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Macron Le Pen le duel

Marine à 100 contre 1

Marine a le Système contre elle, mais David, qui avait contre lui les Philistins, a terrassé Goliath. Comment gagner ? Déjà en terrassant Macron ce soir ! Exercice difficile, mais qui n’a jamais cru aux miracles !

Dimanche soir, c’est la finale de la Coupe de France. L’US Quevilly contre les galactiques du PSG, le Petit Poucet contre l’Ogre parisien, les 20 000 communes qui ont voté Marine Le Pen au premier tour contre les grandes métropoles qui s’apprêtent à voter Macron. Un pari à 100 contre 1. Aucune chance de gagner, à moins d’un miracle. Évidemment, on a envie de croire aux miracles. Fondamentalement, voter, c’est croire aux miracles. On vote comme on brûle des cierges avec l’espoir insensé qu’on sera entendu. L’urne elle-même a quelque chose de sacré : on y dépose la somme de nos espérances, avec le sentiment que cela va changer le monde. L’enchantement dure un instant, puis c’est le réveil brutal, comme après une apnée du sommeil. Alors, on se rend compte qu’il y a toujours une majorité d’andouilles qui ont voté Macron.

C’est étonnant comme les croyances archaïques perdurent sous un vernis technologique, même dans des sociétés désenchantées comme les nôtres. Disant cela, je pense à Marine. C’est étrange ce qui se passe autour d’elle. C’est comme si son électorat lui prêtait des pouvoirs guérisseurs. Je vous salue Marine pleine de grâce. La Madone de la France périphérique. Elle n’est pas la seule à qui on demande des selfies – on en demande à toutes les célébrités –, mais elle en fait cent par jour. Le selfie a remplacé l’autographe qui a remplacé quoi ? Peut-être le toucher royal. À la limite, il faudrait relire Les Rois thaumaturges du grand historien Marc Bloch sur le caractère surnaturel de la royauté, avec le toucher des écrouelles. Le roi touchait des goitreux et les guérissait. Aujourd’hui, il fait des selfies et cicatrise les blessures de la vie. La résilience, quoi !

Marine, une Miss France ?

Dieu sait si Boris Cyrulnik nous aura cassé les oreilles avec cette résilience. La résilience, c’est la capacité d’un matériau à absorber les coups, à rebondir, littéralement. Qu’est-ce qu’autre chose que cette seconde naissance de Marine ? On l’avait laissée en 2017 au tapis, battue par KO lors du débat de l’entre-deux-tours ; et la voici plus pugnace que jamais. Elle a pris des coups et elle s’est relevée. Le match retour, c’est ce soir. Elle semble métamorphosée, sereine, pacifiée – l’effet chat sûrement –, comme si elle avait laissé derrière elle les ricanements un peu dédaigneux des Le Pen.

Une présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple. Marine est une femme et le peuple français ressemble de plus en plus à une collection d’individus archipélisés. Mais cette collection est en train de se coaguler de nouveau en collectif. Sur les plateaux télé, quelques langues se délient, pas nombreuses. Il faut regarder TPMP, Touche pas à mon poste. C’est là que se joue l’élection de Marine, beaucoup plus que sur CNews – avec Baba Ier, je veux parler de Cyril Hanouna, notre futur président de la République (on prend les paris, mais il sera candidat en 2027 ou 2032). Vous vous rappelez ce que Balzac disait des comptoirs de café : c’est le parlement du peuple. Plus besoin d’aller dans un bistrot, il suffit de regarder chez Baba : le parlement du peuple s’y tient tous les soirs. Hanouna est le seul chroniqueur qui réunit à une même table tout le spectre politique. Il y a même des chroniqueurs dont on s’attendrait à tout, sauf à ce qu’ils appellent à voter Marine. C’est le cas de Myriam Palomba, directrice de Public, gros hebdo people, qui veut faire barrage à Macron, quoi qu’il en coûte, comme dirait l’autre. Celui de la ravissante Delphine Wespiser, ex-Miss France, qui trouve Marine « bienveillante », « une maman pour la France ». Alors, Bisounours, Marine ? Apparemment. La gestion en bon père de famille s’est féminisée. Présidente mère de famille, Marine assume l’expression. Elle veut protéger les Français. Une sorte de mater familias, de super-matrone. L’affiche dimanche prochain, ça sera la Matrone contre Macron.

Le mur des riches et la pyramide des âges

On est vraiment entré dans un nouveau monde, post-politique, post-historique, post-littéraire. Les médiations politiques traditionnelles (les partis, les syndicats, les Églises, la droite et la gauche) ne sont guère plus entendues. Il y a un nouveau vote Marine qui vient d’horizons inhabituels, pas seulement du socle électoral du RN. Il y a désormais les antivax, les antipass, les anti-éoliennes, les pro-animaux, etc. Ce sont des populations qui n’ont plus les mécanismes de censure qui inhibaient les générations précédentes. Pourquoi ? Parce qu’elles sont vierges politiquement, parce qu’elles se sont politisées loin de l’histoire des idées et des structures institutionnelles, en revêtant une chasuble jaune ou une blouse blanche. Beaucoup de femmes parmi elles, qui font vibrer les cordes de l’émotion et de la sollicitude. Le vote des femmes va être un des enjeux du second tour. 52 % du corps électoral. En 2017, elles avaient massivement préféré Macron. Qu’en sera-t-il le 24 avril ?

Leur indignation est fraîche. Nous, nous sommes blasés par tout ce qu’on a vu ; elles pas encore. Elles donnent souvent le sentiment de découvrir la lune. Mais le fond est bon, le fond est sain. Avec la Covid, elles se sont trouvées en première ligne. Combien de Mères Courage parmi elles, comme dans la pièce de Brecht ? Cela fait du monde, mais assurément pas une majorité.

Marine a contre elle le mur des riches et la pyramide des âges, les couches aisées et les retraités. Plus les communistes, les socialistes, les Verts, les sportifs, la plupart des LR, les syndicalistes, les ONG, les comédiens, dans les deux sens du mot. La menace de sanctions de l’UE s’ajoutant à la propagande des médias centraux. La palme de la mégatonne du bobard d’or revenant à L’Obs, titrant : Marine Le Pen, élue, pourrait déclencher l’équivalent de 48 000 Hiroshima. Même Volodymyr Zelensky n’a pas osé. Ajoutez à cela qu’on est entré dans la phase électorale du Grand Remplacement avec le survote musulman. 69 % en faveur de Mélenchon – et dimanche de Macron.

Nonobstant cela, un petit vent de panique souffle sur les élites, comme s’il se passait quelque chose. Un bruissement, une colère qui monte. Ce n’est pas encore une vague Marine. À elle seule du reste, elle se heurterait à la digue Macron, à la digue du Système, à la digue du front républicain. Les manifs anti-Le Pen n’ont pourtant pas réuni grand monde. Est-ce que cette démobilisation va se traduire dans les urnes par des niveaux records de vote blanc et d’abstention ? C’est ce qui peut arriver de mieux à Marine. Le front républicain, c’est l’affront démocratique.

Une seule majorité : le « non » au TCE

Que doit-elle faire pour trouver une majorité ? D’abord nouer des alliances, la première d’entre elles, avec les zemmouriens, qui pèsent quand même un peu plus que Nicolas Dupont-Aignan en 2017. Mais pour cela, la reine de France, si reine elle veut être, doit apprendre à ne pas venger les injures de la duchesse d’Orléans. On n’en est pas là et de toute façon cela ne suffira pas non plus. La France de Marine Le Pen n’a été majoritaire qu’une fois, lors du « non » au référendum sur le TCE, en 2005. On ne voit pas trop comment Marine pourrait reconstituer une telle coalition du refus. Mais on a le droit de croire aux miracles, n’est-ce pas !

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