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Combien de temps Emmanuel Macron peut-il encore tenir ?

Combien de temps Emmanuel Macron peut-il encore tenir ?

Ce nouveau gouvernement, tôt lancé et aussitôt avorté, a tout d’une tragicomédie. Plus comique que tragique ? Oui. On en rirait presque si la France n’était une fois de plus la risée du monde entier. Macron se voulait Clauzewitz ? Il n’est que l’inspecteur Clouseau, l’anti-héros maladroit de la saga de La Panthère rose.

Dans le Causeur de ce mois, Franz-Olivier Giesbert a ces mots à propos du Rassemblement national : « Une auberge espagnole avec des tas de gens parfois intelligents, souvent incompétents, sans parler des branquignols. » Un avis qui en vaut bien un autre. Au fait, à propos de « branquignols », le spectacle donné par l’exécutif et son ex-futur, ou futur-ex possible gouvernement potentiel, peut également prêter le flanc aux sarcasmes.

Ainsi, avec une durée de seulement douze heures, Sébastien Lecornu vient-il de pulvériser le record du Premier ministre le plus fugace ; non point de la seule Cinquième république, mais de toutes les républiques depuis 1792. Chapeau bas. Et, comme on disait du temps de La Piste aux étoiles : « Bravo le clown, bravo ! ». Pour ceux qui ont la mémoire longue, c’est un juste retour des choses ou, au choix, une sorte de châtiment divin, Lecornu ayant rendu cornards les Gilets jaunes, les ayant endormis, après que LFI les eut gauchis, lors de son tristement célèbre Grand débat. À croire qu’il était plus capé pour jouer au bonneteau qu’à faire croire qu’il était digne de Matignon.

Matignon, ou la Septième compagnie au clair de Lune…

Mais, tentons plutôt de récapituler le film des événements.

Dimanche 6 octobre au soir, Sébastien Lecornu annonce la composition de son gouvernement, à tonalité macrono-LR. « Il faut que tout change pour que rien ne change », selon l’expression consacrée. Mais là, rien ne change pour que tout change. En revanche, ce qui ne change pas, c’est la propension aux boulettes au sein des plus hautes sphères de l’État. L’année dernière, Emmanuel Macron n’avait pas mis Gabriel Attal dans la confidence, alors qu’il s’apprêtait à dissoudre l’Assemblée ; le Premier ministre oublie aujourd’hui de prévenir Bruno Retailleau de l’arrivée de Bruno Le Maire à la Défense, et anciennement « Mozart de la finance ». La gaffe, comme dirait Gaston.

Du coup, Retailleau boude. Il voulait un gouvernement de rupture, mais ne l’a pas eu. Mais au fait, qu’espérait-il ? Une rupture à droite ? Avec moins d’impôts et plus de sécurité ? Pour Matignon, c’est intenable, sachant ce gouvernement de rupture serait illico censuré par la gauche, du PS à LFI, tout en passant par les écologistes. Ce qui vaudrait d’ailleurs en cas de rupture à gauche, avec plus d’impôts et moins de sécurité : cet autre gouvernement tomberait aussitôt sous les coups du RN, de LR, d’Horizons, du Modem, et même de la frange la moins à gauche de Renaissance. Sur la forme, catastrophique, on peut donc railler Lecornu ; mais sur le fond, il ne peut rien faire, si ce n’est louvoyer au doigt mouillé. En attendant, Retailleau a déserté ce boutre en perdition ; ce qu’il aurait fait un jour ou l’autre, n’ayant aucune envie de sombrer avec. La prochaine élection présidentielle, c’est dans dix-huit mois.

Dissolution ? Piège à cons !

Dès lors, une seule alternative : la démission ou, moins radical, la dissolution. C’est cette seconde solution que demande désormais la majeure partie des formations politiques en présence, du RN à LFI. Pour le moment, Emmanuel Macron dit non aux deux. Mais un politique qui dit « non », cela peut parfois signifier « peut-être », voire même « oui » en insistant un peu, comme certains goujats disaient naguère des femmes, avant l’ère #Metoo. Le risque d’une telle mesure ? Donner une majorité relative, et peut-être même absolue au mouvement de Jordan Bardella. Incidemment, c’est ce même risque que voulait initialement prendre le premier des Français, lors de la dissolution de 2024. Toujours selon la même source, Franz-Olivier Giesbert, fin connaisseur de la tambouille politicienne : « L’idée de nommer Jordan Bardella Premier ministre est la seule excuse qu’on puisse trouver à la dissolution. En fait, il s’agissait d’une idée aussi stupide que machiavélique qui n’était pas du tout à la hauteur des enjeux : Macron a pensé qu’une cohabitation avec Jordan Bardella lui permettrait de se refaire une santé, sur le modèle des deux cohabitations de Mitterrand. Après avoir refusé de prendre acte de sa défaite aux législatives de 2022, il a cru qu’il redeviendrait populaire en donnant au RN les clefs de Matignon pendant trois ans, le temps de le décrédibiliser. Seulement, les choses ne sont pas passées comme prévu. Et le pays est dans une impasse à cause de cette petite combine ratée. » Laquelle est d’autant plus ratée que, dans son dos, Gabriel Attal fomente le « front républicain ». Mais il s’agit probablement là d’un fusil à un coup. À en croire ces sondages qui se suivent et se ressemblent, les électeurs mélenchonistes ne sont pas prêts à voter une nouvelle fois pour un candidat macroniste, pas plus que les macronistes ne brûlent d’envie d’apporter leurs suffrages à LFI, au nom d’une « antifascisme » auquel plus personne ne croit depuis belle lurette. Dans la foulée, le « front » en question a changé, la mode étant dorénavant à faire barrage à Jean-Luc Mélenchon.

Bref, le plan, naguère soigneusement goupillé par Emmanuel Macron, a maintenant tout d’une grenade dégoupillée. La preuve en est l’élection législative partielle de ce dimanche, dans la 1ère circonscription du Tarn-et-Garonne. Là, les résultats ont un avant-goût de ce qui pourrait bien advenir en cas d’éventuelle dissolution :

Pierre-Henri Carbonnel (RN/UDR) 29,25 %
Cathie Bourdoncle (Gauche, PS) 24,3 %
Bernard Pécou (LR) 17,55 %
Samir Chiki (Génération.s, LFI) 10,50 %
Brigitte Poma (RN dissident) 7,34 %
Catherine Simonin-Bénazet (Renaissance) 5,27 %

Le Rassemblement national, en ajoutant les voix de son candidat dissident, culmine à près de 37 %. Seul le Parti socialiste est à même de rivaliser. Les LR sont dans les fraises et, à en croire France 3, Bruno Retailleau ne donnerait pas de consigne de vote pour le second tour. LFI décroche largement, tandis que la représentante du parti présidentielle en est réduite à faire de la figuration.

Aux dernières nouvelles, Bruno Le Maire rend son tablier, tandis qu’Emmanuel Macron demande au Premier ministre démissionnaire de  « mener d’ultimes négociations d’ici le mercredi 8 octobre ». Mais pour négocier quoi ? Obliger les ténors du bloc central, d’Olivier Faure à Bruno Retailleau à se mettre enfin d’accord ? C’est à croire. Pour une fois, la parole élyséenne est peut-être à prendre au sérieux, le Président en sursis prévenant dans la foulée : « Ce que j’ai fait une fois, je peux le faire une seconde. » Ce que l’on peut traduire en ces mots : « Si vous ne vous entendez pas, ce sera Bardella. » Et après moi le déluge…

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