2000 et enfin 24 tomes d’une « Compagnie des glaces nouvelle époque » publiée entre 2001 et 2005. En tout, le cycle des glaces constitue ainsi un univers littéraire en soi, décliné en 97 volumes.

La saga débute en 4420. La planète Terre est entièrement recouverte par la glace, les températures y avoisinent les - 80°. Près de 2500 auparavant, la Lune, réceptacle des déchets nucléaires entreposés par les grandes puissances du moment, a explosé. Les débris de notre satellite ont enveloppé l’atmosphère terrestre d’une immense couche de poussière imperméable à la lumière du Soleil. En quelques semaines, la température a chuté, la planète a été plongée dans le crépuscule, comme fossilisée par la glace ; l’humanité a été éradiquée à l’exception de quelques communautés ayant réussi à s’organiser contre le froid. La période est connue sous le nom de Grande Panique.

Au centre du monde : le rail

Deux millénaires plus tard, les descendants des survivants sont 800 millions. Ils vivent terrés dans des dômes reliés entre eux par des rails sous l’autorité de compagnies ferroviaires privées qui exercent à leur compte la souveraineté des anciens États. Elles font creuser la glace pour récupérer les déchets congelés de l’ancienne civilisation et les brûler pour se procurer de la chaleur (y compris les corps humains), se font la guerre et exploitent la grande majorité des hommes qui survivent misérablement, rémunérés avec juste ce qu’il faut de calories pour ne pas succomber au froid.

Les gros actionnaires des compagnies ont réussi à reconstituer des oasis de luxe et de prospérité dans des trains féeriques avec jardins et patios, et même, pour certains des plages de sable californien récupéré à plusieurs centaines de mètres sous la glace à prix d’or. Ces véritables palais roulants occupent jusqu’à dix ou quinze voies pour se déplacer.

Au centre de ce monde : le rail. Il est admis que lui seul a permis la survie de l’espèce en permettant le transport des hommes, des marchandises et de l’énergie électrique. Des accords signés par toutes les compagnies interdisent à tout groupement humain d’exister en dehors du rail, et tout autre moyen de transport est non seulement interdit mais considéré comme sacrilège. Les hommes ont intégré cette norme morale et considèrent que s’éloigner du rail est aussi grave que « tuer, voler ou faire du mal » (Les Hommes-Jonas, p. 28). Plus qu’un moyen de transport ou un simple réseau, le rail est devenu une idéologie permettant la domination des compagnies. « La mobilité, c’est la vie, l’immobilisme, c’est la mort », a pour slogan l’une d’elles.

Grâce au contrôle de l’accès à la culture et à « une propagande énorme contre les temps anciens » (L’Enfant des glaces, p. 177), les compagnies, aidées par les « néo-catholiques » (leur basilique de glace est l’unique construction fixe du monde), maintiennent le peuple dans l’ignorance du passé, ce qui permet l’acceptation de ce monde hostile. Mais de nombreux rebelles se dressent contre cet ordre glaciaire. Parmi eux, la secte des Rénovateurs du Soleil qui travaille à la fabrication d’un rayon laser suffisamment puissant pour percer la couche de poussière lunaire sub-atmosphérique…

Le Soleil reviendra

Vers le onzième épisode, ils parviennent à faire revenir le Soleil pour quelques heures, créant un début de fonte des banquises, des milliers de cas de cécité et une panique mondiale. Le paradoxe est éclatant et tragique : l’espoir d’un retour du Soleil, et donc d’une vie meilleure, passe nécessairement par une phase de chaos destructeur. De la même manière que notre monde est prisonnier de la croissance, ce monde est prisonnier des glaces.

En marge de la vie des hommes évolue un peuple mystérieux apparu avec l’ère glaciaire : les Roux. Ils vivent nus dans le froid que leur épaisse fourrure et leur constitution leur permettent de supporter, se nourrissent des ordures des hommes et sont employés à gratter les dômes pour en retirer la glace. Hormis quelques esprits éclairés, la plupart des hommes les considèrent comme des animaux à cause de leurs attributs sexuels généreux, de leur sensualité et de leur absence de pudeur. Georges J. Arnaud excelle dans les scènes érotiques bizarres mettant en scène des femelles Rousses aux seins recouverts de fourrure et des males membrés faisant fantasmer la gent féminine humaine.

Le grand talent de Georges J. Arnaud consiste à décrire cet univers de manière réaliste et prosaïque, comme si c’était le nôtre, sans négliger les scènes de la vie quotidienne et les contingences ordinaires. Rien de lyrique ni d’héroïque dans la compagnie des glaces. Jusque ce qu’il faut de science-fiction pour tenir le récit, lequel consiste à suivre des hommes pris dans un monde hideux qui tentent d’y survivre du mieux qu’ils peuvent. Un monde qui ressemble évidemment au nôtre, avec ses injustices, ses mensonges, sa démesure et sa bêtise. Mais également avec ses joies, ses grandeurs et ses espoirs, et parmi eux le plus archaïque et le plus profond de tous : le Soleil reviendra.

1 J. Raabe, « La littérature de grande diffusion », in Histoire littéraire de la France, tome VI, éditions sociales, 1982.

2 Par exemple : Agonie, 1962 ; Les détrousseurs, 1965 ; La tentation, 1965 ; Tel un fantôme, 1966 ; Tatouage, 1967 ; Au nom du Père, 1973 ; Un petit paradis, 1974 ; L’Homme noir, 1975 ; Plein la vue, 1976 ; Enfantasme, 1977 ; Brûlez-les tous !, 1978 ; Le coucou, 1980.

3 La revue Polar n° 26, mars 1983, et la revue 813, les amis de la littérature policière, n° 61, décembre 1997, lui ont consacré la première un dossier, la seconde le numéro entier.

4 « Georges J. Arnaud, le Balzac des fauchés », Le Matin, 17 juin 1986, repris dans Raphaël Sorin, Les Terribles, éditions Finitude, 2011.

5 « Georges J. Arnaud, dernier feuilletoniste français », Nuit blanche, n° 98, p. 62-65.

6 Ibid.

7 Jean-Paul Schweighaeuser, Panorama du roman d’espionnage, L’instant, 1986.

8 Jean-Pierre Deloux, « La statue du Commander », Polar n° 26, mars 1983, p. 42.

9 Serge Brussolo, préface à Georges J. Arnaud, œuvre complète tome 1, Le Masque, 2002 (les titres suivants ne sont jamais parus).

10 Postface de Tel un fantôme, réédition NéO, 1980, cité par Jean-Pierre Deloux, « La Maison-Dieu », Polar n° 26, 1983, p. 12.

11 « Georges J. Arnaud, dernier feuilletoniste français », op. cit.

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Actuellement en kiosque – N°207 avril-mai

Revue Éléments

Découvrez nos formules d’abonnement

• 2 ans • 12 N° • 79€
• 1 an • 6 N° • 42€
• Durée libre • 6,90€ /2 mois
• Soutien • 12 N° •150€

Dernières parutions - Nouvelle école et Krisis

Prochains événements

Pas de nouveaux événements
Newsletter Éléments