Le magazine des idées
Sans importance

Xavier Eman : « La ND a été et est pour moi une formidable école de liberté et de curiosité intellectuelle »

À chaque sortie d’un nouveau numéro d’Éléments, ses Chroniques d’une fin du monde sans importance sont la première page que beaucoup de nos lecteurs s’empressent de lire, impatients de savoir à quelle sauce l’époque sera dégustée. Depuis décembre 2023, le discret Xavier Eman (impossible jusqu’à récemment de trouver une photo de lui sur le Net, hormis un cliché de profil avec son éternelle cigarette) est rédacteur en chef adjoint de la revue « Éléments » papier, et rédacteur en chef de notre site, qui propose – sous sa direction – des articles de plus en plus nombreux. Coup de projecteur sur ce travailleur de l’ombre, touche-à-tout impliqué dans de nombreuses aventures militantes.

ÉLÉMENTS : Dans vos chroniques, vous n’épargnez personne (les antifas comme les identitaires, les païens comme les cathos, la bourgeoisie de droite et ses renoncements comme les prolos américanisés), l’époque semble être une source d’inspiration inépuisable ?

XAVIER EMAN. C’est en effet le sens de ces chroniques (même si mon activité éditoriale ne se limite pas à celles-ci), croquer, si possible avec humour, les travers et ridicules du temps, qui en regorge, et auxquels personne n’échappe, et certainement pas moi-même. Je n’ai aucunement un regard surplombant ou hautain sur un monde auquel je serais étranger, mais je pense que la critique, la parodie, la dérision et surtout l’autodérision sont des moyens utiles et efficaces pour lutter contre l’esprit de sérieux et même, parfois, pour s’améliorer. Sinon, du point de vue du chroniqueur, le problème actuellement est que notre société devient tellement un asile à ciel ouvert qu’il est de plus en plus ardu de la caricaturer. Quand un homme se considérant comme une femme et ayant été opéré dans cette optique fait un procès à son ex-« mari » pour récupérer ses testicules que ce dernier conserve dans son congélateur, où est la place pour l’exagération, pour la parodie ? Il n’y en a plus. Le réel a définitivement dépassé la fiction. Et l’affliction.

ÉLÉMENTS : Éléments a fêté l’année dernière ses 50 ans, quelle place pour la revue des idées et la Nouvelle Droite dans votre parcours intellectuel ?

XAVIER EMAN. Une place centrale, fondatrice. C’est en grande partie la lecture d’Éléments et des ouvrages d’Alain de Benoist qui m’a amené à « penser contre moi-même » et à me constituer une colonne vertébrale idéologique personnelle, débarrassée des convictions et conventions purement « héritées » de mon environnement familial. Issu d’un milieu de droite bourgeoise, j’ai notamment découvert au travers des revues et publications de la ND toute l’importance des questions économiques et sociales qui sont désormais au centre de mes réflexions et de mes préoccupations. J’ai ainsi notamment appris que « socialisme » n’était pas qu’un gros mot faisant tourner de l’œil bonne-maman et que l’on pouvait lire Marx sans rêver d’envoyer tous les « nantis » au Goulag… J’ai également appris la précieuse différence entre radicalité et extrémisme et entre ouverture d’esprit et compromission. Si je n’en partage pas l’intégralité du « corpus » (notamment spirituel), la ND a été et est pour moi une formidable – et incomparable – école de liberté et de curiosité intellectuelle.

ÉLÉMENTS : Le milieu national militant est en effervescence depuis quelques années avec la création de nombreuses initiatives de poids (Academia Christiana, Institut Iliade, Némésis, mouvements locaux), quelles différences avec celui de vos débuts ?

XAVIER EMAN. Cette question me met un sacré coup de vieux, mais je vais tenter malgré tout de m’en remettre et essayer d’y répondre. Il me semble que deux éléments majeurs ont considérablement changé le « milieu militant ». D’une part, les outils technologiques, avec notamment l’apparition et la généralisation des « réseaux sociaux », pour le meilleur (audience élevée, possibilité de contourner les médias centraux, facilité de communication…), parfois, mais aussi, souvent hélas, pour le pire (virtualisation de l’engagement, boursouflure narcissique, apparition du phénomène des « cyber warriors » et des « influenceurs », extrémisation de la parole et simplification du débat, violence verbale déconnectée du réel, etc.). Le second élément est le renforcement drastique de la répression qui atteint aujourd’hui des niveaux que l’on peut qualifier de para-totalitaires puisqu’un simple collage en hommage à un adolescent assassiné peut vous conduire sous les verrous, que les banques ferment autoritairement des comptes en banque personnels et qu’une armée de petits sycophantes appelés « antifas » peuvent vous faire perdre votre emploi par leurs activités d’indicateurs de police. J’ai la plus grande admiration pour les jeunes hommes et femmes qui continuent à s’engager dans un tel contexte.

ÉLÉMENTS : En trente années de militantisme actif, de quoi êtes-vous le plus fier ?

XAVIER EMAN. Des belles et solides amitiés que j’ai nouées grâce à lui. Aujourd’hui, en dehors de ma famille la plus proche, toutes les personnes qui structurent ma vie, qui en sont les piliers, de ma compagne à mes meilleurs amis, je les ai rencontrées, d’une façon ou d’une autre, par le biais du militantisme et je partage avec elles ce désir d’agir collectivement et de « servir une cause » sans lequel je trouve l’existence bien morne et bien vide. Pour le reste, le bilan est plus délicat, pour ne pas dire plus amer. Difficile de ne pas penser, ou constater, que tout, dans tous les domaines, est pire aujourd’hui que lorsque j’ai commencé à militer… C’est pourquoi il est parfois délicat de ne pas succomber au découragement, mais résister à la tentation du désespoir ou de la démission est sans doute le premier, et le plus important, des actes militants.

ÉLÉMENTS : Vous avez participé à de multiples initiatives militantes, un mot sur CasaPound, véritable mouvement social et communautaire d’ampleur en Italie ?

XAVIER EMAN. CasaPound Italia est en effet une initiative tout à fait intéressante, passionnante même à bien des égards, notamment parce qu’elle a su, selon moi, habilement combiner l’activisme politique « classique » et le travail « métapolitique », l’agitation culturelle, l’engagement social… Dans le contexte historique et politique particulier de l’Italie, elle est également parvenue à trouver un équilibre délicat entre devoir de mémoire et nostalgie incapacitante, entre radicalité et folklore, et entre implication politique et démagogie électoraliste.

Propos recueillis par Anthony Marinier

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