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Twitter m’a tuer ! La censure en un clic

Twitter a la censure sélective. Les égorgeurs comme Abdoullakh Anzarov y sévissent apparemment en toute impunité, mais les dissidents pacifiques y sont impitoyablement traqués. Deux poids, deux mesures. Qu’on en juge ! Le compte Twitter de la Nouvelle Librairie : suspendu. Celui de l’Observatoire du journalisme aussi ; celui de l’Institut de formation politique aussi. Coup sur coup. Vive la liberté d’inexpression !

« Écolier Bousquet, vous recopierez cent fois sur le tableau noir de la République : la liberté d’expression ! » Ah, la liberté d’expression… C’est beau comme un poème d’Éluard, comme une chanson de Florent Pagny, comme une publicité racoleuse pour la République en marche. Sur le papier seulement. Dans les faits, c’est un joli conte de Noël raconté par les censeurs qui nous dirigent aux grands enfants que nous demeurons. Comme pour le père Noël, il y a des gens qui y croient. Nous, à qui cette liberté est chichement concédée, savons à quoi nous en tenir.

À ceux qui l’auraient oublié, Twitter est venu le rappeler. Pour la marque au logo de volatile bleu, la liberté d’expression, c’est la liberté de suppression – des comptes et des dissidents. Pas n’importe lesquels, seulement ceux suspectés de s’approcher du point Godwin. Et chez Twitter, il est rapidement atteint, du moins pour nous. Pas le temps de se poser qu’on est déjà à Nuremberg. Verdict : on nous coupe la parole. Alors qu’on ne la coupe pas à ceux qui veulent couper des têtes : les promoteurs du djihad en ligne. Les algorithmes de Twitter ne seraient-ils pas programmés pour déchiffrer les querelles théologiques, fussent-elles sanguinaires ? Sur l’échelle de Twitter, la censure s’arrêterait-elle au seuil du Coran, sous peine de relever de la (dis)qualification d’islamophobie ?

Abdoullakh Anzarov et Twitter, même combat ?

La question peut se poser. Pendant que le futur meurtrier de Samuel Paty continuait d’arroser ses nombreux fils Twitter de « salam alaykoum » fort peu pacifiques et poursuivait librement son petit djihad numérique, en dépit de signalements au gendarme du Net (Pharos), le réseau social ne trouvait rien de plus urgent que de suspendre les comptes de la Nouvelle Librairie, de l’Ojim (l’Observatoire du journalisme) et de l’IFP (l’Institut de formation politique), qui perturbent le sommeil des maîtres du monde. Cela fait quelque temps que les réseaux sociaux clôturent à tout-va des comptes, déréférencent tous azimuts, dans l’arbitraire le plus complet, sans recours possible. C’est là une nouvelle ère de la censure qui s’ouvre – sa privatisation. Le sale boulot d’Anastasie et de ses ciseaux – le nom de la censure au XIXe siècle – est désormais confié aux géants du Net, qui font office de sous-traitants expéditifs et empressés. Cela permet de sortir en toute discrétion de l’État de droit la parole dissidente pour en déléguer le traitement disciplinaire aux opérateurs privés forts de leur pouvoir discrétionnaire. D’un clic, ils vous coupent la parole. Vous êtes mort sans qu’il soit nécessaire de vous tuer. Le crime parfait, comme eût dit Baudrillard, celui qui n’a pas eu lieu. Pendant ce temps-là, les djihadistes comme Abdoullakh Anzarov tranchent dans le vif. Couic ! Ci-gît Samuel Paty (1973-2020) : Twitter m’a tuer !

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