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Valérie André : Adieu, Madame le Général !

Valérie André : Adieu, Madame le Général !

Elle s’est éteinte à l’âge de 102 ans, dans un silence médiatique qui en dit long sur les priorités de notre époque. Valérie André, médecin, parachutiste, pilote d’hélicoptère, a incarné une vie entière dédiée au service des autres. Première femme promue au rang de général des Armées françaises, elle a sauvé des centaines de vies sur les champs de bataille d’Indochine et d’Algérie, défiant les limites de son époque et de sa condition. Adieu, Madame qu’à cela ne tienne !

Mme le général André vient de s’éteindre à l’âge de 102 ans, dans une indifférence coupable des grands médias. C’était pourtant une grande héroïne de notre temps, et ce fut la première femme française à être promue au rang d’officier général des Armées françaises. Féministes de plateau, où êtes-vous ?

Valérie André entame des études de médecine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dès 1944, elle commence à soigner des blessés. Une fois diplômée, elle s’engage dans l’Armée pour rejoindre les forces françaises en Indochine. Dans les hôpitaux de l’arrière, elle apprend son métier de chirurgien de guerre. Mais une vocation d’urgentiste la convainc que la vie, la survie, suppose une intervention dans les heures, voire les minutes qui suivent le traumatisme.

Qu’à cela ne tienne ! Elle passe son brevet parachutiste et saute, la trousse d’urgence sous le parachute ventral, sur l’arrière immédiat des lignes de combat. Elle panse, soigne, « stabilise » de grands blessés pour permettre leur évacuation.

Mais après, comment les évacuer ? Qu’à cela ne tienne ! Elle apprend à piloter de petits avions à hélice, les fait se poser en arrière immédiat des lignes et évacue les blessés avec son coucou.

Mais il n’y a pas toujours de champ ou de piste en herbe à proximité de la ligne de front. Qu’à cela ne tienne ! Le capitaine-médecin André devient pilote d’hélicoptère, équipe ses engins de civières latérales et exploite les capacités de ces engins nouveaux à s’affranchir des contraintes logistiques et d’infrastructures. Parfois, souvent même, elle décolle avec un grand blessé et atterrit avec un mort. Alors, elle pleure sans qu’on sache si c’est de chagrin ou de rage…

Et elle continue, en Indochine puis en Algérie, sauvant les vies de centaines de soldats français.

Et puis la guerre d’Algérie se termine et, de toute façon, Mme André n’a plus forcément l’âge de se faufiler entre les tirs de mitrailleuses. Qu’à cela ne tienne ! le colonel-médecin André va consacrer le reste de sa carrière à former une génération nouvelle de médecins et de chirurgiens militaires en leur transmettant son immense expérience et son savoir-faire. À 52 ans, elle sera la première femme à être promue officier général dans les armées françaises, et Inspecteur général du service de Santé.

Mes respects, Madame le général

Car on dit « général » et pas « générale », « inspecteur » et pas « inspectrice », n’en déplaise aux journaleux qui lui consacrent de trop rares articles à l’occasion de sa mort. La langue française est ainsi faite. Une générale est l’épouse d’un général au même titre qu’une colonelle est l’épouse d’un colonel. Et, de plus, une générale est, en général, une calamité pour son entourage. Demandez à ceux qui ont connu la générale de Gaulle ou la générale Massu…

Ayant consacré sa vie à sauver de jeunes hommes, Mme André n’avait pas pris le temps du mariage et de la maternité. Elle épousa, sur le tard, le commandant Santini, l’un des premiers pilotes d’hélicoptères français et l’un des pionniers de l’évacuation sanitaire des blessés par voie aérienne en Indochine. Elle adopta le fils que le commandant Santini avait eu d’une première union et devint ainsi, enfin, mère.

Elle devint ainsi par le fait la tante de M. André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux et deux fois ministre. Nous n’avons pas toujours partagé les positions de M. Santini, mais un homme qui aime les alcools forts et le cigare ne peut pas être tout à fait mauvais. De surcroît, André Santini a été plusieurs fois reconnu comme le meilleur humoriste de la classe politique et, à ce titre entre autres, nous présentons à M. Santini nos condoléances les plus sincères.

Quant aux idées politiques de Mme le général André, nous les ignorons et nous nous en contrefichons. Dans les périodes tragiques de l’histoire, le caractère, le style, la « gueule » valent plus que les opinions sur le taux idéal de TVA sur la betterave cuite… Un grand homme, c’est un grand homme, une femme éminente prévaut sur tout médiocre que ce soit.

Mme la générale André rejoint le Panthéon des femmes patriotes du service de santé, et se trouve aujourd’hui aux côtés de Geneviève de Galard, la sainte de Diên Biên Phu, l’infirmière qui refusa de se faire évacuer de la cuvette alors qu’il en était encore temps, parce que les grands blessés dans un état critique avaient besoin de sa présence, non seulement professionnelle d’infirmière, mais de femme. Elle paya son abnégation de plusieurs mois de captivité dans les camps d’extermination du Viet Cong.

Mme le Général, respect ! Et honte à ceux qui oublient de vous célébrer…

Requiescat in pace !

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