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Qu’est-ce que Le Nid, l’incubateur des projets enracinés ?

Qu’est-ce que Le Nid, l’incubateur des projets enracinés ?

Nous nous trouvons aujourd’hui face au constat indéniable d’un monde du travail de plus en plus bureaucratique, libéralisé et aliénant qui ne laisse que peu de place pour les considérations éthiques. Comment vivre en accord avec nos valeurs tout en faisant face aux nécessités économiques du monde actuel ? C’est pour répondre à cette interrogation que nous nous entretenons avec Gauthier Brioude, président du Nid, incubateur de projets enracinés et promoteur de l’entrepreneuriat comme moyen d'action métapolitique.

ÉLÉMENTS : Pouvez-vous nous présenter de manière succincte le Nid et ses missions ?

GAUTHIER BRIOUDE. Le Nid est un incubateur, ce qui signifie que nous accompagnons les créateurs d’entreprises vers leur réussite. Mais pas n’importe quel incubateur, celui des projets enracinés au service de notre Bien commun. Or, comme le rappelle l’économiste Guillaume Travers, « un Bien commun est toujours concret, propre à une communauté particulière, et donc enraciné. C’est un milieu naturel à préserver, un mode de vie à transmettre, des intérêts stratégiques à sauvegarder. »

Notre pari est de créer un écosystème d’entreprises enracinées en les accompagnant vers leur réussite pour contribuer à construire l’économie de demain. Comme les incubateurs les plus classiques, nous sélectionnons des porteurs de projets et les accompagnons dans le développement de leur ambition, qu’elle soit à visée entrepreneuriale ou associative. Concrètement, Le Nid structure les projets (sur le plan juridique, commercial, marketing, etc.), donne accès à un réseau d’experts et présente les projets à des investisseurs. Actuellement, nous suivons une quinzaine de projets sur le premier semestre de 2024. Notre équipe est constituée de cinq personnes aux compétences complémentaires, accompagnée par plusieurs chefs d’entreprises expérimentés à succès.

ÉLÉMENTS : Qu’est-ce qu’un projet enraciné, sur la base de quelles valeurs et idées communes rassemble-t-on ? Quel est le cœur de cible des projets enracinés ?

GAUTHIER BRIOUDE. Un projet enraciné s’inscrit dans l’économie locale et territorialisée d’une part et participe souvent à préserver ou défendre la culture, le patrimoine, l’esthétique et le terroir français et européen d’autre part. Nous rassemblons sur la nécessité de produire localement, de valoriser notre héritage culturel au sens large. L’objectif n’est pas de développer une doctrine politique, forcément (trop) clivante, mais de proposer une aide aux entrepreneurs de tous horizons politiques qui ont un projet « enraciné ». Nous privilégions cependant les projets ambitieux à impact culturel fort.

ÉLÉMENTS : Aujourd’hui les milieux associatifs et professionnels sont verrouillés, il y a une doxa idéologique qui stigmatise et marginalise les projets enracinés, comment contourner celle-ci ?

GAUTHIER BRIOUDE. Cette affirmation me semble à nuancer. En effet, une tendance de fond valorise aujourd’hui les circuits courts, les terroirs, voire même un certain localisme ! De même les entreprises se veulent toujours plus engagées, même si c’est d’abord une démarche marketing. Le « greenwashing » version entreprise à mission.

Comment pousser davantage les projets enracinés ? En cherchant les réseaux alternatifs qui existent, et il en existe ! C’est une des missions du Nid : créer un écosystème propice à un entrepreneuriat enraciné par la mise en relation des porteurs de projets avec des structures, experts et investisseurs prêts à les soutenir dans cette aventure. Sur ce dernier point, nous savons que l’une des principales problématiques pour se lancer est le manque de fonds et de soutien de la part de banques ou programmes de financement traditionnels. Mais nous constatons néanmoins l’existence de réseaux d’investisseurs partageant notre éthique et prêts à se laisser convaincre par de beaux projets solides, bien cadrés et prometteurs. C’est le point essentiel : avant de crier au loup, commençons par produire des projets sérieux, viables, ambitieux.

On peut aussi aujourd’hui utiliser la force de frappe des réseaux sociaux et médias alternatifs pour gagner en visibilité ou contacter des acteurs partageant nos valeurs.

ÉLÉMENTS : Comment développer et pérenniser une entreprise avec les impératifs modernes en conservant son éthique ?

GAUTHIER BRIOUDE. Tout dépend de ce que veut dire conserver son éthique. Une entreprise implique une rentabilité, donc le gain d’argent doit être un objectif principal. Mais à notre avis, ce ne doit pas être le seul. C’est pourquoi nous accompagnons uniquement des projets « à impact », avec des objectifs sociaux, culturels.

Certains secteurs rencontrent plus de difficultés que d’autres. Nous avons malgré tout en France des exemples de réussite éclatante autour de projets tournés en faveur du Bien commun, dans l’événementiel et le spectacle par exemple, la gastronomie ou le numérique. En février nous avons visité un datacenter souverain, sécurisé et écologique situé à Soissons, un bel exemple de modernité et d’éthique. Dans d’autres secteurs, comme le prêt-à-porter, la maîtrise des coûts est plus problématique et met en berne parfois l’objectif d’une marque 100 % fabriquée en France. Il faut alors élargir la recherche de solutions, trouver des fournisseurs éthiques chez nos voisins européens et, surtout, faire preuve de transparence vis-à-vis de sa clientèle.

ÉLÉMENTS : Est-ce que l’action sérieuse d’entrepreneurs convaincus au sein du monde de l’entreprise permettra à terme de réformer celui-ci ?

GAUTHIER BRIOUDE. Ne soyons pas naïfs, les vrais projets « enracinés » ne pèsent que très peu par rapport aux mastodontes que sont les multinationales. C’est une action conjointe et sur le long terme des entrepreneurs, des États, des consommateurs qui pourrait réformer le monde de l’entreprise.

Mais d’ores et déjà, nous voyons l’émergence en France de projets ambitieux au service de notre Bien commun grâce à l’action et l’investissement d’entrepreneurs convaincus présents dans les bons réseaux d’influence, ou même à la tête de ceux-ci. Sans réformer le monde de l’entreprise dans sa globalité, ils permettent l’éclosion d’un modèle d’entreprise vertueuse qui attire les jeunes talents et séduit la population. C’est un premier pas vers la construction de l’économie de demain.

ÉLÉMENTS : Comment passer des paroles aux actes et fournir le noyau d’un contre-modèle économique ?

GAUTHIER BRIOUDE. En créant nos propres réseaux, avec ses normes, ses valeurs, ses réussites mises en avant. Avec ses propres événements, loin du bruit des start-ups qui brassent du vent, ses propres figures. Mais ce doit être suivi par des think tanks, par le monde politique qui s’intéresse peu à ces questions, par quelques médias, pour que cela commence à avoir du poids.

ÉLÉMENTS : Avez-vous des exemples d’initiatives du même genre à l’étranger ou dans d’autres communautés religieuses ?

GAUTHIER BRIOUDE. Il existe des centaines d’incubateurs en France, mais à notre connaissance aucun ne se positionne comme le nôtre. Nous n’avons pas fait cette recherche à l’étranger, mais en ayant déjà eu plusieurs contacts avec d’autres Européens (Allemands, Belges, Espagnols), l’initiative leur semblait séduisante et innovante. Il existe des incubateurs catholiques par exemple, mais leur objet est différent, même s’il se recoupe parfois avec le nôtre.

ÉLÉMENTS : Quelles sont les réalisations concrètes du Nid, avez-vous des exemples de projets qui ont été incubés et sont aujourd’hui viables ?

GAUTHIER BRIOUDE. Nous avons réellement commencé notre décollage il y a quelques mois seulement. Les premiers résultats sont prometteurs, mais il est trop tôt pour parler de réussites. Rendez-vous dans deux ou trois ans !

En attendant, nous vous invitons à suivre notre actualité sur Linkedin : « Incubateur Le Nid » et sur notre site Internet.

ÉLÉMENTS : Est-ce que les circuits courts représentent réellement la forme de l’économie de demain ?

GAUTHIER BRIOUDE. Les circuits courts désignent les circuits de distribution qui font intervenir le moins d’intermédiaires possibles, au plus proche du consommateur. Les circuits courts sont l’anti-mondialisation. On le voit aujourd’hui avec la crise agricole et l’inflation dans la grande distribution : plus les intermédiaires sont nombreux, moins le producteur et le consommateur sont gagnants. Les circuits courts représentent donc une forme idéale pour bâtir l’économie de demain, en favorisant une rémunération plus juste, la création d’un tissu d’entrepreneurs ancrés dans le territoire et l’utilisation des ressources locales. La proximité favorise aussi le dialogue entre producteur et consommateur, elle pérennise la relation et oblige à une plus grande transparence sur les moyens de production. Ce sera l’économie de demain pour une fraction de la population, elle-même engagée ; fraction toujours grandissante, nous nous y employons. La masse n’y adhérera, hélas, que si la mondialisation s’écroule.

Le Nid sur Internet : Incubateur le nid

https://fr.linkedin.com/company/le-nid-prenez-votre-envol

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