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« Muses Academy » de Thierry Guinhut – Loft story olympien

Muses Academy, » Thierry Guinhut – Loft story olympien

« Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif ! » C’est en associant cette prière du grand Homère aux mots de Denis Brogniart, présentateur de l’émission de téléréalité Koh-Lanta : « À la fin, il n’en restera qu’un ! », que le lecteur pénétrera dans le dernier roman de Thierry Guinhut, Muses Academy, aux éditions de la Mouette de Minerve. Rapprocher téléréalité et mythologie grecque, il fallait oser…

Neuf candidats sont enfermés sur une île, filmés neuf jours durant, ils représentent chacun les neuf Muses de l’Antiquité et un art : Histoire, Éloquence, Peinture, Théâtre, Danse, Chant, Architecture, Cinéma et Jeu vidéo. Elles doivent raconter tour à tour leur histoire, policière, judiciaire, horrifique, en un mot : criminelle. Jugées par les autres Muses, mais surtout par l’avis du public impitoyable qui décidera lesquelles des neuf Muses sortiront vainqueurs de ce grand jeu.

Tranquillement assis devant son divertissement voyeuriste, le téléspectateur pourra se délecter des scènes de vie sur l’île (amour, heurts, coucheries) et des histoires narrées chaque jour par les Muses. Ces histoires devront être les plus mouvementées et sulfureuses pour ravir les voyeurs. Des histoires fantastiques, noires, glauques, où s’entremêlent crimes, émotions, sexe, meurtres… il faut que ça buzze, que ça fasse du clic, des vues, en un mot… du pognon. Muses Academy illustre cette extension infinie du domaine du capitalisme à la culture entière et ici spécifiquement à l’Antiquité grecque, mère de notre civilisation européenne.

Apologie de l’art

Mais cette émission n’est pas qu’un énième programme de téléréalité dans lequel viendrait s’avilir la culture dans un divertissement pour demeurés (qu’ils soient Marseillais, Ch’tis, ayant un secret à cacher, un couple à tester, ou une voix à trouver) : la création artistique est portée haut et les références culturelles sont innombrables. L’art y tient le premier rôle, l’auteur le célèbre dans sa diversité et sa complexité. Ne rend-t-il pas possible l’élévation de l’âme vers la Beauté, à laquelle les récits de Muses Academy (telle la sublime histoire de la Muse cannibale) entendent bien contribuer ?

Apologie de l’art et critique acerbe du monde d’aujourd’hui : Thierry Guinhut évoque tour à tour et de façon mêlée la victoire… et la défaite de l’esprit et de l’art, défaite manifeste dans l’avachissement de la société (dont la pauvreté intellectuelle des émissions de téléréalité est un symptôme – l’avant-propos écrit par le producteur de l’émission est sur ce point éloquent), la fin du politique et l’égalitarisme absolu.

Le dénouement du jeu viendra bouleverser la compréhension du roman. Histoires réelles ou inventées ? Vrais candidats ou véritables Muses ? Dans quel type de jeu les candidats luttent ?

Curieux, satyrique-satirique, drolatique, piquant, savant… et savoureux aussi, Muses Academy vient de paraître aux éditions de la Mouette de Minerve.

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