Le magazine des idées
Livres de Renaud Camus

Renaud Camus, arbitre de la campagne présidentielle

Il y avait « Les Possédés » de Dostoïevski, peut-être y aura-t-il à l’avenir « Les Dépossédés » de Renaud Camus qui fait paraître aux éditions de la Nouvelle Librairie une somme qui devrait faire date : « La Dépossession ou du Remplacisme global ». La dépossession, c’est le régime moteur du Grand Remplacement. À l’heure où cette problématique brûlante s’est invitée dans la campagne présidentielle, sous la houlette d’Éric Zemmour, il est grand temps de lire celui qui en a forgé l’expression et décrit les mécanismes. La chronique de François Bousquet sur les ondes de Radio Courtoisie.

Ce matin, je vais vous parler d’un auteur de la Nouvelle Librairie, j’en suis un peu confus, mais à ma décharge j’ai une excuse : c’est une exclusivité que je réserve aux auditeurs de Radio Courtoisie. Une sorte d’avant-première en somme. Aujourd’hui paraît un livre qui devrait faire date : La Dépossession. Son auteur ? Renaud Camus. Vous avez remarqué combien il n’est question que de lui depuis que la campagne présidentielle a commencé, ou plutôt du syntagme qu’il a forgé : le Grand Remplacement, et qui est en train de s’imposer comme un chrononyme. C’est quoi, un chrononyme ? Eh bien, le Grand Siècle, les Années folles, la Grande Dépression, la Belle Époque sont des chrononymes. Être un chrononyme, c’est appartenir à un club très fermé. Il n’y en a guère qu’une poignée par siècle. À eux seuls, ils résument une époque donnée. C’est le cas du Grand Remplacement, même s’il est interdit d’en faire état. Il est pourtant sur toutes les bouches depuis six mois, mais chut, c’est une théorie complotiste d’extrême droite, néo-fasciste ou rétro-nazie, Wikipédia n’est pas très clair sur le sujet. Dans tous les cas, on en frémit d’avance. Pourtant, 67 % des Français s’en inquiètent, selon un sondage Harris Interactive pour le magazine Challenges. 67 %, ça fait un paquet de complotistes, de nazis putatifs et d’amateurs de films d’épouvante.

Le complot contre le Grand Remplacement

C’est étonnant comme cette théorie du complot fonctionne elle-même comme un complot, puisqu’elle postule qu’il y aurait un complot des complotistes – contre le Système, contre le cercle de la raison, contre la rationalité, contre la vérité. Or, la vérité, c’est précisément ce que le Système a congédiée en nous expliquant qu’il n’y a pas de Grand Remplacement.

Le Grand Remplacement, c’est un peu comme le chômage dans feu l’Empire soviétique ou la violence dans la France orange mécanique : un phénomène marginal que le cerveau archaïque, vénéneux, reptilien, des Français a tendance à grossir démesurément. Un fantasme brandi par une armée de tarés et de ratés qui s’agitent dans la mythosphère et la complosphère ! Voyez les chiffres…

C’est que les démographes ont un truc, un peu comme les magiciens et les escamoteurs d’autrefois. Ils font disparaître les immigrés extra-européens de leurs banques de données. Partant du principe alternatif que la démographie c’est de l’approximographie, les ronds-de-cuir de l’Insee et de l’Ined – tous enfants d’Hervé Le Bras, le vénérable Trofim Lyssenko des études démographiques – vous disent que le nombre d’immigrés se stabilise en France, voire qu’il baisse. Ah bon ! Apparemment, on ne vit pas dans le même pays. À l’heure où l’antiracisme s’est fait religion d’État, Tartuffe est devenu démographe, statisticien, journaliste. Couvrez donc ces gentils migrants qu’on ne saurait voir, cela fait venir de coupables pensées aux électeurs d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen. Le héros de Molière a donc inventé le blanchiment statistique, la purification comptable et la complotisation de son adversaire. Circulez, y’a rien à voir ? Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, qui veut camoufler la vérité l’accuse de complotisme !

La dépossession de la dépossession

Mais le Grand Remplacement, c’est d’abord un livre. Tout le monde le cite – en se pinçant le nez, pour les plus délicats – mais peu l’ont lu. C’est pourtant la première chose à faire. Et vous verrez que ce n’est pas seulement une oraison funèbre, un peu comme celles que prononçait Bossuet, mais que c’est aussi un sermon et une exhortation. Que son auteur soit de surcroît un des plus grands écrivains français vivants lui confère une beauté sombre, terrible, irrésistible. Vous verrez aussi que le Grand Remplacement, ce n’est pas seulement le remplacement de Pierre, Paul, Jacques et Micheline par Yanis, Mamadou et Moussa ; c’est aussi le remplacement de l’homme par la femme ou de la femme par l’homme, de l’homme par son smartphone, de l’âme par la machine, de l’être par l’avoir, du vivant par le synthétique, du Beau par l’affreux, etc., etc. Jusqu’à la Terre, frappée de péremption et que l’ingénierie spatiale est censée remplacer dans le futur. C’est ce que Renaud Camus appelle le « remplacisme global ». Or, il nous manquait jusqu’à présent une théorie du remplacisme global. Camus vient d’en rédiger les premières pages. Il l’a appelée La Dépossession, titre de son dernier livre, en librairie aujourd’hui. Qu’est-ce que la dépossession ? Eh bien, c’est l’expropriation de l’homme enraciné par son double déraciné. Ce qu’indique d’emblée le préfixe privatif. Dans le monde qui vient, tout ce qui indique une relation d’appartenance sera supprimé. C’est la marque adjectivale et pronominale du possessif qui est donc écartée. Il n’y aura plus de mien, plus de tien, plus de nous, rien qu’un magma indifférencié, une sorte de soupe primitive ou ultime : la créolisation, comme dirait Jean-Luc Mélenchon. Rien n’échappera à son emprise. Cette dynamique de la dépossession nous laisse pareils à ces planètes orphelines, privées d’étoile mère, qui dérivent dans le vide. Ci-gît l’homme, prolétaire absolu – dépossédé de son nom, de sa lignée, de son héritage, de sa langue, de sa culture, de ses fidélités. Ainsi procède le remplacisme global, par ablation et par substitution. Jusqu’à la douleur, jusqu’au deuil, qui nous est enlevé car il rendrait cette dépossession insupportable. Une dépossession de la dépossession en somme, sous anesthésie générale, dont l’expérience nous est refusée. Face à cela, la lecture de La Dépossession s’impose. Renaud Camus, c’est notre salle de réveil, comme on dirait dans les services d’anesthésie et de réanimation. Debout les morts, vous êtes encore vivants !

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Actuellement en kiosque – N°207 avril-mai

Revue Éléments

Découvrez nos formules d’abonnement

• 2 ans • 12 N° • 79€
• 1 an • 6 N° • 42€
• Durée libre • 6,90€ /2 mois
• Soutien • 12 N° •150€

Dernières parutions - Nouvelle école et Krisis

Prochains événements

Pas de nouveaux événements
Newsletter Éléments