Le magazine des idées
Dans la tête du NPA : « Marine Le Pen est une cheffe néofasciste ! »

Dans la tête du NPA : « Marine Le Pen est une cheffe néofasciste ! »

Lundi soir, le sociologue du Nouveau Parti Anticapitaliste Ugo Palheta donnait une conférence pour combattre « l'Internationale néofasciste ». Dans le sous-sol d'un troquet du 18e arrondissement, une quarantaine de sympathisants se sont interrogés sur l'ascension du grand méchant loup d'extrême droite. Armé d'un logiciel strictement économiste, l'orateur du NPA assimile joyeusement conservateurs, réactionnaires, fascistes et néolibéraux. Au passage, il occulte un fait objectif : l'explosion de l'immigration. Reportage chez les hallucinés de l'arrière-monde gauchiste.

Rien ne va plus au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Né en 2009 sur les décombres de la Ligue Communiste Révolutionnaire, le mouvement d’Olivier Besancenot et Philippe Poutou n’a plus rien de neuf. Est-ce encore un parti ? Contesté sur ses flancs droit (La France Insoumise) et gauche (Révolution permanente), le NPA vivote au gré de ses déculottées électorales. Dans l’ordre chronologique – et décroissant-, son éternel candidat à la présidentielle Philippe Poutou a recueilli 1,15% des voix (2012); 1,09% (2017) et 0,77% (2022). Alors qu’une carrière de foreur pétrolier lui tendait les bras, Poutou s’est reconverti en libraire de gauche. Invité par des médias complaisants à chaque mouvement social qui lui échappe (gilets jaunes, agriculteurs, automobilistes en colère), son camarade Besancenot dodeline du postiche pour exister.

Délivrez-nous du Mal

Pendant ce temps, les Shadocks du NPA pompent et s’interrogent sur leur défaite culturelle. Lundi soir, dans le sous-sol d’un café du 18e arrondissement de Paris, rue Marcadet, à la frontière entre quartiers bobos et immigrés, le comité local du parti a invité son intellectuel organique Ugo Palheta afin de trancher la question : « Contre Le Pen-Bardella et l’Internationale néofasciste, quelle riposte ? » Spécialiste autoproclamé de l’extrême droite, ce sociologue émarge à l’université de Lille. Il a dirigé l’ouvrage de l’Institut La Boétie : Extrême droite, la résistible ascension (éditions Amsterdam, 2024) et consacre tout un podcast au « fascisme » qu’il croit toujours vivace. La bête immonde ne s’est même jamais aussi bien portée depuis 1945, estime l’expert, qui amalgame joyeusement néofascisme, racisme, « populisme pénal » et « refus de l’immigration massive. »

Dans la tête d’un militant du NPA, l’extrême droite est un concept aisément saisissable. Ugo Palheta en donne une définition quasi-biologisante : « L’extrême droite, c’est un projet contre l’évolution (…) c’est intensifier tous les rapports d’oppression, de domination, d’exploitation ». Gentils anticapitalistes, écrasez l’infâme ; délivrez-nous du Mal !

Cordon sanitaire et masques anti-Covid

Pour ce faire, ces révolutionnaires d’estrade rêvent d’en découdre avec toutes les structures oppressives (marché, État, famille hétérocentrée, racisme, homophobie, transphobie et tutti quanti…). La convergence des luttes d’un côté, le cordon sanitaire antifasciste de l’autre. Pour ceux qui prennent l’expression au pied de la lettre et craignent les miasmes du voisin, à l’entrée de la salle de conférence, le comité local du NPA a mis gratuitement à disposition des masques anti-Covid. Parmi la quarantaine de spectateurs, seule une poignée cède à la tentation hygiéniste. Tous applaudissent en revanche la formation d’un « front des exploités », travailleurs et autres opprimés pour bouter le fascisme hors des rues et des urnes. Sur le modèle sépia du « front unique ouvrier » antifasciste des années 1930, Palheta appelle partis de gauche, syndicats, associations antiracistes et ONG à se coaliser contre le Mal. Avec le même succès que dans l’entre-deux-guerres ? Le clin d’œil aux slogans de type No pasaran produit toujours son petit effet romantique mais, malgré le renfort des Brigades internationales, les franquistes sont bel et bien passés… Sans relever la montagne de contradictions qui s’élève devant la formation d’un front antifasciste cohérent, il faut souhaiter au NPA bien du courage pour réunir derrière la même banderole militants pro-Hamas du collectif Urgence Palestine et leurs camarades LGBTQ+. Quoi qu’il en soit, le tribun du soir insiste sur un point : rien ne serait pire que d’opposer les combats, par exemple en privilégiant le social aux dépens du sociétal, comme le fit Fabien Roussel en 2022. Pour preuve, le candidat du PCF n’a recueilli que 2,28% des voix à la présidentielle… soit plus du triple du score de Philippe Poutou.

Une demande d’ordre

Puisque le communisme vieille France et l’intersectionnalité échouent autant l’un que l’autre, pourquoi « l’extrême droite » progresse-t-elle ? Ugo Palheta essaie tant bien que mal d’avancer des explications conformes à son logiciel idéologique. Avec un certain bon sens, il rappelle que les enquêtes d’opinion font de l’immigration, l’insécurité et la peur du déclassement le principal ressort du vote RN. Évoquant l’explosion du vote lepéniste dans l’Ouest de la France, l’orateur omet un point fondamental :  de mémoire de Bretonne, on n’y a jamais vu une immigration aussi subite, durable et massive. Tabou, quand tu nous tiens.

Au lieu de se remettre en cause, Palheta redécouvre l’eau chaude. Eh oui, l’électeur RN exprime une demande d’ordre et d’identité – quelle horreur ! Dans les sondages, les membres des « classes populaires stabilisées » déclarent voter pour « protéger ce qu’elles ont ». Salauds de futurs pauvres ! Face à ce racisme décomplexé, tout débat démocratique serait vain. Tout au plus le NPA espère-t-il décourager de voter RN les électeurs naïfs tentés de franchir le pas, en rappelant le rapprochement en cours entre patronat et parti lepéniste. Là encore, les petits camarades de Philippe Poutou regardent le XXIe siècle avec des lunettes déformantes, comme si Bernard Arnault et le patron de TPE partageaient les mêmes intérêts…

Inutile de persifler, le NPA essentialise les classes sociales tout en présumant les cultures, nations et frontières miscibles dans la révolution permanente. Le plus sérieusement du monde, Ugo Palheta déroule ses certitudes : l’ex-Front national n’a jamais changé depuis sa fondation et Marine Le Pen n’est ni plus ni moins qu’« une cheffe néofasciste ». 

Fascistes partout, NPA nulle part ?

Des Philippines à l’Argentine, de l’Inde à l’Italie, de la Turquie aux États-Unis de Trump, ses épigones sont partout. D’ailleurs, le week-end dernier à Paris, la manifestation du Comité du 9 mai a frisé le millier de participants et celle de l’Action Française a réuni trois cents à quatre cents personnes. Dans l’imaginaire du NPA, les mouvements radicaux constituent l’arrière-boutique folklorique du RN. Le Pen et Bardella serviraient de vitrine électorale à ce ramassis de réactionnaires prêts à déferler sur les opprimés pour appliquer le programme du Grand capital. Emballé, c’est pesé.

Si Marx et Engels expliquaient que le capitalisme ne se maintient qu’en révolutionnant les structures traditionnelles, les ultraprogressistes du NPA ont apparemment fait l’impasse sur ce passage du Manifeste du Parti Communiste. Dans la société marchande, « tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables se dissolvent », « tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané », écrivaient les deux théoriciens. Face à l’ennemi néolibéral et fasciste (qui, on l’aura compris, ne fait qu’un), le NPA voudrait doubler le capitalisme sur sa gauche. Jean-Claude Michéa s’en est toujours amusé…

Soyons justes. Formé à la LCR, disciple du grand Daniel Bensaïd, Ugo Palheta a quelques beaux restes marxistes. On parle crise de l’économie-monde, baisse tendancielle de la croissance et du taux de profit depuis les années 60-70, offensive néolibérale thatchérienne menée par la droite et la gauche du gouvernement, etc. Du brutal.

Aux grands bouleversements du monde, le NPA riposte par des manifs contre les discriminations, le racisme et « l’islamophobie ». Samedi dernier, en partenariat avec La France insoumise et ce qu’il reste d’antifas, un « village antifasciste » a même été dressé devant le Panthéon. Un autre Club Med est possible.

© Photo : Capture vidéo Médiapart

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Actuellement en kiosque – N°213 avril – mai

Revue Éléments

Découvrez nos formules d’abonnement

• 2 ans • 12 N° • 79€
• 1 an • 6 N° • 42€
• Durée libre • 6,90€ /2 mois
• Soutien • 12 N° •150€

Dernières parutions - Nouvelle école et Krisis

Prochains événements

Pas de nouveaux événements
Newsletter Éléments