Le magazine des idées
Richard Millet pour son livre Paris bas-ventre aux éditions La Nouvelle Librairie

Richard Millet devant les cochons, chronique de la guerre civile

Dix ans de proscription, dix ans à ne pas se soumettre face aux oukases, à continuer de dénoncer l’antiracisme face aux censeurs, c’est ce que relatent les textes réunis en cette Chronique de la guerre civile en France. Styliste hors pair, écrivain engagé, Millet raconte sans le moindre filtre les épisodes de la guerre culturelle sans merci menée contre la langue et l’identité française.

ÉLÉMENTS : Vous avez écrit un Éloge littéraire d’Anders Breivik, que peu de critiques ont pris la peine de lire. Dresseriez-vous les mêmes constats aujourd’hui sur un Brenton Tarrant, nouvel épouvantail de l’antiracisme militant ?

RICHARD MILLET. Brenton Tarrant : un Breivik de l’autre hémisphère. Je n’aime pas les tueurs, quels qu’ils soient, bolcheviks, nazis, Khmers rouges, islamistes, Tchétchènes, etc. Breivik et Tarrant sont des terroristes solitaires : ils se trompent sur les moyens d’action ; il ne s’agit pas là d’un combat à armes égales, mais de crimes : les civils, quels qu’ils soient, ne combattent pas, même dans une mosquée où se fomente la haine de l’Occident : en discuter serait de la casuistique terroriste… Ce que j’avais écrit à propos de Breivik, je le dirai donc de Tarrant. Leurs textes et déclarations sont intellectuellement trop faibles pour que leurs auteurs ne débouchent pas sur le meurtre. Les tueries de masse « politiques » sont le revers de celles dont les États-Unis donnent un exemple quasi quotidien, et qui relèvent de la faillite psychologique et morale d’une civilisation exsangue, dont l’Europe ou les pays périphériques de l’Imperium américain font aussi les frais… Reste ce dont ces tueries politiques sont le symptôme, et qui n’est bien sûr pas pris en compte : la destruction de l’Europe par, entre autres choses, l’immigration de masse extra-européenne, notamment musulmane…On (i.e. le gauchisme culturel qui régit la vie intellectuelle française et européenne) agitera le chiffon rouge de l’« extrême droite » afin de ne pas penser la question ; de la même façon qu’on honnit le « Grand Remplacement » comme « complotiste » pour ne pas voir les dangereuses métamorphoses ethniques d’un pays que j’hésite à dire encore nôtre. Mieux vaudrait s’en prendre aux organes du vrai pouvoir : CNN, New York Times, l’« information » propagande, la sous-culture yankee, les milliardaires qui dirigent le monde… Voir brûler la tour de TF1 ou l’immeuble du Monde, vidés de leur valetaille, serait un spectacle admirable, voire divin. Le Bloy qui a écrit sur l’incendie du Bazar de la Charité ne me contredirait pas.

ÉLÉMENTS : On assiste aujourd’hui à la mort programmée d’une certaine tradition littéraire française, dont vous êtes l’un des héritiers. Malgré tout, y a-t-il pour vous encore des plumes de talent qui s’attachent à en porter le flambeau ?

RICHARD MILLET. La culture française, aujourd’hui, c’est celle prônée, grosso modo, par les « instance culturelles » de l’Union européenne, et fortement subventionnée (cinéma, art contemporain, littérature, musique pop, etc.). La France qui, plus que tout autre pays, s’était constituée en nation littéraire, est évidemment moribonde, sur ce plan-là. Regardez l’hystérie autour de Houellebecq, qui n’est quand même pas un immense écrivain, et qui survivra surtout pour quelques poèmes et certains articles : voilà l’« écrivain français le plus traduit dans le monde », avec Guillaume Musso et Marc Lévy, et le dramaturge Zeller. De la littérature éminemment oubliable, n’est-ce pas… Quelle relève ? Aucune, je le crains ; ou il est trop tôt pour le dire. Personne en tout cas, autour de moi, ne saurait me recommander un roman français inaugurant une œuvre qui comptera. Il est même possible que le concept d’œuvre disparaisse au profit de romans dont l’auteur importe peu, du moment que le livre ne contrevient aux diktats du politiquement correct et qu’il est susceptible d’être adapté à l’écran. On est entré dans une ère sans héritage, ni héritiers.

ÉLÉMENTS : Dans l’un de vos textes vous constatez la promotion, par idéologie antiraciste, d’auteurs non-blancs issus de la « francophonie littéraire » tous plus nuls les uns que les autres. Que pensez-vous du fétichisme d’une certaine gauche pour Édouard Glissant et son concept de « créolisation » que l’on nous ressert à toutes les sauces ?

RICHARD MILLET. La majeure partie de la production dite « francophone » (qui désigne étrangement tout ce qui n’est pas hexagonal, voire blanc) est elle aussi médiocre. On n’est plus à l’époque de la négritude (Senghor, Césaire, grands poètes), ni même de certains écrivains haïtiens comme Jacques Stephen Alexis, Jacques Roumain, René Depestre, des Algériens Kateb Yacine et Rabah Belamri, des Libanais Georges Shehadé, Nadia Tuéni, Salah Stetié, d’Edmond Jabès, Juif d’origine égyptienne… La production actuelle n’est qu’une imitation, à la sauce exotico-woke, de la médiocrité française : le Congolais Mabanckou est moins un écrivain qu’un idéologue de gauche (pardon pour le pléonasme) et un domestique du pouvoir blanc qu’il honnit tout en s’en laissant subventionner, tout comme Ben Jelloun, bien-pensante baudruche de la « francophonie » officielle, laquelle est une vache à lait notoire : si vous venez de la zone « francophone », si possible arabe ou africaine, vous êtes sûr d’être publié, d’avoir des prix littéraires, des résidences d’écrivain, etc. Glissant est à part, comme tous les Antillais : bon poète (quoique jamais vraiment délivré de l’influence de Saint-John Perse), son concept de « créolisation » est en soi l’actualisation de ce qui, du point de vue évolutionniste a lieu, en toute langue comme réceptacle d’influences étrangères. Glissant s’opposait surtout à la domination de l’anglo-américain mondialiste, qui pervertit toutes les langues, y compris l’anglais. Je partage ce point de vue. Que la gauche en fasse un synonyme de « métissage culturel » et que celui-ci soit le cache-sexe du métissage racial, on voit bien la pente idéologique.

ÉLÉMENTS : Peut-on considérer la cabale responsable de votre exclusion du monde des lettres en 2012 comme annonciatrice d’une cancel culture aujourd’hui généralisée ?

RICHARD MILLET. Mon affaire, comme celle de Renaud Camus, celle de l’historien Sylvain Gouguenheim, dans une moindre mesure Marcel Gauchet, ou, dans un autre domaine, l’affaire Matzneff, relève, oui, du woke avant l’heure, et qu’on appelait le « politiquement correct », souvent sans voir, l’expression étant galvaudée, quel appareil idéologique d’État se mettait là en place, et qui crée une situation de guerre civile larvée dont on enregistre chaque jour les escarmouches. On voue aux gémonies des écrivains qui émettent des doutes sur le rôle prétendu « positif » de l’immigration de masse, ou sur le rôle moindre des Arabes dans la transmission d’Aristote, ou qui ne se pâment pas devant les déviances et aberrations sexuelles du gender. Pour ce qui me concerne, le présent livre suggère, à travers les textes rassemblés sur une décennie, que mon cas tient non seulement au fait que j’ai posé l’articulation entre la médiocrité littéraire et la positivité du discours officiel sur l’immigration, notamment via la décomposition de l’Éducation nationale, mais aussi au fait que j’ai montré que cette médiocrité était voulue, qu’elle relevait de la propagande : c’est surtout ça qu’on ne m’a pas pardonné, et la raison pour laquelle on a demandé, en 2012, à 121 écrivains ou écrivaillons de signer une liste qui revenait à m’exclure du milieu. Ernaux avait, en première page du Monde, lancé un contrat sur ma tête : il a été exécuté, au nom de la « liberté d’expression », de la « tolérance », dans le « pays des droits de l’homme ».

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