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To die or not to die : le grand retour du patrouillotisme ! (pour bien rire dans les futures tranchées)

To die or not to die : le grand retour du patrouillotisme ! (pour bien rire dans les futures tranchées)

Qui a écrit il y a plus d’un siècle : « Cette benoîte population gesticule prudhommesquement spadassine, bien autrement que les assiégés de Metz et de Strasbourg ! C’est effrayant, les épiciers retraités qui revêtent l’uniforme ! C’est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève !… Moi, j’aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c’est mon principe » ? Tout est dit.

Bon, pour la benoîte population gesticulant prudhommesquement spadassine, on l’aura aisément reconnue… C’est pas plus compliqué que ça en a l’air – qui en a d’ailleurs jamais donné une définition plus intempestive ? – c’est notre France éternelle au pied de grue ! Quant à l’auteur de cette prose génialement incongrue, ça n’est autre qu’Arthur Rimbaud, l’irréfragable Prince des poètes en personne ! Ah, la voilà ! La voilà sa véritable lettre du voyant à Rimbaud ! Cette lettre perspicace – et prophétique au moins jusqu’à la fin des temps – d’un jeune adolescent inspiré, adressée à son professeur de rhétorique, Georges Izambard, un mois après le début de la guerre franco-prussienne, le 25 août 1870…

Et où est-ce qu’elle en est, notre benoîte population à nous autres, un siècle et demi après Rimbaud ? Par les temps qui courent, il serait peut-être judicieux de se demander comment ça pourrait faire du patrouillotisme aux portes de l’Europe, un startupper ? Et puis à quoi ça ressemble en uniforme, un stand-upper ? Si ça sait organiser autre chose qu’un mariage – pourquoi pas un champ de bataille ? – un wedding planner ? Et puis aussi – pourquoi pas ? – comment ça tient son chassepot au cœur un non-binaire ? Et un community manager, dans tout ça, sans bite et sans couteau, comment ça résiste au corps à corps avec un Tchéchène, au petit matin ? Sans parler de la pauvre créatrice de contenu, perdue au milieu des tranchées sans TikTok ni maquillage… C’est paritaire, d’ailleurs, une guerre en Europe occidentale en 2025 ? Autant de questions pratiques dont je me réjouis de connaître bientôt les réponses !

L’exode en trottinettes électriques

À gauche, on est pas farouchement opposé à une petite guerre contre Poutine… À condition que ça soit les riches qui paient, bien sûr ! Et puis à condition qu’on ne touche surtout pas à notre modèle social non plus… On l’a pas mal entendue celle-là aussi, sur leurs micros-trottoirs… Le modèle social français ! Faudrait surtout pas y toucher d’un iota à notre fameux modèle social que toute la galaxie nous envie ! Je me demande comment ils vont faire, les Français, quand leur modèle social va s’effondrer ? Est-ce qu’ils s’en remettront ? C’est pas sûr…  Je souhaite bien du courage à celui qui viendra leur annoncer… Je ne courrais pas si vite vers 2027, moi, à leur place… Vous me direz, il y en aura peut-être plus guère des Français, d’ici-là ? C’est peut-être fait pour ça, après tout, le Grand Remplacement ? Et s’il changeait de peuple exprès pour éviter que l’ancien leur fasse une nouvelle crise de nerfs en apprenant la terrible nouvelle ? Ça y est, moi aussi je me mets à complotiser… Ça doit être l’air du temps !

Et puis tout ça à condition qu’elle ne fasse pas de mort non plus leur guerre, tant qu’on y est ? Je le vois venir gros comme une maison ; c’est bien les Français ça, ils finiront par inventer une guerre patriotique « à conditions »… Et encore pas plus de 35 heures par semaine ! Non, pas une de plus ! Ou sinon, payée double… J’ose même pas imaginer la question du pouvoir d’achat au milieu de toutes ces histoires d’un autre âge… Vous les imaginez, vous, les néo-Français au rationnement ? À partir de maintenant, vous ne serez plus abonné à Disney Plus qu’un mois sur deux… Combien de drames en perspective ! Et encore, je ne parle même pas des coupures d’eau chaude et des pénuries de pots de Nutella… Il ne manquerait plus qu’une nouvelle révolte des Gilets jaunes explose en pleine Troisième Guerre mondiale… On serait beau ! Dans de beaux draps, si je voulais vraiment faire du mauvais esprit… Non, s’il y a bien une chose qu’omettent d’évoquer les commentateurs – tous plus avisés les uns que les autres – de notre drôle d’actualité, eux qui bavardent de tout sauf de l’essentiel, c’est que la réalité d’une guerre est devenue une chose anthropologiquement inconcevable dans la France de 2025. Il faudrait imaginer l’exode de 40 avec des trottinettes électriques… Ça pourrait les mener très loin tout ça, nos Français !

« Faites la guerre, pas l’amour ! »

Je ne vais pas tourner longtemps autour du pot d’Emmanuel Macron – il y a suffisamment de gens que ce genre de besognes par très recommandables intéressent –, mais c’est bien lui – oui lui –, notre Schpountz présidentiel improvisé en chef de guerre, l’incarnation merveilleusement foireuse du leader cheap européen, c’est lui qui a mis le feu aux poudres dans son allocution télévisée du 5 mars dernier ! Je veux bien que tous les journalistes de France – d’Edwy Plenel à Pascal Praud – aient eu la mi-mole derrière leur télévision ce soir-là, mais quand même… Faut penser au petit peuple qui veut pas crever pour l’Ukraine aussi… « La patrie a besoin de vous ! » Elle a bon dos la garce… Ça leur va comme un gant, ce vocabulaire retrouvé ! Et puis ils vont finir par la faire flipper drôlement comme il faut, à la fin, notre pauvre jeunesse débinarisée ! Il ne faudrait pas trop surestimer l’anesthésie au porno et au pétard quand même ! Heureusement qu’ils ne regardent plus la télé, les jeunes… Faudrait juste pas que tout ça finisse par se retrouver d’une façon ou d’une autre sur TikTok… Vous imaginez le choc ? C’est vite arrivé, après tout, un tiktok présidentiel… Un demi-siècle de déconstruction tous azimuts pour en arriver là… « Faites la guerre, pas l’amour ! »… Et voilà subitement ressurgir les mêmes cons, ceux qui nous ressortent la larme à l’œil Imagine de John Lenon à chaque partouze commémorationnelle, s’apprêter à nous envoyer tous au front ! Après avoir réussi à nous dégouter de l’amour, ils finiront bien par nous faire détester la guerre à nous aussi… Quel gâchis ! Et puis qu’est-ce qu’il va bientôt leur rester à nos forces vives à la fin ? De quelles miettes, les jeunes, devront-ils demain se nourrir ?

Une semaine plus tard, le jeudi 13 mars, c’était au tour du ministre Lecornu – en langage lacanien, le cocu le plus corné de France, dans un pays pourtant rudement concurrentiel dans le secteur – d’en remettre une bonne couche, histoire d’assurer le service après-vente militaire de son président… Vlan, dans vos gueules les bouseux ! Et tous les spectateurs de France 2 de recommencer à chier doublement dans leur froc ce soir-là… À un tel rythme, c’est même plus la montée des eaux qui est à craindre, mais plutôt celle d’une matière autrement moins noble – et ô combien plus odorante ! – qui risque de submerger fort liquidement le pays tout entier ! Au standard, Romain, 30 ans et ingénieur de son état, pleurniche : « J’ai peur, je ne veux pas mourir au combat. » Tu m’étonnes ! Il va falloir sérieusement envisager le télétravail depuis Bali alors, Romain… Ils vont avoir l’air malin ceux qui restent au bout du compte… Personne ne mourra jamais de bon cœur pour la post-France ! Ça suffit déjà qu’elle nous tue chaque jour à petit feu… À entendre les rodomontades post-adolescentes de nos politiciens, on en deviendrait presque content que la France ne soit plus qu’un vulgaire balais à chiotte – et encore sans son manche – oublié dans un coin poussiéreux de la grande vespasienne européenne. Moi aussi, Arthur, avec la gueule qu’elle tire, je préfèrerais largement la voir assise ma patrie ! Elle était même pas si mal à plat ventre, tout compte fait. Ça lui allait même plutôt bien. Qu’est-ce qui leur a pris, tout à coup, à nos bisounours sous kétamine ? Ça suffisait plus la partouze pacifiste, les JO et puis tout ça ? Ah ! quel cancer qui n’en finit pas cette fin de la France !

Un bon demi-siècle de confinement électronique

Et comme ce drôle de cadavre contamine tous ceux qui le touchent ! Le moindre analphabète débarqué de l’autre bout de l’Afrique y devient, en quelques semaines à peine, un acteur porno étalonisé, un violeur improvisé, un slammeur invétéré ou – pire encore ! – un acteur césarisé… Mais iront-elles pour autant, au sommet de leur gloire, se faire trouer la peau, pour leur nouveau pays, nos chères chances pour la France ? Qu’ils y aillent ; et le pays est à eux… Encore plus tôt que prévu ! Commencez sans moi la partie… Envoyez en première ligne, pour commencer, vos rappeurs en mal de virilité et vos post-adolescents en manque de kalachnikov sur Playstation, j’arriverai un peu plus tard… Je tiendrai le décompte du temps, moi… Tic-tac tic-tac ! Combien de jours, d’heures, de minutes et peut-être même de secondes avant le grand pschitt ? Je suis sûr que la France entière pourrait bien débander encore plus vite qu’en 40 ! Impossible ne sera jamais post-Français, c’est moi qui vous le dis !

Et tous ces imbéciles qui dénoncent la fermeture de C8… Quand ils devraient au contraire militer pour la fermeture de toutes les autres chaînes de télé ! Black-out total, absolument plus rien… Ni son, ni image ! Imaginez un instant ! C’est pour ça, pour ce silence retrouvé, que devrait se battre chaque Français digne de ce nom. En voilà une jolie guerre à mener ! Je vous le dis, moi, la France devrait fermer sa gueule et toutes les écoutilles qui vont avec ; se faire oublier un bon demi-siècle au moins du monde entier, couper tous les câbles électriques et internet qui alimentent en boucle sa propre connerie ontologique… On verra bien ce qui en ressortira en 2100… C’est un siècle de confinement sans télévision, sans radio ni smartphone qu’il faudrait à la France ! Le patrouillotisme de Rimbaud, c’est quand le patriotisme mène à la trouille ; le patrouillotisme 2.0 d’Emmanuel Macron, notre Paul Déroulède latexifié, c’est quand la trouille conduit au patriotisme… La trouille d’affronter son propre bilan personnel, j’imagine… Et puis surtout la trouille générale d’affronter le bilan de la France… 1 500 ans d’histoire pour couronner Cyril Hanouna, chantre de l’esprit critique et de la liberté d’expression à la française ! Il fallait l’oser quand même celle-là… La droite française chercherait son futur Zelensky, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, cette conne !

En marche… ou crève

C’est la Technique – sans oublier toute la Bêtise intergalactique qui va avec – qui a gagné… Vous aurez beau les retourner toutes les deux, Bêtise et Technique, guilluysquement dans tous les sens – de haut en bas et bas en haut – ou encore militer pour les faire basculer de droite à gauche ou gauche à droite, ce sont elles qui vous tiennent, interchangeablement ! Macron, président de la loi sur la fin de vie spécialisé dans l’acharnement thérapeutique du patriotisme français… On aura décidément tout vu du « en même temps », ce double farcesque de la fameuse synthèse hégélienne que certains attendaient… De la start-up nation déconstruite en petits morceaux au retour en grande pompe du patrouillotisme ! Du bleu-blanc-rouge des couilles présidentielles un lendemain de soirée à l’Élysée au fanion guerrier dressé à l’est, en direction du Kremlin… Que de chemin parcouru depuis 2017 ! C’était pas si faux la France « En Marche » finalement comme slogan… On ne vous avait pas menti pour une fois ! Juste omis de préciser qu’elle était simplement en marche « vers sa propre fin », et au pas militaire avec ça…

Et puis c’est normal après tout, qu’au moment de sa propre mort, la France revoit défiler sa vie en accéléré… N’a-t-elle pas déjà reconstruit – et en cinq ans s’il vous plaît ! – une cathédrale flambant neuve pour ses chers touristes olympiques ; et rejouer, dans le même temps, pour se donner quelques derniers frissons d’angoisse, un petit simulacre de peste noire avec ses confinements et l’extraordinaire panique covidienne – cette autre guerre ? Ne restait plus en somme qu’à mener une petite guerre d’opérette, en bonne et due forme – celle-là ! – pour déclarer enfin à la France, une mort bien officielle… Une guerre, après tout, c’est toujours une manière d’habiller comme il faut un désastre inéluctable. Ça donne même l’occasion à François Bayrou d’ouvrir sa bouche encore plus niaisement que d’habitude ; alors – forcément, – dans ces cas-là, c’est un « discours historique » qui voit le jour pour les journalistes du Point… Ça doit être la citation de Shakespeare… Un petit « toubi or not toubi », même avec l’accent de Jean-Michel Aphatie, ça fait toujours son effet sur des cultureux semi-débiles de centre-droit… Et puis encore le coup du « grand basculement du monde » avec ça – et bien ficelé, pour la millième fois ! – quand la France n’est plus qu’une petite balançoire mal fréquentée à la périphérie du globe… Mais non, François, c’est « To die or not to die » désormais, c’est ça la grande question shakespearienne du moment ! Comment c’est possible d’être aussi con et ne rien comprendre à ce point-là, à la fin ? De toute façon, étant donné qu’on est tous déjà mort, « To die or not to die » ça te laisse assez peu de marge de manœuvre politique en perspective…

Le « Voyage »… bien sûr

Finalement, c’est pas si mal comme idée, après tout, un kit de survie envoyé à chaque Français… Même si c’est vrai que j’aurais plutôt vu un avis de décès à la place… C’aurait été moins faux-cul selon moi. Qu’est-ce que vous allez bien pouvoir leur envoyer aux Français, pour leur survie ? Du PQ et des pâtes ? Bonjour les frais de port… C’est la banqueroute assurée à tous les coups ! Sans parler des ruptures de stock à prévoir… Il va leur en falloir du PQ et des pâtes aux Français jusqu’à la fin des temps… Tant qu’on y est, et puisqu’on est plus à quelques euros et un modèle social près, glissez-leur au passage un exemplaire du Voyage au bout de la nuit aux Français… Avant qu’ils ne sachent plus lire du tout… Ça leur permettra toujours de mourir un peu moins cons le jour venu !

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