Les événements en Corée du Sud ont manifestement pris de cours la moribonde administration Biden mais aussi une bonne partie du gouvernement Yoon. De l’autre côté du Pacifique, la Corée du Sud demeure un allié très important des États-Unis, cette partie de la péninsule ayant longtemps été considérée comme un modèle de stabilité gouvernementale en Asie de l’Est.
Le président Yoon, qui a déclaré la loi martiale lors d’un discours surprise à la nation, est maintenant confronté à la question de sa survie politique après un humiliant volte/face. Le parti d’opposition a exigé mercredi qu’il démissionne immédiatement ou qu’il soit mis en accusation.
A la tête du parti conservateur Pouvoir au peuple (ou Pouvoir aux nationaux), Yoon Suk-yeol est élu en mars 2022 à la tête du pays. Un mandat marqué notamment par la bousculade d’Halloween à Itaewon (un quartier de Séoul, ayant fait fait 159 morts et 133 blessés) en 2022 et la crise médicale sud-coréenne en 2024 ; deux événements devenus des boulets, dont l’actuel président a du mal à se défaire. Suite à la motion de destitution, des manifestants se sont rassemblés devant le parlement coréen, 190 membres de l’Assemblée nationale ayant convoqué une session plénière dans la nuit de mercredi. Tous les membres présents, y compris les représentants du parti conservateur du président Yoon, ont voté en faveur de la levée du décret. Selon la loi sud-coréenne, un décret présidentiel de loi martiale peut être levé par un vote majoritaire du parlement. Malgré les implications induites par la loi martiale, rien n’indique qu’il y ait eu une répression sévère dans la capitale, les manifestants étant descendus sans entraves dans la rue pour s’opposer à la décision du président.
« La nuit dernière, j’ai déclaré la loi martiale d’urgence avec la détermination résolue de sauver la nation en réponse aux forces anti-étatiques qui cherchent à paralyser les fonctions essentielles de l’État et à saper l’ordre constitutionnel de la démocratie libérale », déclare Yoon dans une allocution télévisée. Une loi martiale décrétée « pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État. » ponctue le président sud-coréen.
Dans un dernier mot, le président en difficulté a appelé les législateurs à « cesser immédiatement les actes inconsidérés tels que les mises en accusation répétées, les manipulations législatives et les perturbations budgétaires qui paralysent les fonctions de l’État ».
Menace de destitution
Dans une déclaration, le Parti démocrate, parti d’opposition de gauche, a déclaré que le président Yoon devait démissionner immédiatement ou être destitué. Leur porte parole, Ahn Gwi Ryeong, ancienne journaliste désormais politicienne est devenue, par une opportune vidéo où on la voit s’opposer à un militaire, l’égérie démocratique toute trouvée pour les médias sud-coréen, insistant à propos de leur nouvelle mascotte « qu’elle témoigne de la manière dont le peuple de la République de Corée a protégé la démocratie. » Déclarations passionnées et reprises en chœur avec des trémolos dans le gosier par les médias occidentaux.
« La déclaration de loi martiale du président Yoon Suk Yeol constitue une violation flagrante de la constitution. Il n’a respecté aucune condition pour la déclarer », selon un communiqué de l’opposition. « Sa déclaration de loi martiale était à l’origine invalide et constituait une grave violation de la Constitution. Il s’agit d’un acte de rébellion grave qui justifie parfaitement sa destitution. »
Le parti de gauche et ses alliés détiennent 192 sièges sur les 300 que compte le parlement. La destitution nécessiterait une « supermajorité » des deux tiers, soit 200 membres.
Mercredi, les partis d’opposition ont présenté une motion de destitution de M. Yoon, qui nécessiterait le soutien des deux tiers du parlement et d’au moins six juges de la Cour constitutionnelle, composée de neuf membres, selon Associated Press.
Yoon, accusé de corruption, et désormais sous le coup d’une motion de destitution qui doit être votée samedi par le Parlement national, s’accroche pourtant au pouvoir. Malgré les liens étroits entre les États-Unis et la Corée du Sud, l’administration Biden a été prise au dépourvu. Le Conseil national de sécurité américain a publié une déclaration indiquant seulement que « l’administration est en contact avec le gouvernement [sud-coréen] et suit la situation de près ».
Le secrétaire d’État adjoint, Kurt Campbell, a déclaré aux journalistes, plus tard dans la journée, que Washington suivait le drame qui se déroulait à Séoul « avec une grande inquiétude ».
Un nouveau point chaud du globe alors qu’ils se multiplient un peu partout ?
© Photo : Yoon Suk Yeol, président de la Corée du Sud. Shutterstock / Gints Ivuskans.