À quand, une nouvelle Opération Tonnerre au pays enchanté du féminisme de progrès ? Le décor ? La possibilité souvent évoquée d’une actrice pour remplacer l’agent 007 ; une sorte de « Jane Bonde », donc. Ou d’un acteur de couleur, Idris Elba en l’occurrence. Voilà qui paraît hérisser Daniel Craig, dont Mourir peut attendre sera le dernier film où il se mettra au « service » de « Sa Très Gracieuse Majesté » : la preuve que le héros créé par Ian Fleming n’était pas si misogyne. Son statut de héros repose de longue date sur sa seule loyauté indéfectible à l’ancestral matriarcat anglais.
Ainsi, avant de ranger son smoking, l’acteur de 53 ans déballe tout ce qu’il paraît avoir sur le cœur : « Il devrait juste y avoir de meilleurs rôles pour les femmes et les acteurs de couleur, indique l’acteur au journal suisse Le Matin. Pourquoi une femme devrait-elle incarner James Bond quand il devrait y avoir un rôle aussi bon que celui de James Bond, mais fait pour une femme ? »
Pour le moment, les harpies « wokiennes » n’ont pas encore sorti les fourches ni préparé le bûcher. Le calme avant la tempête ? Pour se rassurer, il y a ces déclarations de Halle Berry et Barbara Broccoli, remontant à 2017 et 2019, et objectivement frappées au coin du bon sens. Pour la première, par ailleurs métisse et ayant partagé l’affiche avec Pierce Brosnan dans Meurs un autre jour (2002) : « Cette série est ancrée dans l’Histoire. Je ne pense pas que vous puissiez changer James Bond en femme. » Quant à la seconde, la productrice de la série : « Nous devons faire des films sur les femmes et les histoires des femmes, mais nous devons créer des personnages féminins et pas seulement transformer un personnage masculin en femme. »
Cette polémique est d’autant plus saugrenue que dans la saga en question, les rôles incarnés par des Noirs et des femmes, voire même par des femmes noires, n’ont jamais manqué. Il suffit de citer Quarrel (John Kitzmiller), meilleur ami du héros dans James Bond contre Docteur No (1962), Dr Kananga (Yaphet Kotto), le grand méchant de Vivre et laisser mourir (1973), sans oublier la belle Rosie Carver (Gloria Hendry). Rappelons encore la troublante May Day (la chanteuse Grace Jones en personne) qui illumine Dangereusement vôtre (1985) et Félix Leiter, l’homologue bondien de la CIA (Jeffrey Wright) dans Casino Royale (2006). Liste non exhaustive, il va de soi.
Bref, la diversité a droit de cité depuis toujours dans les aventures de notre héros, et pas seulement dans les troisièmes rôles, loin s’en faut. Pourtant, cette même inculture aux proportions encyclopédiques fait encore dire à certaines que les femmes auraient été réduites à des rôles de créatures faibles et craintives dans l’œuvre bondienne alors que, dans ces vingt-cinq films (vingt-huit si l’on ajoute les moins officiels Jamais plus jamais (1983) et deux autres adaptations de Casino Royale, en 1954 et 1967), la plupart ne s’en laissaient pas conter…
Dès 1962, dans James Bond contre Docteur No, première adaptation de l’agent 007 sur grand écran, Ursula Andress sortait des flots en bikini blanc, un poignard accroché à la hanche, la mine teigneuse, l’œil hautain, laissant entendre qu’elle sait se servir de son arme et pourrait bien transformer en castrat le propriétaire de toute main trop baladeuse. Eh, oui, le « Girl Power » ne remonte pas à hier, n’en déplaise à nos actuelles nunuches…
Au fait, si l’on poussait cette logique en ses retranchements ultimes, pourquoi ne pas prôner la même politique bienveillante et inclusive, mais dans l’autre sens ? Gérard Depardieu reprenant le rôle de Sissi impératrice ? Jean Reno celui de Fifi Brindacier ? Omar Sy dans un biopic consacré à David Bowie ?
Remarquez, certains seraient prêts à payer cher pour le spectacle. L’auteur de ces lignes en premier…
Photo : © MGM / Universal / Eon productions