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« Moi, Yann Barthès, auxiliaire de justice à Nuremberg ». La nazification au Quotidien

Avez-vous déjà giflé un mort, lançait le jeune Aragon ? À quoi bon ! Mieux vaut gifler la morgue des cons. Celle de Yann Barthès, petit marquis poudré, est inépuisable. Il en est tout bouffi, confit, farci. Du haut de son mètre 68, il passe son temps à se hausser du col pour tutoyer les grands, qu’il rabaisse à son niveau – le caniveau. Le nabot joue au cabot, un classique de la physionomie des attitudes.

« Moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg ». On connaît la présentation lapidaire de Dominique de Roux par lui-même, la plus belle de la littérature française, avec le « Je, François Villon, escollier ». C’est une expérience qui nous est familière. On est en permanence pendu, rependu, suspendu, à Nuremberg. C’est un procès sans fin, comme le mouvement perpétuel, comme les émissions quotidiennes de Yann Barthès. Au Quotidien donc, toujours le même réquisitoire. L’accusation est lisse, la dérision ominiprésente. C’est light, métrosexuel, apeuré. L’antinazisme est du même ordre : il est épilé, parfumé, en cravate-chemise-tennis. C’est un antinazisme de salon. Désormais, le tribunal de Nuremberg se tient dans un salon de coiffure. Toutes les pièces à charge retenues sont futiles, idiotes, frisées – et outrées.

Le quotidien de Quotidien

On n’est jamais déçu avec Quotidien. Cela faisait deux ans que je n’avais plus vu un de leurs « reportages » (quand il en avait consacré un, mémorable, à la Nouvelle Librairie). Eh bien, c’est toujours pire que ce qu’on croyait. Les « journalistes » toujours plus nuls, les « enquêtes » toujours plus baclées, les micros-trottoirs toujours plus putassiers, les ricanements toujours plus enregistrés. On se croirait dans une couveuse de damoiseaux, avec des dindons en train de glousser, de se trémousser, de glouglouter.

Cette semaine, Quotidien s’est intéressé à La Cocarde étudiante, le tout jeune syndicat étudiant de droite qui monte, qui monte, avec à sa tête, Luc Lahalle, un brave. Ni une ni deux, face au péril des nouveaux Hitlerjugend, l’équipe de Quotidien revêt son uniforme de chasseurs de nazis mondains et part en campagne de dénonciation – no pasarán et caméra au poing – pour un Blitzkrieg journalistique. 6 minutes chrono de journalisme pour les nuls.

Qu’apprend-on ? Que la Cocarde est plus militante qu’étudiante, plus über alles et vert-de-gris que tricolore. Que, sous la cocarde, perce le casque à pointe. Qu’Alain de Benoist en est le gourou, que moi-même – j’en suis confus – en suis le coah, et que Marion Maréchal en est la star. Et tout ça fait d’excellents petits nazis ! À peine le bonjour esquissé, le point godwin est atteint. Hitler redivivus. Fascinante, cette faculté d’Adolf Hitler de se réincarner en autant de petits Hitlérions. On n’avait rien vu de tel depuis l’Hydre de Lerne et la multiplication des pains.

Les reporters de Quotidien donnent alors toute leur mesure. Petits reporters, mais grands rapporteurs, ils rejouent la bataille de Berlin ; ils arrêtent les chars de Guderian avec des micros ; ils résistent aux avancées des cohortes d’étudiants nazis à coups de stylo-bille. Bougre de merdre et merdre de bougre ! C’est fou, tous ces cons ! Ils se veulent à la pointe de la modernité, alors qu’ils vivent dans un espace-temps englouti dont ils sont les dupes insignifiantes. Le néant lui-même est devenu anodin, c’est littéralement rien, la matière même de Quotidien.

Lien : Reportage du Quotidien

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