ÉLÉMENTS : Dans votre dernier article publié sur le site de la revue Foreign Policy, vous jugez inévitable un nouveau conflit entre l’Iran et Israël. Pour quelles raisons ?
TRITA PARSI. Le déclenchement d’un nouveau conflit entre l’Iran et Israël n’est pas inévitable, mais sa probabilité est élevée, car les Israéliens n’ont pas atteint deux de leurs principaux objectifs lors de la dernière guerre : décapiter le régime et transformer l’Iran en une nouvelle Syrie – un pays qu’Israël pourrait bombarder en toute impunité, sans l’implication des États-Unis.
ÉLÉMENTS : Dans quel but ?
TRITA PARSI. Ayant déclenché la guerre de juin, Israël estime ne pas pouvoir se permettre de laisser à l’Iran l’opportunité de reconstruire ses défenses aériennes, ce qui rendrait les futures attaques israéliennes trop coûteuses, voire impossibles. Or, obtenir le soutien des États-Unis pour une prochaine attaque est essentiel pour Israël, et la fenêtre d’opportunité va se refermer une fois que les États-Unis entreront dans la saison des élections de mi-mandat. C’est pourquoi il est probable qu’Israël frappe de nouveau avant décembre prochain.
ÉLÉMENTS. À votre avis, que déciderait Donald Trump si Benyamin Netanyahou lui demandait de frapper à nouveau l’Iran ?
TRITA PARSI : Ce que Trump décidera de faire lors de la prochaine attaque israélienne pourrait se révéler décisif. Sa base électorale est fortement opposée à la guerre, a fortiori à une guerre prolongée. Il a survécu à la première opération parce que le conflit de juin a été très bref. Ces considérations politiques pèseront lourdement sur lui. Mais, jusqu’à présent, Trump n’a pas montré une capacité remarquable à résister à une pression israélienne soutenue.
ÉLÉMENTS. En juin dernier, lors de la guerre des Douze Jours, les missiles iraniens ont infligé de sérieux dégâts à Israël. Cette menace balistique ne dissuade-t-elle pas Netanyahou d’attaquer à nouveau l’Iran ?
TRITA PARSI. Oui. Mais aux yeux d’Israël cet argument plaide paradoxalement pour une nouvelle attaque, car la capacité dissuasive de l’Iran ne fera que croître avec le temps… à moins qu’Israël ne relance une attaque et ne parvienne à porter un coup décisif au programme de missiles iranien.
ÉLÉMENTS. L’État hébreu a-t-il la capacité de lancer une nouvelle guerre contre l’Iran sans le soutien des Américains ?
TRITA PARSI. Pas vraiment. Israël n’a même pas pu mener les opérations à Gaza sans le soutien des États-Unis. Mais Israël a montré qu’il savait très bien mettre Trump dans une position délicate pour ensuite le pousser à adopter son agenda.
ÉLÉMENTS. De son côté, Netanyahou vient d’appeler les citoyens iraniens à renverser la République islamique. Comme lors de la guerre contre l’Irak (1980-1988), un conflit prolongé avec Israël renforcerait-il la faction la plus dure du régime ?
TRITA PARSI. L’attaque américano-israélienne a réduit la distance entre la société et le régime face à cet ennemi commun. Le gouvernement iranien a aussi compris que sa profonde impopularité facilitait le recrutement de déserteurs par le Mossad à l’intérieur de l’Iran. Mais le rapprochement entre le peuple iranien et la République islamique sera probablement de courte durée, à moins que des réformes profondes et réelles ne soient mises en œuvre en Iran.
1. https://www.revue-elements.com/en-iran-la-diplomatie-europeenne-sest-effondree/
Trita Parsi a publié Losing an Enemy. Obama, Iran and the Triumph of Diplomacy (Yale University press, 2017).