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Terry Jones

Mort du comédien Terry Jones, des Monty Python

Le comédien Terry Jones, des Monty Python, est mort mardi, à 77 ans. Nous lui rendons hommage en publiant son célèbre texte contre la Guerre du Golfe datant de 2003 « Pas de quartier avec les voyous »

La dernière raison avancée par George Bush pour justifier une attaque contre l’Irak me comble d’aise : M. Bush est à bout de patience. Moi aussi, figurez-vous.

Cela fait un bon moment que M. Johnson, qui vit à deux pas de chez moi, m’énerve sérieusement. À vrai dire, M. Patel, qui tient le magasin de produits diététiques, aussi. Les deux hommes me regardent de travers, et je suis sûr que Johnson mijote quelque chose contre moi, mais jusqu’ici je n’arrive pas à savoir quoi. Je suis allé faire un tour chez lui plusieurs fois pour découvrir ce qu’il complote, mais il cache bien son jeu. C’est dire à quel point ce type est sournois.

Quant à Patel, je sais — ne me demande pas comment je le sais, je le sais, c’est tout, et de très bonne source — que c’est en fait un tueur psychopathe. J’ai distribué des tracts dans la rue pour dire que si on ne faisait rien, il allait tous nous avoir les uns après les autres.

Quelques voisins me disent : « Si vous avez des preuves, pourquoi n’avertissez-vous pas la police ? » Mais c’est complètement idiot. Les policiers diront qu’ils ont besoin d’un crime déjà commis pour pouvoir inculper les deux suspects.

Puis ils se perdront dans un tas de procédures tatillonnes, discutant à n’en plus finir des avantages et des inconvénients d’une frappe préventive. Pendant ce temps, Johnson mettra la dernière main à ses projets contre moi, et Patel assassinera tranquillement les gens. Comme je suis le seul dans la rue à posséder un arsenal digne de ce nom, j’en déduis qu’il me revient de préserver la paix.

C’est la raison pour laquelle je veux faire sauter le garage de Johnson et tuer sa femme et ses enfants. Frapper le premier ! Que cela lui serve de leçon. Alors il nous laissera tranquilles et surtout il cessera de m’épier.

L’objectif de Bush à plus long terme est de rendre la planète plus sûre, en éliminant les « États voyous » et le « terrorisme ». Et les terroristes potentiels, qu’en faites-vous ? Voilà ceux qu’il faut vraiment éliminer. Dans ma rue, c’est pareil. M. Johnson et M. Patel ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Il y a des dizaines d’autres personnes dans cette rue que je n’aime pas, et qui — tout à fait franchement — me regardent d’un mauvais œil. Personne ne sera vraiment en sécurité tant que je ne les aurai pas tous massacrés.

Ma femme me dit que je vais peut-être un peu loin, mais je lui réponds que je suis la même logique que le président des États-Unis. Ça lui cloue le bec.

Comme M. Bush, je suis à bout de patience, et si c’est une raison suffisante pour le président, ça l’est pour moi aussi. Je vais donner à toute la rue deux semaines — non, dix jours — pour se rendre et me livrer tous les extraterrestres, les pirates interplanétaires, les hors-la-loi intergalactiques et les cerveaux du terrorisme interstellaire. Et, s’ils ne capitulent pas en me remerciant, je bombarderai toute la rue jusqu’à la fin des temps. C’est tout aussi raisonnable que ce que propose George W. Bush – à la différence que ma politique ne va détruire qu’une seule rue.

Terry Jones

Extrait de son livre Ma guerre contre la guerre au terrorisme, Flammarion

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