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Yourtes, discours lénifiants, ségrégation raciale : choses vues à l'université d'été d'EELV

Yourtes, discours lénifiants, ségrégation raciale : choses vues à l’université d’été d’EELV

La revue Éléments a, depuis 50 ans toujours accordé une importance particulière à la question écologique. C’est notamment dans cette optique que Yves Christen nous présente l’œuvre de Ernst Haeckel - père de l’écologie - dans le numéro, de la revue, actuellement en kiosques. Rien de plus normal donc pour l'un de ses rédacteurs que d’assister à l’université d’été du parti politique français qui exerce un quasi-monopole sur l’écologie : Europe-Ecologie-Les-Verts. Reportage.

Organisées du 22 au 24 août, ces « journées d’été » se déroulaient cette année à Tours – ville tenue par les écologistes depuis les dernières municipales de 2021. 40€, c’est le tarif pour pouvoir assister aux trois journées et avoir accès aux nombreux ateliers, tables rondes et formations proposés sous des yourtes et des tipis, le tout prenant l’allure d’un festival hippie-gauchiste avec toilettes sèches, « blind test » décroissant, feu de camp sans feu et pique-nique « végé ». Sans viande, la fête est plus molle. Ces journées ont néanmoins réuni 3 500 militants et sympathisants écolos, dont les pontes de l’écologie politique, de Yannick Jadot à Marine Tondelier, sans oublier l’inénarrable Sardine Ruisseau, avec en bonus un meeting du Nouveau front populaire et Lucie Castets en guest-star.

La souveraineté alimentaire sans souverainisme, les communs sans communauté, l’écologie sans nature…

Tous les sujets phares – ou presque – des écologistes furent abordés lors d’ateliers où députés, militants, syndicalistes et universitaires se sont succédé pour apporter des pistes de réflexion sur les enjeux chers aux écolos. Souveraineté alimentaire, lutte contre la mondialisation néolibérale, libre-échange, dérégulation des marchés, abandon des paysans face à l’agrobusiness, préservation de la nature et des écosystèmes de la bétonisation, encadrement de l’intelligence artificielle… Des sujets en effet primordiaux pour notre temps et sur lesquels, on peut tout à fait les suivre. Même le thème des communs, cher à Guillaume Travers (voir le dossier du numéro 206) a été abordé.

Mais on commence rapidement à les perdre quand ils proclament leur défense de la construction européenne et leur refus de protéger toutes les biodiversités, notamment la biodiversité humaine. Car, comme le rappelle Guillaume Travers, pour qu’il y ait des communs il faut une communauté : « affirmer l’existence de biens communs, c’est aussi affirmer des frontières ; c’est dire qui appartient à telle communauté et qui y est étranger. » Or, le monde ouvert des écolo-gauchistes va à l’encontre de l’idée de communauté. Une écologie sérieuse ne peut pas défendre le respect des paysages, de la faune et de la flore sans préserver les coutumes et identités des peuples. Les Verts sont contre la bétonisation, mais pour l’arrivée massive de toujours plus de migrants, qu’il faut loger, nécessitant encore plus d’immeubles, de parkings. Ils sont contre le libre-échange mais délaissent la question du localisme.

Leur écologie est hors-sol, élitiste, métropolitaine, au contraire de celle que l’on appelle de nos vœux : enracinée dans une géographie et des terroirs, populaire et identitaire. Cette conception de l’écologie est d’ailleurs vertement critiquée et ses défenseurs qualifiés « d’écofascistes » (voir l’article de David L’Epée dans le dernier numéro d’Éléments sur la dénonciation de l’écologie « d’extrême-droite »).

Des reniements et du wokisme

La grande absente de ces universités d’été est la question du nucléaire. Pas abordée une seule fois sur ces trois journées. Étonnant pour un parti qui a fait de la lutte contre le nucléaire et en faveur des énergies renouvelables un sujet essentiel. A l’heure du grand rassemblement dans le NFP et autour de Lucie Castets, la question énergétique est taboue, il ne faudrait pas froisser les camarades communistes et socialistes qui sont sur une ligne de défense du nucléaire. Pendant ces trois journées, pas un atelier, pas même une allusion au nucléaire, sujet encore plus sensible que Gaza chez les Verts. Profil bas également sur la question palestinienne ; un atelier « Comment rassembler à gauche contre l’antisémitisme après le 7 octobre? » où quelques cadres LFI en ont pris pour leur grade, et pour donner le change un autre sur « Gaza, fractures Nord/Suds, le droit international en danger », et aucun drapeau, ni T-shirt arborant un soutien à la cause palestinienne.

Les écologistes se sont donc repliés sur les thèmes plus consensuels à gauche : la défense des services publics et des droits LGBT, la dénonciation du système patriarcal. Pour les plus misandres, un « Dialogue avec Judith Godrèche » et des ateliers sur le droit des femmes en Europe étaient proposés, et pour les plus téméraires l’atelier « Comment allons-nous? : Santé mentale et désordres du monde » où intervenait Sandrine Rousseau, indiscutable spécialiste des troubles psy.

Chez les cadres de l’écologie politique, l’écologie apparaît finalement comme un faux-semblant, un moyen d’introduire d’autres combats. Ici, les thèses intersectionnelles venues des universités américaines sont appliquées à la lettre en témoigne le soutien inextinguible à toutes les causes woke, décoloniales et antiracistes : de l’immigration de masse à la défense de l’islam conservateur, de la négation des différences sexuelles à la haine des Blancs et de la France.

C’est notamment le cas de l’eurodéputée EELV Mélissa Camara, « écoféministe lesbienne » (c’est apparemment désormais un « titre »), qui a notamment rédigé un mémoire sur l’intersectionnalité des mouvements de femmes Roms et le racisme environnemental. Un festival de propos misandres et complotistes (les masculinistes sont financés par la Russie), une haine contre les droites conservatrices (mais rien sur le patriarcat ultraconservateur véhiculé par un islam rétrograde), elle lutte notamment pour faire condamner la Bulgarie – via la commission européenne – qui a mis en place des lois anti-propagande LGBT en direction des jeunes. Une certaine idée de la démocratie…

La vaillante écoféministe vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, Sarah Persil, n’est pas en reste. Elle a énergiquement rudoyé et mis dehors un homme accusé d’être « TERF »  (acronyme de Trans-exclusionary radical feminist  visant les « féministes radicales excluant les personnes trans » (sic)…).d’un telier portant sur les dangers du masculinisme. Il faut dire que les Verts ont toujours eu un penchant pour les dirigeantes à poigne qui malmènent les hommes, les autoritaires Sandrine Rousseau, Sarah Persil et Cyrielle Chatelain reprenant le rôle des Dominique Voynet, Cécile Duflot et Eva Joly.

Lucie Castets en star et lutte contre l’extrême-droite

A gauche, la star du moment est incontestablement Lucie Castets. Cette inconnue, directrice des finances à la mairie de Paris, a été propulsée par le NFP sur le devant de la scène afin de faire d’elle la « prochaine première ministre ». Un triomphe à son arrivée aux journées d’été, une salve d’applaudissement dès qu’un cadre des Verts prononçait son nom, ils ont garanti une promo qu’elle peine elle-même à assumer.

Alors, Lucie Castets future premier ministre ? Il y a peu de chances que sa prestation sur la scène du meeting du NFP convainque en dehors du cercle militant de gauche : un discours fade et emprunté, à faire regretter la soporifique Eva Joly, aucune sincérité, ni originalité, un mimétisme lexical effrayant : elle a enchaîné les éléments de langage creux déjà entendus des milliers de fois. Il n’est pas certain que ses poncifs débités avec le charisme d’une loutre et son argument massue : « être une femme lesbienne de gauche » suffisent à convaincre Macron de la nommer à la tête du futur gouvernement.

Mais, en réalité, la star omniprésente de ces journées d’été fut l’extrême-droite. Dès les premiers mots des discours d’ouverture du maire de Tours et de Marine Tondelier (notamment dans une tentative pathétique d’imitation de Marine Le Pen), le ton était donné : le fascisme est à deux doigts du pouvoir et grâce aux écologistes et à l’union de la gauche, la giga-turbo-extrême droite a été défaite aux législatives. La lutte acharnée contre la bête immonde revient systématiquement dans les discours, la dénonciation du « péril fasciste « est martelée à jusqu’à plus soif dans chaque prise de parole. De l’atelier « Extrême-droite et masculinisme : droits des femmes en danger » à « Comment lutter contre le RN au pouvoir et dans les institutions ? »,  de « Lutter contre le RN en ruralité » à « Lutter contre l’islamophobie et toutes les formes de racisme » (évidemment le racisme anti-blanc n’en fait pas partie) de « Transphobie et propagande d’extrême-droite : la conquête des droits comme contre-offensive » aux « B.A-BA de la lutte contre tous les racismes » (le racisme anti-blanc n’y figure toujours pas).

Sacrée présence… et sacrées déclarations entre complotisme (les médias, les réseaux sociaux, le Système a soutenu l’avancée du RN) et propagation de fake news (Sarah Persil, élue régionale de Bourgogne-Franche-Comté, est revenue sur la pancarte de Némésis « Étrangers violeurs dehors », pour la modifier en ajoutant une virgule entre étranger et violeur, en modifiant donc totalement le sens), et un florilège de déclarations que je ne résiste pas à vous livrer pêle-mêle :

 « Twitter, c’est comme le café des nazis.», de Sarah Persil. « Avec les élections législatives, on a eu peur pour nos vies », de Marie-Charlotte Garin, députée du Rhône. « Avoir accès à l’éducation sexuelle inclusive est un droit humain », de Mélissa Camara eurodéputée. La classique « le grand remplacement est une théorie complotiste d’extrême-droite » ,de Safia Dahani chercheuse spécialiste de l’extrême-droite. « Le RN a gagné la bataille culturelle », de Cyrielle Chatelain députée de l’Isère, coupable également d’un « j’ai un bac+5, j’ai été allé à l’école ». 

On ne sait pas s’ils jouent à se faire peur et veulent capitaliser sur un positionnement victimaire, ou s’ils sont totalement à côté de la plaque, dans les deux cas, leurs discours démontrent que les écolos n’ont toujours jamais compris et ne comprendront jamais rien à la France qui vote massivement RN.

Ruffin chez les bobos

D’entrée, ce qui frappe aux universités d’été d’EELV, c’est l’absence de diversité et des classes populaires : du bourgeois, du bourgeois, du bourgeois. Les militants EELV défendent une France métissée, ouverte, jeune, mais la composition ethnique des sympathisants est rigoureusement uniforme, la sacro-sainte diversité est inexistante, pas un seul voile, la créolisation c’est pour les autres. Les seuls extra-européens présents (hormis quelques élus) préparent à manger et s’occupent de la sécurité. Chacun a sa place… Leurs belles idées de tolérance et d’inclusion se fracassent sur le mur du réel, il y a de la biodiversité sur l’Île Balzac qui accueille l’université d’été, mais c’est bien la seule diversité qu’on trouvera.

Pas un seul prolo non plus, une majorité de bourgeois et bourgeoises de plus de 50 ans. Entre un atelier sur « la régulation sociale du cannabis » ou un autre sur l’écologie décoloniale, ils étaient pourtant assez peu représentés dans le programme. Même la présence de l’ex-insoumis François Ruffin n’a pas suffi. Le député de la Somme, vivement applaudi, seul rescapé de gauche dans une Picardie passée chez Marine, a tenté de redonner au travail la place qu’il a perdue à gauche. Il a commencé son intervention en mettant les points sur les i : « le fait que la question du travail ne soit pas centrale, mais périphérique et parfois marginalisée dans les partis de gauche est un énorme souci. », et d’enchaîner : « quand on vient faire la critique du travail, ce n’est pas pour le faire disparaître ou le faire diminuer.» Attaque à peine cachée envers ceux, qui, à gauche, militent pour le droit à la paresse et le revenu universel. Il termine ensuite par sa nouvelle marotte : « rassembler la France des bourgs et la France des tours », pourtant toutes deux absentes de ces universités d’été : « quand on est à Paris ou les grandes métropoles, les travaux – caristes, manutentionnaires, assistantes maternelles – sont effectués par des racisés ; quand on va dans des coins plus éloignés, les mêmes travaux sont assurés par des Blancs et par des Blanches pour parler franchement [stupeur dans l’assemblée pas habituée à ce qu’on parle des Blancs en termes positifs]. Rendre sa fierté au travail est quelque chose qui fabrique du commun entre les bourgs et les tours. » Croit-il réellement ce qu’il déclare ? Rien n’est moins sûr, il doit sa réélection à ses bons résultats à Abbeville et surtout à Amiens. Dans les communes rurales entre ces deux villes, il a été devancé par le RN, même dans son fief de Flixecourt.

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