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Lydéric Landry, prince de la jeunesse

Lydéric Landry, prince de la jeunesse

Après « L’essuie-main de l’empereur », « Polochon et le lutin » et des contes délicieux, Lydéric Landry nous revient avec « Deux princes en Afrique », aux éditions Liber Invictus : une histoire désopilante qui se déroule à la fin du XIXe siècle en Afrique australe et ravira les enfants de 7 à 77 ans. Il dédicacera son livre le vendredi 15 décembre, de 18 à 20 heures, à la Nouvelle Librairie, 11 rue de Médicis, dans le 6e arrondissement. Un cadeau de Noël tout trouvé !

ÉLÉMENTS : Anne-Laure Blanc, qui anime le blog Chouette, un livre !, remarque dans l’article qu’elle a consacré, dans le dernier numéro d’Éléments, à Deux princes en Afrique que le point de départ de votre histoire ressemble un peu à la bouteille de Coca-Cola tombée du ciel Les dieux sont tombés sur la tête. D’abord, votre histoire se passe dans la même région, au fin fond du Transvaal, et surtout elle met aux prises des Zoulous chez des évangéliques, et réciproquement. Bref, c’est comme une sorte d’accident dans l’espace-temps, deux mondes qui se télescopent. De ce choc, naissent quantité de surprises, de quiproquos, de rires. Pour un romancier qui aime la fantaisie, ce type de rapprochement, c’est du pain bénit ?

LYDÉRIC LANDRY. Les dieux sont tombés sur la tête, Les Visiteurs (certains citeraient même Bienvenu chez les Ch’tis) … en effet, la rencontre de personnages issus de traditions différentes ne peut qu’engendrer des situations cocasses. Cependant, dans le cas des Zoulous et des Boers, elle n’est pas complètement artificielle. Les contacts entre ces deux peuples ont été nombreux, souvent conflictuels, mais pas toujours.

ÉLÉMENTS : Pourquoi allez-vous chercher l’aventure tout au bout de la piste, à la pointe australe de l’Afrique ? C’est la condition indispensable pour dépayser votre lecteur ?

LYDÉRIC LANDRY. Mon attrait pour l’Afrique du Sud est une fascination personnelle. C’est mon Amérique à moi, en quelque sorte. Elle a commencé par ma lecture de L’Étoile du Sud de Jules Verne quand j’étais petit. À ma majorité, j’ai eu la chance de pouvoir passer un mois dans ce pays et d’en découvrir les nombreuses richesses.

ÉLÉMENTS : Pourquoi avoir choisi une communauté évangélique dans le Natal, dans l’un des coins les plus reculés d’Afrique du Sud ? Quel rôle a joué l’afrikaans dans ce choix ? L’afrikaans vient du néerlandais… Sauf erreur, vous-même êtes locuteur néerlandophone…

LYDÉRIC LANDRY. Ce que l’on sait, c’est que le prince Dinuzulu a été mis en sécurité dans une famille de Boers quand sa vie était menacée suite à la mort de son père. Je n’ai pas trouvé de témoignages de Blancs relatant qui étaient ces gens, ni leurs motivations pour accueillir le prince. J’ai donc imaginé cette communauté évangélique comme ayant servi de refuge. De telles communautés ont existé. Elles existent peut-être encore… Le personnage du pasteur s’étant donné pour mission d’évangéliser les Noirs m’a semblé indiqué, car il disposait d’une raison pour abriter le prince.

L’afrikaans et le néerlandais sont effectivement mutuellement intelligibles. Quand j’ai été en Afrique du Sud, c’est grâce à cette langue que j’ai pu communiquer avec les autochtones, mon anglais laissant à désirer à l’époque.

Ayant en partie grandi en Belgique, la première langue étrangère que j’ai apprise a été le néerlandais. De plus, mon père, Gérard Landry [voir son Histoire secrète de la Flandre et de l’Artois, coécrite avec Georges de Verrewaere, 1982 (NDLR)] a été très impliqué dans le mouvement régionaliste flamand. La langue flamande et la culture néerlandophone en général ont baigné mon enfance.

ÉLÉMENTS : Vous n’avez certes pas écrit un livre d’histoire, mais Deux princes en Afrique est remarquablement documenté. Comment avez-vous travaillé ? Être irréprochable sur la partie historique pour pouvoir lâche la bride à l’imagination ?

LYDÉRIC LANDRY. Je suis loin d’être irréprochable sur la partie historique ! À un fâcheux qui lui reprochait de violer l’histoire dans ses romans, Alexandre Dumas répondait : « Je viole peut-être l’histoire, mais au moins je lui fais de beaux enfants. » Je suis dans le même état d’esprit (le talent de Dumas en moins).

Deux princes en Afrique n’est donc pas un roman historique à proprement parler, mais la trame de fond est réelle. Elle est un prétexte à l’intrigue. Je n’ai pas mené des recherches comme le ferait un historien, que je ne suis pas. Je me suis efforcé de trouver des éléments pour nourrir mon scénario. Quand on travaille dans cette optique, on commet fatalement des erreurs. Certaines sont même voulues. Parfois la réalité historique n’est pas assez glamour.

En ce qui concerne les sources européennes, les histoires du Deuxième empire et de la Guerre des Boers sont légion. J’ai particulièrement apprécié le travail de Bernard Lugan sur le sujet.

Le récit de Paul Deléage, Trois mois chez les Zoulous, a aussi été une source inestimable. Ce journaliste du Figaro a été contemporain des événements relatés dans le livre. Son témoignage est introuvable aujourd’hui mais peut fort heureusement être consulté sur Gallica.

Les sources écrites africaines sont quant à elle inexistantes. La situation des Zoulous est comparable à celle de nos ancêtres celtes : étant de tradition orale, on ne les connaît que par ce qu’en écrivent leurs conquérants. Cependant, les guerres des Anglais contre les Zoulous et contre les Boers sont plus proches de nous. Il existe encore des gens dont les arrière-grands-parents ont vécu ces événements tragiques. Les Zoulous d’aujourd’hui ont encore un roi, reconnu par le pouvoir sud-africain, même s’il n’est revêtu que d’une autorité morale. J’ai trouvé beaucoup d’informations dans les forums de discussion spécialisés en histoire animés par des Zoulous sur internet. De nombreux Zoulous descendants de guerriers renommés ou de grandes familles s’y expriment. La guerre anglo-zouloue de 1879 y est souvent évoquée et la tradition orale y refait surface. Les gens aiment à se remémorer les actions de leurs ancêtres. La plupart de ces échanges nous sont accessibles, car ils se font communément en anglais.

ÉLÉMENTS : Zoulous et Blancs sont condamnés à s’entendre. Il en a été quelque peu différemment dans la réalité ?

LYDÉRIC LANDRY. Je ne vois pas les rapports entre communautés en Afrique du Sud dans les termes de « Blancs » et « Noirs » tels que présentés habituellement de façon simpliste. Beaucoup de peuples noirs détestaient les Zoulous qui les avaient asservis. Les Boers blancs détestaient les Anglais blancs…

Comme toujours, les peuples s’affrontent et s’allient selon leurs intérêts. Ainsi, dans la mémoire collective des Boers, il y a l’épisode sanglant de Weenen en 1838 dans lequel près de 300 Boers (hommes, femmes, enfants…) furent massacrés par les Zoulous. Cependant ces Boers n’étaient pas seuls, ils étaient accompagnés de 250 Khoikhois et Basutos qui subirent le même sort.

Quelques décennies plus tard, le Boer Louis Botha mit en place une unité de cavalerie appelée Les volontaires de Dinuzulu. Composée de Boers, elle se battit aux côtés du prince zoulou et lui permit de remporter une bataille décisive contre son rival Zibhebhu. C’est donc en partie grâce à des Boers que fut mis fin à la guerre civile entre nations zouloues et que Dinuzulu put monter sur le trône.

ÉLÉMENTS : Quel fut alors le rôle de l’Angleterre, avec laquelle vous n’êtes pas tendre ?

LYDÉRIC LANDRY. Les Anglais menaient des guerres de conquête. En 1879, leurs adversaires étaient noirs et animistes. Vingt ans plus tard, ils étaient blancs et chrétiens. Cela n’a rien changé à l’affaire. Pour vaincre les Zoulous, des mitrailleuses ont été utilisées contre des hommes nus armés de sagaies. Pour venir à bout de la résistance des Boers, les populations civiles ont été raflées et mises dans ce qui a constitué les premiers camps de concentration de l’histoire.

Cependant, ces horreurs ne sont pas l’apanage des Anglais. Il est inutile de rappeler ce qu’ont subi les Indiens en Amérique, ou ce qui s’est passé au Congo sous Léopold II pour ne prendre au hasard que deux éléments d’une longue liste d’atrocités.

ÉLÉMENTS : À la question « Que faut-il écrire ? », vous avez pris l’habitude de répondre : « Les livres que l’on aurait aimé lire. » À quoi ressemblent-ils ? Peut-on dire que vous écrivez d’abord pour enchanter les enfants sans ennuyer les parents et amuser les parents sans embêter les enfants ?

LYDÉRIC LANDRY. Je ne suis pas lié à un genre particulier et j’aime autant lire des œuvres classiques que de la science-fiction ou bien des polars. Cependant dans la catégorie que je qualifierais de « métahistorique », je trouve rarement mon compte. Prendre l’histoire pour prétexte à l’élaboration d’une intrigue légère, amusante, riche en rebondissements me semble être une idée insuffisamment exploitée. C’est la raison pour laquelle, sans que je le recherche spécialement, mes livres sont dans cette veine.

Lydéric Landry, Deux princes en Afrique, Liber Invictus, 454 p., 20 €.

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