Les organisations partisanes rendent l’exercice périlleux
Que signifient les mots « droite » et « droites » en termes partisans aujourd’hui ? Qui et quelles structures seraient de droite ? Difficile de faire preuve de clarté à ce propos. Et qui imagine une potentielle « union des droites » sans un chef de file clairement déterminé ? Quelles droites, donc ?
Les LR de Laurent Wauquiez ? Ceux de Xavier Bertrand ? Le plus ou moins ancien LR et Macroniste Gérald Darmanin ? Rachida Dati ? Bruneau Retailleau ? Il y a beaucoup de monde et d’egos dans une maison LR où semble toujours régner une très grande confusion. Pourtant le parti n’est pas faible, au-delà de la petitesse de sa représentation à l’Assemblée nationale, petitesse qui, dans l’émiettement politique actuel ne l’empêche pas d’être au gouvernement sous la houlette d’une branche renaissante de l’arbre LR, Michel Barnier. LR est aussi un parti d’élus locaux, ce qui en fait la première force politique du Sénat. Ce n’est pas rien. Mais difficile d’y retrouver ses petits.
Les plus ou moins anciens proches d’Emmanuel Macron, plus ou moins de droite ou du centre selon le sens du vent, Edouard Philippe (Horizons) ou François Bayrou (MODEM) ?
Les anciens LR membres du groupe EPR de l’Assemblée, sous la houlette de Gabriel Attal, lesquels expriment de plus en plus de désaccords avec la gauche de ce groupe, composée assez largement de socialistes ayant quitté le PS en 2017 ?
Les anciens LR, ceux d’Eric Ciotti, ancien président des LR maintenant allié du Rassemblement National, une frange non négligeable qui bénéficie actuellement de plusieurs ralliements et qui, justement, nomme son parti « Union des Droites pour la République » ?
Les droites nationales ? Incontestablement, il s’agit du bloc le plus fort. En nombre de députés comme en nombre d’électeurs. Un bloc qui représente aujourd’hui plus de 11 millions d’électeurs, sans le regard duquel Michel Barnier ne peut pas gouverner, et qui tient les cordons de l’Assemblée nationale. Le poids de Marine Le Pen n’a jamais été aussi fort dans le jeu politique. En toute logique démocratique, au vu de ses résultats lors des récentes Européennes puis du premier tour des Législatives, le RN devrait actuellement exercer le pouvoir en France. Ce n’est pas le cas du fait du sempiternel, mais usé, tour de passe passe nommé « front républicain », lequel va céder sous peu. Certaines mauvaises langues trouveront que l’ouverture du procès concernant le financement des anciens assistants parlementaires du FN devenu RN tomberait à pic pour entraver l’ascension du RN vers le pouvoir.
Le RN est-il compatible avec les autres droites nationales ? Veut-il l’être d’ailleurs ? Rien n’est moins sûr. Les quelques députés proches de Marion Maréchal, laquelle revendique des différences économiques et sociétales avec le RN, sont bien apparentés RN mais Marion Maréchal a annoncé lundi 8 octobre la création d’un nouveau parti, Identité-Libertés (IDL). Son objectif ? « Travailler à une coalition structurée aux côtés de Marine Le Pen, de Jordan Bardella, d’Éric Ciotti. Chacun avec ses spécificités, sur le modèle qui a permis la victoire de nos idées dans d’autres pays européens. » Elle veut « porter la voix d’une droite civilisationnelle qui soit à la fois anti-woke, anti-assistanat et anti-racket fiscal ». Marion Maréchal confirme ainsi son attachement à l’idée de l’union qu’elle perçoit comme un élargissement à même de conduire les droites au pouvoir en France. Mais lesquelles ? Seulement les courants évoqués ? Cela suffirait-il ?
Et Reconquête, Les Patriotes ou Debout la France, partis dont le poids électoral n’est pour l’heure pas convaincant, même si Sarah Knafo a raison de dire qu’en politique tout peut aller très vite ? Reste que faire travailler ensemble des personnalités qui ne cachent pas de vieilles rancunes risque d’être bien compliqué. Sans compter qu’aucune union des droites ne serait possible sans une plate-forme programmatique claire, acceptée de toutes les partis prenantes, et un candidat pour la présidentielle. Sur ce dernier point il paraît difficile d’imaginer que ce candidat ou cette candidate puisse être issu d’un autre parti que du RN.
S’unir autour des idées ?
Dans l’idéal, l’union des droites serait une union autour d’un programme accepté par tous les partis s’y engageant, et s’accordant autour d’une candidature pour la présidentielle. Sans doute aussi autour de candidatures communes pour des législatives qui arriveront sans doute dans moins d’un an maintenant.
Une telle plate-forme programmatique parait en soit possible. Les différentes droites ont beaucoup de points communs, au centre desquels se trouve la lutte contre l’immigration massive. Cependant, le diable se cache dans les détails et il y a loin d’un Nicolas Sarkozy actant fin septembre 2024 que les migrations sont inéluctables et un Eric Zemmour prônant la remigration, y compris de populations installées en France de longue date mais n’acceptant pas notre civilisation. Et même souvent luttant contre celle-ci au quotidien. Trouver un axe politique commun entre LR, le RN, les proches de Ciotti, ceux de Marion Maréchal, Les Patriotes, Debout la France… est peut-être possible. Ce n’est guère simple. D’autant que la question migratoire est aussi portée par les mouvements et lieux de pensée identitaires, défenseurs de la civilisation européenne, qui doivent être pris en compte, formateurs de cadres, de militants et influents aujourd’hui où la politique passe beaucoup par les réseaux sociaux.
Plus difficile encore, semble-t-il, serait de trouver un accord programmatique commun sur le plan économique. Quel rapport entre le libéralisme-social des LR, vaguement gaulliste, au moins dans les mots, le national-libéralisme du RN, le libéralisme de Marion Maréchal, le quasi libéralisme libertarien de Reconquête, le souverainisme de Debout La France, le Frexit des Patriotes ? Et au sein de cette éventuelle politique économique commune, quelles actions concernant l’État, la fonction publique ? A l’évidence, par exemple, le RN et Reconquête sont sur des positions très éloignées.
Les exemples de divergences seraient nombreux. Comme le sont celles entre les personnes qualifiées de droite. Les droites sont plurielles, éclatées. Elles ont des points communs mais pas nécessairement les mêmes fondements idéologiques. Le degré de confiance qui peut être accordé aux uns et aux autres est lui aussi fluctuant : ainsi, que penser de Républicains qui en juillet juraient la main sur le cœur ne jamais vouloir participer à un gouvernement avec des macronistes ? Pour l’heure, il reste difficile d’imaginer des droites unies formant La Droite, avec un programme commun clair et un candidat commun à la présidentielle, ainsi que des candidatures communes aux Législatives. Cela demanderait un travail de fond, que les personnes et les partis se parlent, échangent, réfléchissent au-delà des seules nécessités du moment, comme ce fut le cas entre Michel Barnier et Marine Le Pen. Cela demanderait une véritable volonté politique, celle de prendre concrètement acte de ce fait : la France est à droite et veut une politique de droite. Les électeurs ont clairement placé un parti, le RN, en tête de leur volonté de changement. Chacun sera libre d’en penser ce qu’il veut mais il semble difficile actuellement d’imaginer une quelconque union des droites dont le RN, parti dominant ce segment de l’échiquier politique, ne serait pas le cœur nucléaire. En tout cas, avec une vraie volonté politique des uns et des autres, l’horizon paraît dégagé. Ce n’est pas rien.
© Photo : Victor Vetel – Shutterstock. Marion Maréchal pour l’union des droites, revendique des différences économiques et sociétales avec le RN, elle a annoncé lundi 8 octobre la création d’un nouveau parti, Identité-Libertés (IDL).