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Gazoducs Nord Stream : comment dit-on serpillière en allemand ?

Gazoducs Nord Stream : comment dit-on serpillière en allemand ?

Seymour Hersh, légende du journalisme US, prix Pulitzer, accuse preuves à l’appui les États-Unis d’avoir saboté en septembre dernier les deux gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2 – jetant définitivement l’Allemagne dans les bras des « néo-cons » et ruinant son économie. Un tel scoop devrait faire la une de tous les JT. Que nenni ! Circulez, il n’y a rien à voir.

Au bout d’un an de conflit, la plus grosse bombe de la guerre en Ukraine vient d’éclater, mais pas à Kiev ou à Bakhmut. C’est aux États-Unis cette fois et quasiment personne n’en parle en France.

Je me réfère au long article publié par Seymour Hersh sur son blog le 8 février dernier.

Ce n’est pas n’importe qui, Seymour Hersh. 85 ans, prix Pulitzer et un nombre impressionnant d’autres récompenses prestigieuses pour un travail journalistique long de 60 ans. Une institution dans la profession, un objet de respect, un symbole de rigueur dans l’investigation, un héritier d’Albert Londres et de la vocation du journaliste qui trempe sa plume là où ça fait mal. Si l’on en cherchait une preuve, au-delà du prix Pulitzer, on la trouverait dans sa fiche Wikipédia où viennent juste d’apparaître, comme par hasard, les épithètes « complotiste » et « controversé », qui désignent dorénavant celui qui a raison six mois avant les autres.

Et puis, Hersh, c’est un carnet d’adresses et un réseau d’informateurs fabuleux au plus profond du Deep State américain, du département d’État (Affaires étrangères), des services de la CIA et du Pentagone. Qui d’autres que Hersh aurait pu soulever les pierres et lever le lièvre de la prison concentrationnaire d’Abou Ghraib en Irak, ou mettre au grand jour le réseau mondial des prisons clandestines de la CIA à travers le monde (notamment en Pologne et en Ukraine, hasard ?), lieux d’interrogatoires sadiques et de torture où la loi ne pénètre jamais ?

Les Américains débranchent l’économie allemande

Cet article1, très documenté, relate comment Joe Biden a décidé et mené un acte de guerre majeur contre un pays allié membre de l’OTAN, comment les États-Unis ont déclaré la guerre à l’Allemagne et, à travers elle, à l’ensemble de l’Europe occidentale. On le supputait, par intuition, car à qui le crime profite-t-il ?

C’est passionnant, on dirait la trame d’une œuvre de Tom Clancy (un des plus grands romanciers de l’ère contemporaine, à lire et relire, « by the way », si on ne veut pas mourir dans l’ignorance de ce qui s’est passé d’important dans le monde depuis 1980). Tout y est : les intervenants, les circuits de décision et de mise en œuvre, les dates, les outils technologiques déployés (exemple : les bouées acoustiques larguées par avion pour déclencher à distance les mises à feu). Sans doute, on fera un jour de cet article un film et ce sera aussi bon qu‘À la poursuite d’Octobre rouge ou que Danger immédiat ou tous les autres.

Je vous donne juste la trame : Sleepy Joe Robinet Biden, donc, et son entourage de faucons « néo-cons » psychopathes, Nuland, Blinken, Sullivan, Bolton et autres (multirécidivistes : Afghanistan, Irak, Syrie, Lybie, coup d’État de Maidan en Ukraine en 2014) ont décidé de détruire les gazoducs Nord Stream. Et cela afin de rendre irréversible la brouille – alors temporaire – entre l’Allemagne et son principal fournisseur d’énergie, afin de détruire ainsi le tissu industriel allemand en l’obligeant à recourir à une énergie nord-américaine plus chère, puis à délocaliser son outil de production aux États-Unis où l’énergie est dorénavant quatre fois moins chère qu’en Europe.

En jeu, le maintien et la consolidation d’une hégémonie militaire, économique et monétaire sur un Occident déclinant. Chacun sait en marketing qu’en cas de contraction d’un marché (la taille de la pizza à se partager), il convient de consolider et accroître sa part de marché. C’est le jeu des États-Unis depuis que la multipolarisation de l’économie, la démondialisation, la dé-dollarisation par les BRICS des échanges commerciaux internationaux et des monnaies de réserve des banques centrales ont réduit la pizza américaine de manière significative.

La préméditation et l’antériorité

Quelques points intéressants avancés et documentés par Seymour Hersh…

La décision de détruire Nord Stream a été prise AVANT le déclenchement de l’intervention russe dans le Donbass (février 2022).

La décision de la mise en œuvre du sabotage a été prise AVANT le torpillage des négociations de paix d’Istanbul par les États-Unis et le Royaume-Uni (mars 2022).

Un membre de l’OTAN, la Norvège, a été associé à cette attaque contre un autre membre de l’OTAN. Comme par hasard, les dates coïncident exactement avec l’entrée en service d’un gazoduc approvisionnant la Pologne en gaz norvégien…

On va s’arrêter là. Je vous laisse lire les détails.

Est-ce vrai ? Ou, plus exactement, tout est-il vrai ?

La CIA et le département d’État disent que non, mais ils avaient déjà dit que non pour Abou Ghraib et les prisons clandestines et délocalisées de la CIA dans des pays satellites.

En tout cas, c’est hautement vraisemblable, et c’est absolument conforme avec toutes les analyses que l’on peut faire des manœuvres de la puissance états-unienne face aux menaces qui pèsent sur elle, comme de l’absence absolue de scrupules de ses dirigeants.

Vrai ou pas vrai, on verra (ou pas, c’est comme pour le suicide d’Epstein).

Ce qui nous importe aujourd’hui, à nous Français, c’est la réaction des Allemands devant ces assertions de Seymour Hersh.

L’Allemagne est ruinée, détruite, rayée de la carte économique mondiale, vaporisée façon puzzle, comme dirait Audiard, à échéance de trois ans. Pas la peine de dire le contraire, c’est une des rares choses certaines de ce conflit.

Alors, admettons que l’usine marémotrice de la Rance, cinq centrales nucléaires, deux barrages hydro-électriques majeurs partent en fumée en France par une succession d’attentats militaires étrangers, possiblement nord-américains (la destruction de Nord Stream, c’est aussi grave pour l’économie allemande que tout cela le serait pour la France). Même Macron et Borne – qui ne sont pas des exemples de courage et d’esprit d’indépendance – convoqueraient l’ambassadeur des États-Unis et rappelleraient l’ambassadeur de France à Washington pour consultation…

À Berlin, rien ! Olaf Scholz, aux abonnés absents !

Comment dit-on serpillière, lavette, lopette, paillasson, eunuque, castrat, en allemand ?

Et c’est ça, l’élément prétendument mâle du prétendu couple franco-allemand dont nous sommes la prétendue femelle ?

Malheur à nous…

Alors, sortons de l’OTAN, de l’UE, et posons notre candidature pour intégrer les BRICS (comme l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Iran, l’Indonésie, et quelques autres cette année). Pour une fois, soyons du côté des vainqueurs…

1. How America Took Out The Nord Stream Pipeline (substack.com)

3 réponses

  1. La RFA n’a de « valeurs » que celles de la marchandise et de la finance* . Et c’est aussi le cas de toute la « communauté » européenne. Si on parle de « civilisation », on est immédiatement catalogué « extrême droite » ! ( * avec un petit zeste de « droits de l’homme » … )

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