Le magazine des idées
Christian Brosio

Nous avions un camarade…

Le temps est décidément à la peine pour l’équipe de la revue « Éléments » qui vient de perdre coup sur coup deux de ses fidèles amis. Après Jean-François Michaud, c’est à Christian Brosio, pilier du regretté « Spectacle du Monde » et collaborateur régulier de notre revue, que nous devons rendre hommage. L’un comme l’autre, nous le savons, nous invitent à lever nos verres à leur mémoire et, surtout, à continuer le combat.

Quand on le rencontrait, ses sourcils se levaient (les morphopsychologues savent pourquoi) tandis qu’un gros rire illuminait immanquablement son visage. Il était la gentillesse même, l’amitié incarnée, à quoi s’ajoutait un talent considérable (les lecteurs d’Eléments et du Spectacle du monde de la grande époque en savent quelque chose) et un courage de tous les instants. Mais ce qui m’a toujours frappé chez lui, c’est sa capacité d’écoute, sa modestie et aussi sa pudeur. Sous un dehors jovial, seule chose que beaucoup retenaient de lui, il cachait une âme inquiète et des trésors secrets. Sa mort met un terme à plusieurs années durant lesquelles il a beaucoup souffert. Sans jamais se plaindre. Il avait fait le projet d’écrire une biographie de Jacques Benoist-Méchin, qui ne verra jamais le jour. Bonne route, camarade. Et haut les cœurs !

Alain de Benoist

C’est un vieil ami qui nous quitte, guère âgé, qui fut l’âme et la cheville ouvrière d’un des plus beaux magazines qui soit, Le Spectacle du monde, mensuel du groupe Valmonde, qui alliait le luxe et l’intelligence. Il était incollable sur l’histoire, dont celle de la presse. Au gré des déménagements du groupe Valmonde, son bureau est toujours resté le même. C’était un poème et une synthèse de ses idées politiques, du parti Baas à Jean-Marie Le Pen, dont il épinglait les photos au-dessus de son ordinateur. Le spécialiste de l’œuvre de Jacques Benoist-Méchin qu’il était se retrouvait sans peine dans ce grand écart, qui n’en était pas un. Il préparait d’ailleurs une biographie de l’auteur du Rêve le plus long de l’histoire. Verra-t-elle le jour ? Qui le sait. Il avait ouvert les portes du Spectacle du monde aux rédacteurs d’Éléments, sans restriction, sans condition. Combien d’entre nous y avons pigé ? Il y régnait une liberté de ton aujourd’hui inconcevable, sur tous les sujets. Il était le gardien amical de ce sanctuaire. Son départ de la rédaction l’a pour ainsi dire laissé orphelin. Aujourd’hui, c’est nous qui le sommes de lui. Adieu, cher Christian. 

François Bousquet

Un rire s’est éteint

Lorsque je pense à Christian Brosio, c’est le souvenir de son rire qui s’impose immédiatement à mon esprit. Un rire éruptif, surprenant et détonnant, légèrement enfantin, hautement communicatif en tout cas. Un rire qui complétait parfaitement sa bonhomie et sa jovialité naturelles que j’ai pu constater et apprécier à chacune de nos rencontres qui se terminaient généralement fort tard, les sujets de conversation ne manquant jamais avec ce camarade à la culture aussi vaste qu’éclectique, qu’il partageait avec plaisir et générosité, sans aucune pédanterie ni fatuité. Nous n’étions pas des proches, mais nous nous retrouvions de temps à autre, au hasard de ces occasions dont on pense qu’elles se renouvelleront éternellement. Jusqu’à ce qu’elles cessent, brutalement, définitivement, et que l’on en soit fort malheureux.

Xavier Eman

Christian et l’esprit d’enfance

La personnalité de Christian était toute contenue dans son « sourire gentil » comme le chantait Gilbert Bécaud (Merci, Michel !). Mais, si sa bonté était extrême, il ne s’en laissait pas compter, à qui le cherchait vraiment. Il ne rechignait pas à prononcer des paroles définitives à son interlocuteur de mauvaise fois. Il était un homme du coup de force parcimonieux, en douceur, dans le verbe. L’attestent plus physiquement, certaines bagarres du temps où il était un jeune Camelot du roi.

Attaché à l’Ancienne France et à la vieille Europe, tout en aimant le monde arabo-islamique, Christian respectait toutes les religions traditionnelles et les peuples enracinés. Vomissant existentiellement le système technico-capitaliste, il exécrait le fric et les ordinateurs. Il y était presque étranger. Et s’en foutait comme d’un homme bien né et maladroit ! Mais, était-ce seulement de la maladresse ? Antimoderne jusqu’au bout de toute façon !

Ce qui travaillait Christian en profondeur, était la question religieuse. Paradoxalement, il en parlait peu. Le charme discret de l’aristocratie ! Cependant, il me fit certaines confidences tout au cours de notre amitié qui dura plus de vingt ans. Tour à tour, je le connus partisan de l’Église catholique pestant contre « la folie biblique ». Il ne pouvait supporter la part vétérotestamentaire du christianisme. C’est probablement ce qui l’avait notamment touché chez Pierre Gripari qu’il avait un peu connu. Un autre homme au sourire gentil ! Trop gentils, donc pour aimer « le méchant Dieu ». Un soir, à proximité des locaux du Spectacle du Monde, Place du général Catroux, à une question que je lui posais sur l’existence de Dieu : il me fit cette réponse simple, mais qui n’avait rien de simpliste : « C’est une question vertigineuse ». Rien d’autre !

Puis, les années passèrent. Il me parlait de temps en temps de la sainte Vierge (il existe un Centre marial à Cotignac où habitait ses parents). Souvent, il me demandait si j’étais allé à la messe dominicale. Je lui répondais avec sincérité : « oui, ouai ou non ». Il ne rajoutait rien. Un jour, lors de l’une de mes émissions sur Radio Courtoisie, je l’ai vu scotché devant son micro, en écoutant les propos de l’abbé de Tanoüarn qui parlait de l’Ancien et du Nouveau Testament, en rappelant la sentence explicative  du Christ : « Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l’accomplir ». L’émission se termina. Empressé, il dit à l’abbé : « On vous écouterais des heures… ».

Beaucoup plus tard, au moment de l’après-confinement, Christian me dit : « Je me rapproche de plus en plus de la figure du Christ ». J’avoue avoir été cueillis. Encore après, alors qu’il était très malade, il me confia : « Avec ce qui m’arrive, je me rapproche de la foi ». Trois jours avant sa mort, il m’affirma encore : « Je suis un catholique païen. A ma sortie de l’hôpital, il faudra que je dissipe les malentendus ». Il n’a pas pu le faire. En tout cas, fin lecteur du « Pape des escargots » d’Henri Vincenot, il vivait certainement des tiraillements intérieurs comparables à celui du bourguignon et gaulois moustachu, entre paganisme et christianisme. Il était peut-être au seuil de la conversion du dernier ? Sursum Corda, Christian !

Arnaud Guyot-Jeannin

Christian Brosio : l’ami, l’auteur, l’homme de passion

Christian était un très bon journaliste : rigoureux, factuel, ordonné, au style sobre et élégant. C’était un homme d’une complète honnêteté intellectuelle. Il avait aussi pleinement le sens des nuances. Ce n’est pas donné à tout le monde. Historien de formation (à la toute jeune université de Créteil quand il avait 20 ans), Christian avait été formé au journalisme par une génération plus ancienne, avec de vieux routiers de la plume, comme Maurice Cottaz et Jean Lousteau-Chartez. D’une culture « de xroite », Christian Brosio avait surtout collaboré au Spectacle du Monde, dont le positionnement était « modérément radical » (de droite) – et parfois même radicalement modété. Son patron, aussi responsable de Valeurs actuelles, Raymond Bourgine, mort en 1990, était un libéral, mais dans le sens sympathique de ce mot : au sens de la libéralité intellectuelle. C’était une autre époque.  

Mais Christian n’aurait pas aimé que l’on garde de lui seulement l’image d’un très bon journaliste « de droite ». Du reste, était-il de droite ? Si être anti-moderne est être de droite, il l’était à coup sûr. Politiquement et historiquement incorrect autant que sa conscience et sa culture le lui dictait, il ne pensait pas pour autant qu’il suffise qu’une thèse ou une opinion soit interdite pour qu’elle soit obligatoirement pertinente. Mais toute restriction de la liberté d’expression lui paraissait une saloperie. Christian aimait inconditionnement la liberté et les libertés. A la Jacques Vergès.

A vrai dire, Christian était un homme de droite de gauche. Il ne considérait jamais comme mineures les questions sociales. Il aimait les gens simples, peut-être comme son père, médecin, qui faisait le soir des visites à domicile, et avait soigné Georges Marchais, voisin de Champigny, non loin de Noisy le Grand, le « pays » de Christian. Christian était aussi passionné par les questions internationales, à propos desquelles nous avions de nombreuses discussions, loin du parisianisme littéraire. Il exécrait le dandysme. Fut-il « de droite ».  

Passionné : le mot est dit. Christain était un homme bon et gentil. Mais c’était tout sauf un « gentil bonhomme ». C’était un homme de feu. Oui : un passionné. A tous points de vue, et beaucoup plus qu’on ne le croit. Il vouait aux gémonies (rappelons que c’était une pratique antique qui consistait à exposer les cadavres de condamnés en place publique)  nos classes dirigeantes oligarchiques : des minables et des abominables.  Il était attaché de toutes ses fibres à l’identité et à la liberté de tous les peuples, de la Palestine aux Houthis du Yemen. En passant par notre peuple. Christian était un ennemi de l’atlantisme, de l’occidentalisme, de leurs complices et agents, et de tous les impérialismes (qui ne sont évidemment pas l’idée européenne d’Empire au sens médiéval). Il pensait que nous ne pouvions nous désintéresser d’aucun conflit dans le monde. Tous s’inscrivent dans un ensemble et, à un moment donné, soit renforcent l’impérialisme dominant, soit ébranlent et fragilisent celui-ci. Le deuxième cas est nettement préférable. C’est pourquoi ses centres d’intérêts allaient de Bernard Lugan à Alain Gresh et Dominique Vidal en passant par bien d’autres analystes géopolitiques. Parmi bien des choses qui pourraient  être évoquées, je noterai la connaissance tres fine qu’il avait de l’œuvre de René Grousset. Il soulignait, loin des caricatures réductrices, les nuances des travaux de Grousset.

Avec cœur et intelligence à la fois, Christian se sentait du côté des grands remplacés contre les grands remplaçants où qu’ils soient et quels que soient leur puissance médiatique. Pour Christian, la vie n’était pas neutre. Elle consistait à prendre parti. Il était hostile à l’immigration de masse, mais rien ne lui paraissait plus abject que l’hostilité de principe vis-à-vis des immigrés. Il tenait à raconter que, accompagnant sa mère très agée dans un centre ophtalmologique à Paris, il avait constaté que c’était surtout des maghrébins qui proposaient une place assise à sa mère. Christian partait toujours du réel constaté par lui-même au lieu de scander des slogans. Christian était auteur. Il était aussi Hauteur. Mais que dire encore, car voici le soir, et le moment de nous dire adieu ? Christian aimait beaucoup le cinéma ancien, et était formidablement sensible aux beautés du paysage français. Il vibrait, un peu privé de voyages pour des raisons familiales, puis pour des raisons de sante depuis quelque trois ans – sans parler des affreux confinements liberticides à prétexte covidien qu’il avait trouvés scandaleux – il vibrait, donc, quand je lui parlais de mes voyages dans le Forez, près de Saint-Etienne, dans le Limousin, en Combrailles, dans le Jura, en Bretagne, etc. Christian était un homme du partage. Un de ses derniers moments de grand bonheur avait été, il y a sans doute dix ans, son voyage au Canada. Il n’avait pas manqué de se baigner – c’était un amoureux de l’eau – dans les nombreux lacs. Il me disait toujours, à la fin de nos rendez-vous : « A très vite ». Ah, nom de dieu de bordel de merde !

Pierre Le Vigan

À mes amis catholique et à ceux qui ne le sont pas

Notre ami Christian Brosio est mort vendredi. Son cœur qu’il avait grand et gros a lâché. Sa disparition touchera profondément tous ceux qui l’on connu, et plus encore ceux qui, comme moi, ont eu le bonheur de travailler avec lui lorsqu’il était le secrétaire de rédaction du Spectacle du monde jusqu’au honteux sabordage de la revue. Il avait depuis longtemps rallié la Nouvelle Droite, mais il était resté absolument fidèle à sa culture catholique (pour la foi, je ne sais pas) et à la vieille Action française dont il connaissait l’histoire jusqu’au bout des ongles. L’homme était rare et exquis, d’une culture historique et d’une générosité sans pareilles. Je me souviendrai toujours d’une visite inoubliable à la galerie de l’Apocalypse, à Angers, visite que j’avais organisée pour lui et Éric Branca, et du dîner consécutif qu’avait préparé Michèle Delagneau mon épouse. Comme le chantait si bien Gilbert Bécaud, c’était mon copain, c’était mon ami.

Michel Marmin

Adieu l’ami…

Christian Brosio vient de nous quitter. Ma peine est grande car c’était un ami très cher que j’avais connu au Figaro Magazine. Il était, à l’époque, un militant dévoué de l’Action française qui lorgnait du côté de la Nouvelle droite. Avec lui et la petite bande que nous formions, on peut dire que l’on a fait les quatre cents coups. Notamment au contact de l’historien Jean-François Chiappe qui nous avait pris en amitié et qui nous entraînait dans ses délires de bon vivant.

Christian a toujours été d’une fidélité sans faille. Les années ne nous ont pas séparés, bien au contraire et l’on se retrouvait régulièrement pour déjeuner et commenter l’actualité.

Excellent journaliste, ses papiers dans Spectacle du monde était toujours solidement charpentés. Il collaborera également à la revue Éléments où il apportait les lueurs de sa grande culture historique. Christian était un être rare, d’une grande urbanité. Adieu l’ami, tu vas vraiment nous manquer.

Patrick Parment
Source : Synthèse Nationale

Photo : © Patrick Lusinchi

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