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Russie-Ukraine : splendeur et misère du Grand Jeu (2/2)

La Sainte Russie contre l’Occident décadent, l’Occident libre contre la Russie autoritaire, les héros résistants contre les salauds envahisseurs, les libérateurs russes contre les nazis ukrainiens… La guerre en Ukraine est saturée, de part et d’autre, par les discours visant à donner un sens idéologique et symbolique à ce conflit, au risque d’imposer une lecture binaire simpliste. Or, le conflit ukrainien, il ne faut pas l’oublier, revêt avant tout une dimension géopolitique, au sens fort du terme, c’est-à-dire géographique. Si chacune des deux parties tend en effet à présenter ce conflit comme une supposée croisade contre un ennemi forcément mauvais, une lecture résolument géostratégique s’impose, car, après tout, si la géographie ne sert pas qu’à faire la guerre, elle aide sans doute à la gagner ou du moins à la comprendre. De fait, l’enjeu de la guerre en Ukraine est moins l’affaire de quelques nazis, que l’on chercherait tantôt chez Azov tantôt chez Wagner, qu’un affrontement entre deux blocs géopolitiques. Cette guerre est la traduction opérationnelle du Grand Jeu. Voici revenu en effet le temps des empires. Une analyse exhaustive d’Oswald Turner, nouveau venu dans la rédaction d’Éléments. Qui a dit que notre magazine était exclusivement porté à défendre la Russie ? Seconde partie.

On peut se demander si la vision d’une Ukraine équilibrée entre deux mondes est fondée. N’est-elle pas condamnée, faute d’être suffisamment puissante et vaste, à être étouffée ou brinqueballée entre le rivage euro-atlantique et l’hinterland eurasiatique ? La « finlandisation » de l’Ukraine relève de la gageure, car le pays penchera toujours plus d’un côté que l’autre.

Toujours est-il que la Russie, elle, n’a pas d’autre choix que de se penser comme un acteur eurasiatique, à la lisière de deux blocs, l’occidental et le chinois. Un choix pragmatique et même nécessaire au regard des dimensions gigantesques du pays qui l’obligent à se soucier des glaces arctiques, des montagnes caucasiennes, des steppes centre-asiatiques et de la profondeur sibérienne et mongole. Mais la Russie aura-t-elle les moyens de garder son empire intact ? Les discours ou les analyses évoquant un « démembrement » de la Russie illustrent ce souhait d’un éclatement russe qui reste pour l’heure un vœu pieux, et c’est sans doute heureux, car les empires se cachant rarement pour mourir, et leur agonie étant souvent bruyante, une telle perspective n’aurait rien de séduisant pour l’Europe. Les ambiguïtés de Viktor Orbán sur le dossier ukrainien ou encore la volonté d’Emmanuel Macron de ne pas « humilier la Russie » doivent ainsi être replacées dans cette perspective. Qu’elle soit blanche ou rouge, alliée ou hostile, puissante ou faible, la Russie reste dans l’architecture géostratégique européenne un acteur clef, a fortiori avec près de 6 000 ogives nucléaires… La géopolitique des États reste avant tout liée à leur géographie, ne l’oublions jamais. Avec la guerre en Ukraine, la Russie s’est imposée comme une puissance disruptive dans l’ordre géopolitique européen. Elle a réintroduit le rapport de puissance et la conquête territoriale dans une Europe globalement stabilisée depuis 1945 et surtout 1991.

Vae victis

Finalement, l’aspect le plus inquiétant de cette guerre – mais c’est probablement là un aspect commun à presque toutes les guerres – est l’impossibilité pour les deux parties de perdre. Il y a d’abord les centaines de milliers de tués et de blessés. Il serait inconvenable de part et d’autre de croire que le sacrifice de tous ces soldats ait été vain. Ensuite, la Russie ne peut plus se permettre de perdre. Une défaite entraînerait vraisemblablement une intégration, au moins à moyen terme, de l’Ukraine à l’OTAN. Le pari stratégique de Poutine aurait alors tourné au fiasco. L’étranger proche russe serait enfoncé. La « démilitarisation » aurait produit les effets tout à fait inverses avec une Ukraine désormais surarmée. La Russie perdrait une cruciale partie du Grand Jeu, d’autant que d’autres endroits de son étranger proche sont instables, en particulier la zone arméno-azerbaïdjanaise. Quant à l’Ukraine, une défaite aboutirait au mieux à une amputation, au pire à une décapitation. Cette guerre semble confirmer le vieil adage : « Vae victis ! ». Pour l’heure, nous ne pouvons que nous demander comment une paix territoriale pourrait germer et prospérer entre les deux pays. Que les tragiques leçons de la sévérité des traités de Versailles (1919) et de Trianon (1920) et de la lâcheté des accords de Munich (1938) soient en tout cas sagement méditées.

Les Américains, enfin, ne cessent de revendiquer et de renforcer leur soutien moral, financier et militaire à l’Ukraine. Ils déroulent avec assurance leur jeu. Ils ont le matériel, l’argent et plus encore la volonté pour jouer sur le grand échiquier. Le tout est consolidé et encadré par une vision géopolitique claire et élaborée. Depuis 2014, l’armée ukrainienne est ainsi soutenue par les États-Unis qui ont contribué à son impressionnante montée en puissance. De fait, la fragile et post-soviétique armée ukrainienne de 2014 est devenue au fil des aides et du temps une armée plus moderne, s’alignant progressivement sur les critères occidentaux et les normes OTAN. L’armée ukrainienne fait office de « proxy » idéal pour l’armée américaine. À coup de milliards de dollars, Washington peut compter sur une armée disposée à se battre jusqu’au bout, à la différence de l’expérience tragi-comique de l’armée afghane en 2021. Dans l’immédiat, toute reculade américaine serait perçue comme un renoncement et enverrait un signal inquiétant aux alliés européens et asiatiques. Or, pour une Amérique gendarme du monde, un tel retrait pourrait favoriser les appétits des puissances montantes, à commencer par la Chine. Il est à craindre que le conflit s’installe dans la durée. Le Grand Jeu est une affaire de temps. Sur l’échiquier international, le sablier est indiscutablement maître du jeu.

L’Europe : réveil ou impuissance ?

Et l’Europe dans tout cela ? Force est d’admettre l’ambivalence du rôle européen dans cette guerre. D’abord, les Européens, y compris d’ailleurs les Ukrainiens eux-mêmes, ne croyaient pas au conflit. Les mises en garde américaines furent ainsi accueillies avec scepticisme, le précédent de 2003 ayant sans doute joué. Poutine, pensait-on, ne serait pas aussi fou pour attaquer.

Et puis, il y a ces fameuses sanctions européennes contre la Russie qui laissent un goût amer. D’une part, leurs effets sont moins violents que prévu et surtout moins visibles : si des secteurs russes ont été très touchés, notamment l’automobile, la communication russe, à grands coups de rayons de supermarchés remplis – symbole moderne d’abondance et de prospérité –, est parvenue à semer le doute dans les opinions européennes et à garder la face. D’autre part, l’Europe, en sanctionnant la Russie, vise un marché économique et énergétique qui lui était pourtant précieux et même profitable. À cela, il convient d’ajouter les gesticulations diplomatiques pour remplacer le gaz russe par d’autres fournisseurs. Le Qatar et l’Azerbaïdjan se sont imposés comme une alternative énergétique importante, quitte à s’asseoir sur les droits de l’homme dont l’Europe ne cesse pourtant de se faire l’inénarrable avocate. Une hypocrisie teintée d’une forme d’amateurisme qui risque de souligner moins les convictions idéologiques de l’Europe que sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur et sa capacité à renier ses « valeurs » dès lors que ses intérêts vitaux l’imposent. Sur ce très épineux dossier énergétique, l’Europe aura finalement montré qu’elle était capable de faire preuve d’un nécessaire cynisme au mépris de son idéalisme souvent béat et hors-sol. Un bien pour un mal ? Lâcheté ou pragmatisme ? Question de point de vue.

L’Europe jardin dans un monde jungle

Plus inquiétant, l’Europe apparaît en retrait par rapport aux États-Unis qui, en qualité de première puissance mondiale, sont à même de s’engager puissamment face à la Russie. Le Vieux Continent est contraint de suivre cette dynamique américaine. Même la Pologne, très proactive dans le conflit, n’en reste pas moins tributaire des décisions venant des États-Unis. La bonne volonté de certains Européens doit nécessairement composer avec celle des Américains qui, ne nous faisons pas d’illusions, pensent d’abord à leurs intérêts, ce qui est parfaitement légitime pour une grande puissance. En vérité, l’ennui ne vient pas tant du jeu stratégique redoutable mené par les Américains que de… l’absence de jeu de la part des Européens. L’Europe apparaît coincée entre le coup de poker russe et le jeu d’échecs américain. Elle ne peut ni infléchir Poutine ni contredire Biden.

Coincée, l’Europe l’est aussi au sens figuré du terme. Il aura fallu attendre ce conflit pour qu’enfin les chancelleries européennes redécouvrent la guerre et ses réalités. À force de côtoyer la douceur de Vénus, les Européens en ont oublié la fureur de Mars. Ce n’est pourtant pas faute pour certains états-majors, surtout français, d’avoir alerté les décideurs politiques sur le retour de la « haute intensité » et donc sur l’impérieuse nécessité de réévaluer à la hausse les budgets militaires. Avec la crise sanitaire, l’Europe a pris conscience de la fragilité de ses services de santé et de sa dépendance au reste du monde dans la quasi-totalité des domaines (électronique, médicaments, etc.). Avec la guerre en Ukraine, elle vient de découvrir que l’époque où les dividendes de la paix justifiaient un relâchement militaire est révolue.

Le jardin européen – pour reprendre une belle expression de Josep Borell – découvre donc que la jungle qui l’entoure est non seulement étrangère et hostile, mais aussi expansionniste. Dans le doux jardin européen, où les roses n’ont même plus de pointe, voici que des lianes étrangères s’imposent en franchissant ses frêles murets. Le temps des naïvetés est terminé, le « temps des prédateurs » (François Heisbourg) s’est imposé.

Le parapluie n’est pas un paratonnerre

Certes, l’Europe, au vu de l’état de préparation de ses armées, peut se consoler d’être protégée par l’OTAN. L’Europe de la défense n’étant pour l’heure qu’un serpent de mer, les Européens se satisfont de la présence américaine en Europe, d’autant plus qu’elle leur permet de limiter leurs propres dépenses militaires. Le parapluie américain s’avère commode, puisque les Européens n’ont quasiment pas à en assumer le poids financier et militaire. Mais cela n’en reste pas moins problématique, car tant que les Européens ne tiendront pas en personne leur parapluie, celui-ci sera toujours soumis à la volonté du porteur. Or, l’Oncle Sam pourrait se lasser ou se fâcher, comme ce fut le cas sous Barack Obama avec l’amorce d’un pivot asiatique ou bien sous Donald Trump avec un vigoureux rappel à l’ordre envers des Européens intimés de rehausser leurs dépenses militaires à hauteur de 2 % de leur PIB respectif.

Du reste, rien ne garantit vraiment qu’en cas d’averse violente, par exemple une frappe nucléaire, le parapluie américain s’ouvrira pour les Européens. Les Américains ne se mouilleront sans doute pas complètement pour l’Europe, au risque d’être eux-mêmes trempés. Enfin, en cas de tempête mondiale, les Américains pourront-ils vraiment s’occuper à la fois du typhon asiatique et de l’ouragan atlantique ? L’incertitude de la réponse impose un nécessaire sursaut européen vers, au moins, une plus grande autonomie, au mieux, une indépendance militaire et stratégique. Voilà assurément l’un des grands défis du XXIe siècle européen. Les discours sur le réveil de l’Europe, volontiers laudateurs et consolants, ne doivent donc pas faire illusion sur l’état réel du Vieux Continent. Coincée entre les États-Unis et la Chine, l’Union européenne doit aller plus loin dans son affirmation si elle veut réellement peser dans le monde. Les communiqués et les bonnes intentions de Bruxelles ou des chancelleries européennes ne suffiront pas.

Sur terre, sur mer, mais aussi sous la mer

Le sabotage de Nord Stream 2, événement marquant de cette guerre en Ukraine, illustre d’ailleurs toute l’impuissance de l’Europe. L’impossibilité, au moins officiellement, de désigner un responsable est en réalité moins inquiétante que l’acte lui-même. Au fond, qu’il soit l’œuvre des Russes (ce qui serait pour le moins surprenant) ou plus vraisemblablement des Américains (ou d’un groupe pro-ukrainien, selon des sources américaines), qu’importe. Ce sabotage est un coup sérieux infligé à l’Europe. Une infrastructure critique a été touchée et neutralisée. Voilà qui devrait rappeler, s’il le fallait, que les profondeurs sous-marines sont et seront des espaces de conflictualité, songeons notamment aux très indispensables câbles sous-marins. Il serait bon que les Européens ne négligent pas la Mer comme espace géostratégique, eux qui en furent les maîtres pendant plusieurs siècles. Que l’Europe retrouve ainsi l’esprit de Magellan. À notre époque hypermondialisée, le Grand Jeu terrestre se joue aussi dans le Grand bleu océanique.

Un dernier aspect à prendre en compte dans l’analyse de cette guerre ukrainienne, le plus important sans doute, est le signal envoyé par la Russie. En attaquant un pays européen, candidat à l’entrée dans l’UE et dans l’OTAN, a-t-elle ouvert une boîte de pandore ? Après la Russie, faut-il craindre le passage à l’acte de la Chine ou de la Turquie, par exemple ? S’il fallait au fond trouver une raison légitime pour l’Europe de s’engager, indirectement au moins, dans ce conflit, ce serait bien celle-ci. Une absence de réaction risquerait bien d’envoyer un déplorable et dangereux signal de faiblesse et de passivité. Or, il faut rappeler qu’aux yeux de nombreux pays non européens, l’Europe est une puissance déclinante, voire décadente, ce qui peut justifier, a fortiori au regard du passif colonial et impérial, une attitude revancharde et hostile. En cela, il faut prendre très au sérieux l’attaque russe en Ukraine. Elle pourrait bien annoncer une offensive, pas nécessairement militaire d’ailleurs, contre l’Europe. Le sort de la pauvre Ukraine illustre finalement l’impuissance d’une Europe qui subit bien plus qu’elle n’impose.

« L’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau »

Assurément, il existe des puissances que l’on pourrait qualifier de révisionnistes, en ce sens qu’elles aspirent à un nouvel ordre international dégagé des aspirations hégémoniques occidentales. En d’autres termes, elles souhaitent désoccidentaliser le monde, provincialiser l’Occident. Or, si un affaiblissement de l’hégémonie américaine et une plus grande multipolarité sont parfaitement souhaitables et même absolument nécessaires pour l’Europe, il ne faudrait pas non plus que le continent européen soit la victime collatérale, voire directe, des prétentions anti-occidentales des puissances émergentes. Dit autrement, il ne faudrait pas que faute de pouvoir s’attaquer frontalement aux États-Unis, des puissances étrangères s’attaquent à l’Europe, perçue comme le ventre mou du monde occidental. Pour l’Europe, la marge de manœuvre est donc formidablement complexe et réduite. Dans un contexte de rivalité systémique sino-américaine, il lui faut en particulier ménager la chèvre américaine et le chou chinois. Il lui faut s’émanciper des États-Unis tout en veillant à ne pas être dévorée par les nouvelles puissances montantes. La voie de l’équilibre, qui n’est possible que sous réserve de puissance, apparaît comme une évidence pour une Europe à même de proposer au monde un ordre multipolaire et donc la capacité à ne pas s’aligner systématiquement sur l’un des deux blocs. La guerre en Ukraine a d’ailleurs démontré l’aspiration au non-alignement chez les puissances émergentes et les pays africains.

Il importe donc de rappeler que si penser l’Europe-puissance est une chose, la faire en est une autre. Quoi qu’on en dise, c’est là l’unique solution satisfaisante pour peser dans le monde. Quelle que soit, au fond, la forme que prendrait l’Europe, le refus de toute idée de puissance rendrait de facto cette Europe inopérante. La respectabilité du Vieux Continent ne peut pas uniquement passer par des valeurs abstraites, a fortiori lorsqu’elles sont universalistes et impersonnelles, et qui plus est appliquées avec ambivalence et hypocrisie selon les intérêts et à la tête du client. Face à la Russie, la Turquie, la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Brésil et bien autres, l’Europe doit s’armer, au sens propre comme figuré, pour faire face à la réalité d’un monde qu’elle ne contrôle plus et qui ne lui veut pas toujours, voire rarement du bien. L’avenir dira si le conflit ukrainien fut l’amorce d’un projet européen enfin ambitieux ou s’il ne déboucha sur rien d’autre qu’un vif mais éphémère frémissement. La guerre en Ukraine ne doit pas être pour l’Europe le prétexte à un renfermement mortifère sur elle-même. Le Vieux Continent ne peut pas se résoudre à n’être qu’un petit Finistère marginalisé. Il lui faut penser à la fois la Terre et la Mer, a fortiori dans ce contexte de rivalité sino-américaine de plus en plus forte.

Avec cette guerre, l’Europe s’est certainement réveillée. Mais s’est-elle levée ? En ces temps troublés, la grasse matinée n’est pas une bonne idée. Que l’Europe se lève donc promptement, car pendant qu’elle sommeille dans son lit douillet, le monde, lui, s’active. Que l’Europe se lève, et du bon pied de préférence ! Mais quand l’Europe se relèvera, le monde tremblera-t-il ? Ce qui est certain, en tout cas, c’est que si l’Europe ne se réveille pas, son lit deviendra son cercueil. Mais Nietzsche nous l’avait dit, « l’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau ». Tâchons d’y voir un signe d’optimisme en ces temps pessimistes. Faisons, en conclusion, le vœu que l’Europe ressorte et dépoussière ses pions, car sur l’échiquier international, le Grand Jeu s’active déjà ! Pour la survie de notre continent, l’échec et mat ne peut être que proscrit.

Une réponse

  1. La lecture de cette seconde parti confirme les remarques faites précédemment. Avec une semblable densité des passages sujets à rectifications. Pour faire court, en voici quelques uns, tel : « …les Ukrainiens eux-mêmes ne croyaient pas au conflit ». Après que Porochenko, président à l’époque, a révélé que les accords de Minsk n’avaient été signés que pour préparer l’armée à reconquérir le Donbass et la Crimée et que Zélinsky ait donné début 2021 l’ordre à son état-major de préparer une offensive à laquelle la Russie ne pouvait pas ne pas répondre. Quel crédit accorder à cet auteur quand il affirme, parlant du sabotage des gazoducs de la Baltique, « …qu’il soit l’œuvre des Russes (…) ou plus vraisemblablement des Américains (…) qu’importe… ». Car quel sens donner au lourd silence de la principale victime (l’Allemagne) de cet acte de terrorisme international (dixit Bruxelles) et le secret tenu sur les résultats des enquêtes menées par les seuls états occidentaux (excluant le propriétaire du bien détruit, une grande première) sinon une reconnaissance implicite que le criminel se trouve parmi les Occidentaux? Un silence qui avoue la vassalité. Mais c’est le vocabulaire qui donne à voir le parti pris de l’auteur. En effet, qualifier les états vassaux d’Europe (et d’Asie) d’états « alliés », désigner les USA comme « gendarme du monde » quand ils ne cessent de fouler aux pieds la Charte de l’ONU pour imposer un « ordre suivant les règles » qu’ils créent au besoin, ne fait que reprendre la terminologie trompeuse du narratif occidental. Au détour d’une phrase (« l’Europe apparaît coincée entre le coup de poker russe et le jeu d’échecs américain [une comique et ahurissante inversion des habitus culturels]. Elle ne peut ni INFLECHIR Poutine, ni CONTREDIRE Biden ») apparaît cependant une lumière crue sur l’état de l’Europe : impuissante et soumise. Un constat retrouvé avec le bref aveu de lucidité : « Il lui faut [l’Europe] s’émanciper des Etats-Unis ». Le XXème siècle a transformé les états européens en pions de l’Oncle Sam. Le salut ne semble pas pouvoir être espéré hors la victoire russe sur l’OTAN.

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