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Coronavirus : C’est tout le «modèle chinois» qui est à l’arrêt

Face à la crise dite du « coronavirus », les autorités chinoises déconstruisent la société de consommation pour préserver la population. Témoignage d’un Français en Chine.

Je m’explique. Depuis le début officiel de la crise sanitaire en Chine, les gens sont invités à ne plus avoir d’interactions sociales. En effet, le salut ne peut passer que par l’arrêt de la fourmilière productivo-consumériste puisque toute l’existence n’était qu’activités productives et échanges marchands. En dehors des affaires, les gens ne se fréquentaient déjà plus que pour le minimum. Aujourd’hui, la plupart des restaurants sont fermés, ainsi que les parcs, les supérettes, les cinémas, les églises, les temples…

L’épicentre de la propagation du virus a été rapidement bouclé par les autorités puis, progressivement, les alentours, et enfin le reste du pays s’est fermé, officieusement. Dans ma résidence par exemple : l’accès de la piscine a été condamné, puis celui du bâtiment « administratif », qui contient la salle des fêtes et la salle de sport. Désormais, les invités extérieurs ne sont plus acceptés, et les coursiers et livreurs ne dépassent pas la loge du concierge.

Alors que tout le monde passait son temps à travailler pour consommer, maintenant plus personne ne travaille, ou seulement via quelques ersatz du type « télétravail » pour maintenir un semblant d’activité… Plus personne ne consomme : 99 % des commerces et des restaurants sont fermés. Il n y a plus rien à acheter en réalité. Même sur Internet (alors que les Chinois ont 15 ans d’avance sur les Européens dans ce domaine), cela ne sert plus à rien d’acheter, car on ne sera pas livré et que les usines ne fabriquent plus. C’est tout le « modèle  chinois » qui est à l’arrêt.

L’école a également été fermée jusqu’à nouvel ordre : les élèves sont en vacances (très) prolongées.

« L’imprévu dans l’histoire », c’est aussi ça…

Les villes sont en train de se fermer les unes après les autres, et leurs habitants devront sans doute y rester cloîtrer des semaines ou des mois.

C’est assez fascinant de voir un géant économique, un ogre conquérant qu’on imaginait tout puissant, se mettre à chanceler et à fonctionner au ralenti.

Je n’ai pas d’inquiétude particulière car la maladie passera sans doute toute seule, naturellement, l’augmentation des températures d’ici deux mois dans toute la Chine devant se charger de tuer le virus, alors que tous les groupes « Big Pharma » du monde entier n’auront rien pu faire. Et la vie reprendra, avec in fine – heureusement – très peu de morts. L’épilogue sera de voir si les gens consommeront à nouveau comme si de rien n’était, reprendront leurs vies de robots et oublieront tout de leur expérience de cloisonnés (redécouverte de la vie de famille, activités collectives et gratuites, lecture, musique, devoirs, jeux…) ou pas. Le « virus » aura-t-il réinjecté un peu de « sens » ou n’aura-t-il été qu’un aléa dans la course folle à la croissance infinie ? On entrevoit évidemment bien la réponse, mais ce genre d’irruption improbable, de cassure non programmée, peut toujours avoir des conséquences insoupçonnées. « L’imprévu dans l’histoire », c’est aussi ça.

En attendant, nous nous rationnons un peu, nous restons en famille, et je dois dire que ce temps de suspension, de calme et de frugalité – cette sorte d’état de siège sans réel danger mortel – ne m’est au final pas vraiment désagréable…

Pascal Dupont

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