Le magazine des idées
Renaud Camus

À quand l’interdiction de Donald Trump et de Renaud Camus ?

Du bon et du mauvais usage des amalgames. Un meurtre de masse à Buffalo commis par un suprémaciste, c’est la faute à Renaud Camus. Un attentat islamiste à Paris, c’est la faute à personne.

Aujourd’hui, je voudrais vous entretenir d’une substance médicale active : les amalgames. Les amalgames, c’est un peu comme le cholestérol, les champignons, les démocrates, les z’humoristes et les cucurbitacées : il y a les bons et les mauvais. Les bons fleurissent à gauche, les mauvais flétrissent à droite. Les premiers sont autorisés par la police de la pensée et les services d’hygiène, les seconds sévèrement traqués. Exemple : quand un suprémaciste blanc massacre dix personnes à Buffalo, comme ce week-end, nul dans les médias centraux ne lui trouve l’air d’un déséquilibré, c’est à peine un loup solitaire. Dans tous les cas, il n’a pu agir seul : il y a derrière lui l’idéologie du privilège blanc et du Grand Remplacement. En gros, ce sont Donald Trump et Renaud Camus qui l’ont armé. Voilà pour Buffalo. Pour Charlie Hebdo ou le Bataclan, les choses se présentent sous un jour radicalement différent. Impossible de se risquer à dire qu’il y a derrière les frères Kouachi ou Salah Abdeslam une idéologie, l’islamisme, quand bien même ils la récitaient à chacune de leurs exécutions. Comme on voit, l’amalgame est à sens unique, à l’instar de la pensée du même nom.

Les effets indésirables du « Padamalgam »

En 2015, des internautes facétieux s’étaient amusés à transformer ce mantra du politiquement correct en mème, le « Padamalgam », en un seul mot, inscrit comme sur une boîte de médicament. Comme ils avaient raison ! Le « Padamalgam », en un seul mot, est un médicament générique fabriqué par l’industrie du gauchisme institutionnel. Il appartient à la classe des analgésiques et des anesthésiques. Il est prescrit par les autorités après chaque attentat islamiste sous forme de crème ou de gélule. On parle en haut lieu de l’administrer bientôt sous forme de vaccin. Le médicament est très efficace, mais sa notice comporte quelques contre-indications. On ne le prescrit que dans des cas bien identifiés. Il est ainsi vivement déconseillé aux femmes enceintes de suprémacistes blancs et aux racistes en bas âge. Car ici, les effets indésirables du Padamalgam produisent leur antithèse comme dans la dialectique de Hegel : l’amalgamisme généralisé. C’est à peu près la façon dont la gauche se représente la droite.

La gauche fait irrésistiblement penser au mot que l’on prête indûment à Louis Veuillot, un polémiste ultramontain du XIXe siècle qui savait écrire, mais que Victor Hugo a étrillé pour l’éternité : « J’exige la liberté au nom de vos principes, je vous la refuse au nom des miens. » Bref, elle voit la paille dans l’œil de la droite, mais pas la poutre dans le sien.

Les jours pairs, la gauche défile en scandant : « Tous unis contre la haine ! » Avec des variantes : « Sachons faire preuve de retenue et de discernement ! » ou « Attention pas de récupération politique ! » ou « Ils n’auront pas ma haine ! » Mais la haine est pareille aux champignons et au cholestérol : elle est ambivalente.

N’avez pas peur de faire le jeu de l’extrême droite ?

C’est ainsi que, les jours impairs, les docteurs Jekyll du padamalgamisme se métamorphosent en M. Hyde de l’amalgamisme. Dans leur boîte à outils conceptuelle, ils ont même une théorie suprêmement amalgamiste : la théorie du climat, non pas celle de Montesquieu qui postulait que le climat prédéterminait les mœurs, mais celle qui présume que Trump, Le Pen, Zemmour ou Camus entretiennent un climat nauséabond, haineux, climatotoxique qui entraîne le passage à l’acte – chez les fascistes, pas les islamistes. Hémiplégique, la théorie du climat n’est active qu’au niveau de l’hémisphère droit du cerveau reptilien, pas le gauche. Prenez une proposition comme la reductio ad Hitlerum : eh bien elle est climatiquement recevable, en revanche la reductio ad islamistum est climatiquement erronée.

L’essentialisation ou les généralisations procèdent de la même manière. Elles sont toujours orientées. La récupération aussi : vertueusement condamnée quand elle conduit à dire qu’il y a des terroristes parmi les migrants ou des immigrés parmi les délinquants ; exploitée sans vergogne pour accabler Renaud Camus d’on ne sait quel dérapage. D’ailleurs seule la droite dérape. La gauche ne dérape pas, elle glisse, comme l’avion de Joe Biden, baptisé Air Force One. Il a de la chance : celui de Poutine répond au doux nom d’« avion de l’apocalypse ». Ou comme les journalistes qui vous demandent si vous n’avez pas peur de faire le jeu de l’extrême droite ? Les avez-vous jamais entendus vous demander si vous n’aviez pas peur de faire le jeu de l’extrême gauche ?

Renaud Camus n’étant ni un terroriste ni un humoriste de gauche, il n’a évidemment droit à aucune mansuétude. Dès qu’il y a un meurtre de masse raciste, on lui jette au visage son Grand Remplacement, qui, bizarrement, n’est jamais classé dans le rayon des livres de paix et d’amour. Non, non. C’est une sorte de supplément aux Protocoles des Sages de Sion, à la fois un faux, un complot et un fléau. À la limite, Renaud Camus n’est même pas un écrivain, c’est un marchand d’armes automatiques, expert en balistique, pas en stylistique. La vente de ses livres s’apparente à la vente libre d’armes à feu. C’est la raison pour laquelle Amazon les déréférence aussi souvent. Jeff Bezos ne veut pas être complice de crimes de haine.

Criminaliser la notion de Grand Remplacement

L’objectif est clair : il s’agit de criminaliser la notion de Grand Remplacement. La preuve : elle tue. Au fond, c’est une arme à feu. Quand les censeurs l’auront suffisamment martelé, il leur sera facile de faire interdire le livre. Alors, c’est l’expression elle-même de Grand Remplacement qui sera grand-remplacée. Elle n’aura plus droit de citation, sinon pour comparaître devant un tribunal. Autrement dit, le Système, non content d’imposer le Grand Remplacement, interdira à l’avenir jusqu’à la possibilité de l’évoquer. C’est ce vers quoi on se dirige.

Curieux monde. Dans la vie de tous les jours, tout est conçu pour les droitiers. Vous avez dû le remarquer si vous êtes gaucher. La souris de l’ordinateur est à droite, les poignées de fenêtre à droite, les fermetures éclair d’anorak, les cahiers à spirale, l’écriture, les ciseaux, les ouvre-boîtes, tout a été conçu pour les droitiers. Quelqu’un qui a les deux mains est d’ailleurs significativement ambidextre, pas ambisenestre. C’est dire la prédominance de la main droite dans le monde pratique, fonctionnel, physique qui nous entoure.

Le monde des idées, c’est l’inverse : lui, il est gaucho-centré. Tous ses outils idéologiques, intellectuels, rhétoriques, médiatiques sont unidirectionnellement orientés à gauche. Ses fermetures éclair s’enfilent toujours à gauche, ses ouvre-boîtes idéologiques ne fonctionnent qu’à gauche, sa langue se lit de la droite vers la gauche, le véritable sens de l’histoire.

Bref, on vit dans un monde de droitiers fonctionnels dominé par les gauchistes idéologiques. On se croirait presque dans un sketch de Raymond Devos. Le pire du pire, dans ce monde, c’est d’être un gaucher qui vote à droite. Sa vie devient une course à handicap. Il y en a forcément un qui m’écoute. C’est, lui, le vrai martyr de notre temps.

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