Le magazine des idées

L’idéologie woke décryptée

Depuis quelques semaines circule sur internet un long texte analysant les mécanismes de l’idéologie woke qui, sous l’influence des campus américains, progresse dangereusement dans les universités françaises. L’auteur de cet article de fond, Pierre Valentin, est étudiant en master sciences politiques à Paris-2 Panthéon-Assas et diplômé en philosophie. Le texte étant assez long (c’est d’ailleurs son intérêt : il fallait de l’espace pour décrypter ce phénomène aussi insidieux qu’invasif), nous vous en proposant ici « les bonnes feuilles ». N’hésitez pas, si le sujet vous intéresse, à vous reporter à la source de l’article, le très intéressant site de la Fondation pour l’innovation politique (1).

Extrait de la partie 1 : Anatomie du wokisme

L’émergence de cette nouvelle culture morale, dans laquelle le statut de victime devient une ressource sociale, requiert certaines conditions, parmi lesquelles on trouve, notamment, une atomisation sociale et un niveau de diversité ethnique et sexuelle élevé. La bureaucratisation et la juridisation de la société jouent également comme des facteurs essentiels, assurant la reconnaissance de ce statut de victime par des tiers détenteurs de l’autorité et permettant d’imposer un véritable « ordre woke ». […]

Le plus souvent, les militants sont issus de familles aisées. Enfants, ils ont connu de trop brefs moments de jeu libre et sans surveillance. Adultes, ils peinent à se débarrasser de l’habitude prise consistant à rechercher une autorité instituée en cas de conflit avec une autre personne au lieu de le régler directement eux-mêmes. L’une des conséquences est la croissance d’une bureaucratie universitaire chargée de poursuivre et de prolonger cet état de surprotection. […] Le dernier critère sociologique nécessaire pour l’émergence de la culture de la victimisation est un haut niveau d’égalité, illustrant à nouveau ce paradoxe tocquevillien : moins il y a de discriminations réelles, plus les protestations contre les discriminations résiduelles ou illusoires se multiplient. […]

C’est ainsi que, par exemple, la théorie critique de la race (critical race theory, ou CRT), l’une des branches les plus populaires du wokisme, ne se demande plus si du racisme existe dans une certaine interaction sociale (une évidence, à leurs yeux), mais bien comment celui-ci se manifeste. Une fois plongés dans ce paradigme, leur survie académique dépendant de leur capacité à dénicher des injustices raciales invisibles au commun des mortels, ces théoriciens sont contraints d’en « découvrir » de multiples autres. C’est la dernière étape du postmodernisme. Elle marque le moment où ces idées franchissent le mur des départements de sciences sociales en progressant dans le monde des médias, des entreprises et, plus globalement, dans l’espace public américain puis occidental […] Dans ces différentes « disciplines », la mouvance woke opère toujours de la même façon, en rejetant la validité d’une norme sociale, morale ou scientifique par la mise en avant de l’exception à celle-ci, dans le prolongement du relativisme culturel. La mouvance queer est la plus explicite dans cet objectif, la fluidité permettant de récuser toutes les catégories et normes, « oppressives » par nature. C’est d’ailleurs à ce titre que Judith Butler encourage le fait de ne pas définir le postmodernisme, afin de le préserver du piège de la catégorisation.

Ce refus de toute norme est plus évident encore chez les partisans des fat studies, qui réduisent l’injonction à soigner les formes d’obésité dite sévère ou morbide à une pure construction sociale – la preuve d’un nutritionnisme omniprésent – au service des dominants. La médecine étant formelle sur les liens entre le surpoids et les risques pour la santé, celle-ci est dépeinte comme une stratégie pour opprimer des marginalisés. Le schéma est identique, quel que soit le sujet : commencer par repérer une norme ou un idéal mis en avant – dans le cas des fat studies, celui d’essayer de ne pas être en surpoids – puis mettre en avant des personnes en surpoids, en insistant sur leur statut de personnes marginalisées. La norme apparaît alors progressivement indéfendable moralement, surtout lorsque l’on impute à ceux qui s’y conforment le statut d’oppresseurs. Le relativisme de ces intellectuels militants leur permet ensuite de balayer tous les contre-arguments moraux ou scientifiques, réduits à des complots à l’encontre de la « communauté marginalisée » – les termes « systémique » ou « structures de pouvoir » ne les obligeant pas nécessairement à identifier nommément des comploteurs […]

L’affaiblissement (voire la disparition) des personnes considérées « dominantes », c’est-à-dire l’ensemble des Occidentaux blancs, est donc la finalité réelle, et la défense apparente de la diversité en tant que principe n’est qu’une stratégie en vue de cette fin […]

La culture de l’honneur valorise le fait de défendre vigoureusement son honneur, souvent en provoquant en duel son adversaire ; elle répugne à recourir à la loi et à des tierces personnes pour régler ses différends. La culture de la dignité, elle, pousse à ne pas s’offenser pour des vétilles et à régler ses désaccords par le truchement de la justice dans les seuls cas où ils le méritent. À l’opposé, la culture de la victimisation encourage la capacité à se sentir offensé, à régler ses griefs à travers les interventions de tiers. Le statut de victime fait l’objet d’une sacralisation […]

Le fait de masquer des revendications en utilisant une justification perçue comme objective, souvent issue du domaine de la psychologie, semble être une approche particulièrement performante. Comme le soulignent Campbell et Manning, « lorsqu’un groupe d’étudiants de Yale a exigé que les poètes blancs soient retirés du programme, ils n’ont pas formulé leur demande sous la forme d’une préférence (“Nous préférons lire des poètes non blancs”) ni même sous la forme d’une question de vertu (“La diversité ethnique est une bonne chose”), mais plutôt en insistant sur le fait que les étudiants allaient en souffrir ». De plus, lorsque l’on souhaite faire annuler la venue d’un conférencier, la méthode la plus efficace consiste à soutenir que son discours est une « mise en danger » des étudiants. C’est ici que l’intervention d’instances administratives vient tout naturellement se justifier par la volonté simple de protéger des élèves […]

Les étudiants qui prêchent cette culture de la victimisation sont presque toujours issus des classes sociales les plus aisées, et c’est un critère supplémentaire à prendre en compte. La corrélation entre revenus élevés des parents et comportements woke est indéniable. Par exemple, une analyse de quatre-vingt-dix cas d’intervenants « désinvités » révèle que « l’étudiant moyen inscrit dans une université où les étudiants ont tenté de restreindre la liberté d’expression est issu d’une famille dont le revenu annuel est supérieur de 32.000 dollars à celui de l’étudiant moyen en Amérique ». Et comme la culture des « élites » a tendance à être imitée par ceux qui souhaiteraient en faire partie, celle-ci peut s’étendre progressivement à l’ensemble des classes sociales […]

L’immense majorité des étudiants engagés dans le wokisme ont des parents nettement plus aisés que la moyenne américaine. Lukianoff et Haidt se sont penchés sur l’éducation qu’ont reçue ces jeunes. Les parents des classes aisées ont tendance à surveiller leurs enfants bien plus que les parents des classes populaires. Dans les classes populaires, les parents laissent leurs enfants passer plus de temps avec leurs camarades, sans adultes. Ces enfants s’habituent donc à régler leurs différends tout seuls. Chez les enfants des classes aisées, l’érosion progressive du temps moyen de leurs instants de jeu libre empêcherait le bon développement de l’enfant, un fait montré notamment dans les travaux du psychologue Jean Piaget. Adolescent puis jeune adulte, l’individu garderait le besoin de régler ses griefs avec ses semblables en recourant à une intervention extérieure, souvent issue d’une autorité formelle. L’économiste Steven Horwitz en tire les conclusions suivantes : « Les approches parentales et les lois qui font qu’il est plus difficile pour les enfants de jouer seuls constituent une menace sérieuse pour les sociétés libérales, car elles modifient notre disposition normale à “trouver une solution à un conflit par soi-même” en une disposition à “faire appel à la force et/ou à des tiers dès qu’un conflit survient”. » Sous cet angle, la bureaucratie universitaire omniprésente vient remplacer l’attention excessive des parents des enfants issus des classes aisées. En d’autres termes, les helicopter parents, ces parents qui surveillent en permanence leurs enfants, génèrent des helicopter bureaucracies, et la surprotection de l’enfant devient la surprotection de l’étudiant dans le monde universitaire. Cette surprotection a ainsi généré une fragilité, et cette fragilité entraîne une demande de surprotection. La surprotection est donc un processus qui s’autoalimente. Sans surprise, la culture forgée par ces jeunes sacralise la protection, et se voit qualifiée par ces deux psychologues de safetyism, terme que l’on pourrait traduire par « protectionnite ». Lukianoff et Haidt rapportent qu’en 2017 « 58% des étudiants universitaires ont déclaré qu’il était “important de faire partie d’une communauté universitaire où [ils ne sont pas exposés] à des idées contrariantes et offensantes” ». Cette culture de la protection pousse paradoxalement à accepter l’usage de la violence contre ceux qui ne la respectent pas […]

Ce serait cependant faire fausse route que de réduire l’utilisation de concepts psychologiques à une simple stratégie qui chercherait à favoriser l’intervention de la bureaucratie universitaire. Tout porte à croire en effet que les liens entre troubles psychologiques et wokisme sont nombreux. Lukianoff et Haidt notent que le début de la banalisation des comportements woke sur les campus, en 2013, coïncide avec l’année où la iGen (1995+) arrive dans les universités. Cette génération se définit par le fait d’être la première à grandir dans le monde des réseaux sociaux et des écrans omniprésents. Ce bouleversement a eu un impact négatif disproportionné sur les jeunes filles, qui tombent beaucoup plus facilement en dépression depuis l’arrivée des réseaux sociaux (en 2018, une femme sur sept sur les campus américains pensait souffrir d’un désordre psychologique). De plus, « par rapport au début des années 2000, près de deux fois plus d’adolescentes mettent fin à leurs jours » […]

Comme dans toute théorie aux raisonnements complotistes, le wokisme s’avère souvent infalsifiable. Par exemple, lorsqu’un blanc se voit accusé de « fragilité blanche » – concept promu par Robin DiAngelo – et réagit en conséquence avec « une manifestation extérieure d’émotions telles que la colère, la peur et la culpabilité, et des comportements tels que le fait d’argumenter, de rester silencieux, et le fait de quitter la situation stressante », c’est qu’il en souffre bel et bien. Qu’il parle ou se taise, il est donc impossible pour un blanc d’échapper à l’accusation. De manière similaire, la militante racialiste Ally Henny proposait sur Facebook un test de dépistage pour que chacun puisse sonder sa propre « fragilité blanche » à travers seize questions, parmi lesquelles : « Est-ce que j’attends des excuses lorsque je trouve que j’ai été accusée injustement de racisme ? », ou encore : « Ai-je besoin de prouver que je ne suis pas raciste ? ». Selon elle, « si vous avez répondu oui à n’importe laquelle des questions précédentes, vous présentez des traces de fragilité blanche ». Comme le font remarquer Pluckrose et Lindsay, « tout sentiment négatif à l’égard d’un profilage racial et le fait d’être tenu pour responsable d’une société raciste est considéré comme un signe de “fragilité” et comme une preuve de complicité – voire de collusion – avec le racisme ». En d’autres termes, le fait de réagir négativement à une catégorisation insultante serait en soi une preuve que la catégorisation visait juste. 

Lire la version intégrale de la partie 1 

Extrait de la partie 2 : face au wokisme

Le portrait-robot du militant woke prend forme dans les grandes lignes : une femme entre 18 et 35 ans, diplômée (ou bientôt diplômée), issue d’une famille aisée, qui a voté pour Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2017 et qui déclare aujourd’hui une proximité politique avec LFI ou EELV. […]

Des associations comme les Sleeping Giants (dont le compte Twitter comporte la description suivante : A campaign to make bigotry and sexism less profitable) traquent les entreprises qui font leurs publicités dans des médias jugés trop sexistes ou racistes à leur goût. Une fois identifiées, ces firmes subissent une campagne de pression sur les réseaux sociaux jusqu’à ce qu’elles coupent publiquement tout lien avec les dits médias, ce procédé ayant pour but affiché d’assécher les revenus publicitaires de ces derniers. Tout ceci pousse à un unanimisme entrepreneurial en faveur de cette mouvance, parfois qualifié de woke washing. […]

Comme le font remarquer les sociologues Bradley Campbell et Jason Manning, les jeunes woke, étudiants dans les plus prestigieuses universités, acquièrent la capacité d’investir par la suite l’espace public par le biais de ces institutions clefs que sont les entreprises : « Les diplômés de ces institutions transportent cette culture morale avec eux lorsqu’ils poursuivent leur carrière en tant qu’enseignants et administrateurs à différents niveaux du système éducatif, accentuant ainsi la socialisation dans la culture de la victimisation qui se produit par le biais des systèmes éducatifs officiels. Certains deviennent journalistes, contribuant ainsi à diffuser la culture de la victimisation. D’autres entrent dans le monde de l’entreprise, à la tête de nouveaux départements dédiés à la diversité et à l’inclusion. Beaucoup d’entre eux se rassemblent dans des endroits tels que New York, Washington D.C. et d’autres villes globalisées qui ont tendance à attirer les jeunes diplômés riches, et nous devrions nous attendre à ce que la culture de la victimisation se développe parmi les classes diplômées et à ce que la montée de la culture de la victimisation s’accélère au fur et à mesure que les jeunes générations, socialisées à ses normes, supplantent peu à peu les générations plus âgées sur les lieux de travail et dans la société tout entière. »

En février 2021, des pratiques internes de Coca-Cola ont été révélées par des employés. Une formation Confronting Racism proposait à ces derniers « d’être moins blancs », et leur conseillait d’« être moins oppressifs » et de se « détacher de la solidarité blanche » car celle-ci serait un obstacle pour le bien-être des minorités. Cette formation s’appuyait notamment sur les travaux de la sociologue Robin DiAngelo.

Ces DEI training se multiplient au sein des grandes firmes américaines. Dernièrement, l’écrivain et metteur en scène américain Christopher Rufo a révélé que l’entreprise Lockheed Martin, numéro un du marché américain de la défense, avait imposé en 2020 à des employés hommes et blancs un Diversity Program de trois jours sur Zoom. La formation débutait avec un exercice de « libre association », où les formateurs demandaient aux employés d’exprimer ce que leur inspiraient les mots « hommes blancs ». Les éducateurs, eux, proposaient, entre autres, les mots ou expressions « vieux », « raciste », « privilégié », « anti-femmes », « en colère », « nation aryenne », « KKK », « Pères fondateurs », « armes », « culpabilité »… À la suite des premiers exercices, les participants devaient répéter et « internaliser » cinquante « affirmations sur le privilège blanc » (white privilege statements), cinquante-neuf « affirmations sur le privilège masculin » (male privilege statements) et, enfin, quarante-sept « affirmations sur le privilège hétérosexuel » (heterosexual privilege statements). Ces trois journées étaient organisées pour Lockheed Martin par l’entreprise White Men As Full Diversity Partners, qui a déjà proposé ses services à de nombreux groupes américains. Comme le rapporte Christopher Rufo, leurs fondateurs Welp et Bill Proudman affirment que ces formations visent à aider les hommes blancs à prendre conscience des « racines de la culture mâle et blanche », culture qui met en valeur selon ces derniers le fait de « travailler dur », « viser le succès » ou encore d’ »opérer à partir de principes ». S’ils admettent que ces éléments peuvent paraître positifs, ils jugent que leurs effets sur les femmes et les minorités sont « dévastateurs ». En 2018, il était considéré que près de 90 % des entreprises du Fortune 500 avaient un directeur « diversité et inclusion », les grands groupes européens semblant vouloir épouser cette tendance. […]

Au XXIe siècle, les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) comptent parmi les organisations les plus influentes. Il y a de sérieuses raisons de penser que le pouvoir de la mouvance woke en leur sein est important et que cela commence à avoir des répercussions sur leurs décisions. Fin 2018, Twitter a ainsi modifié sa « politique en matière de conduite haineuse » afin de pouvoir bannir définitivement de sa plateforme ceux qui « mégenrent », autrement dit se « trompent » dans le genre d’une personne, et ceux qui deadname quelqu’un, c’est-à-dire ceux qui appellent un utilisateur en des termes reliés à son ancien genre. Le réseau aurait également banni des comptes de féministes qui déclaraient : « Les hommes ne sont pas des femmes » (Men aren’t women).

Le journaliste britannique Douglas Murray fait remarquer également quelques anomalies frappantes dans les résultats de Google Images : lorsque vous écrivez straight couple (« couple hétérosexuel » en français, même si les résultats obtenus ne sont visiblement pas les mêmes), vous aurez (et l’expérience fonctionne encore au moment où ces lignes sont écrites, en juillet 2021) de nombreuses images de couples homosexuels et de couples hétérosexuels qui tiennent des drapeaux LGBT. Toutefois, les résultats pour gay couple ne donnent que très rarement des couples hétérosexuels. La même expérience, explique Murray, peut se faire avec white men qui montre de nombreuses photos d’hommes noirs, alors que black men ne montre presque aucun homme blanc. De plus, les images d’hommes blancs qui restent lors de cette première recherche renvoient à des articles qui sont dans leur immense majorité critiques à leur égard (beaucoup d’entre eux reprenant les concepts woke comme celui de whiteness). Même type de disparité de résultats pour white couples et black couples. Il semblerait donc que l’algorithme de Google intervienne pour modifier dans un sens particulier le résultat de certaines recherches. En juillet 2020, Google annonçait d’ailleurs pouvoir proposer aux commerces tenus par des Afro-Américains un badge en forme de cœur noir pour aider les internautes américains à les repérer. […]

Entre 60% et 80% (selon les pays) des étudiants et enseignants de droite perçoivent dans les universités un climat hostile à leurs convictions. Comme l’analyse la démographe Michèle Tribalat, ce rapport démontre que les universitaires de droite aux États-Unis auraient donc « tendance à baisser la tête et à laisser les opinions dominantes s’exhiber dans les conversations comme si elles étaient les seules possibles », ce qui a pour effet de donner une illusion d’unanimisme qui rend la contestation elle-même de plus en plus difficile. Toujours selon ce rapport, ce processus va ainsi s’autoalimenter, d’autant plus que beaucoup de jeunes conservateurs ou modérés n’essaient même plus d’entrer dans ce monde académique. Ce déséquilibre peut parfois mener à un « autoritarisme mou », parfois beaucoup plus dur, chez des jeunes chercheurs et professeurs significativement plus autoritaires que leurs collègues plus âgés. Le discours woke qui relativise ou justifie le recours à la violence vis-à-vis de ses opposants joue un rôle particulièrement important dans le déploiement d’une autocensure universitaire. Pour Lukianoff et Haidt, « si certains étudiants pensent maintenant qu’il n’y a pas de mal à frapper un fasciste ou un suprémaciste blanc, et si toute personne qui n’est pas d’accord avec eux peut être étiquetée comme fasciste ou suprémaciste blanc, vous pouvez voir comment ce procédé rhétorique peut rendre les gens hésitants à exprimer des opinions dissidentes sur le campus ». […]

Au vu des biais de confirmations, raisonnements circulaires et autres théories infalsifiables qui existent au sein du wokisme, certains y ont décelé une opportunité de parodier ces concepts afin de les décrédibiliser. L’affaire Sokal fut la première initiative de ce genre. En 1996 Alan Sokal parvint à publier dans Social Text, une revue d’études culturelles, « Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique », un article truffé d’inexactitudes scientifiques mais rempli de jargon « postmoderne » jugé impénétrable, et donc infalsifiable. Dans la droite lignée de l’initiative de Sokal il y eut en 2018 l’opération « Sokal au carré », menée par Helen Pluckrose, James Lindsay, et Peter Boghossian. Alors qu’elle fut éventée avant son terme, sept articles avaient pourtant déjà été acceptés par divers journaux académiques, dont quatre publiés. L’article « Human Reactions to Rape Culture and Queer Performativity in Urban Dog Parks in Portland, Oregon » supposait par exemple d’« avoir inspecté avec tact les parties génitales d’un peu moins de 10 000 chiens tout en interrogeant les propriétaires sur leur sexualité », le tout afin d’en déduire une « culture du viol ». Non seulement il fut publié dans Gender, Place, and Culture (une revue particulièrement réputée pour être à la pointe de la géographie féministe), mais reçut également une reconnaissance particulière pour son excellence par cette même revue, avant d’être bien évidemment rétracté lorsque la fumisterie fut dévoilée. […]

Beaucoup sont déstabilisés par un comportement woke qui peut paraître étonnant : celui du crybully. Ce terme, contraction de crybaby (« bébé qui pleurniche ») et de bully (« brute », « tyran »), renvoie à l’attitude d’incessante lamentation qu’adoptent certains militants. Cette façon de se conduire en éternelle victime peut susciter à la fois de la compassion et de la peur, et ainsi pousser à céder aux demandes. De plus, on constate souvent une erreur au sein d’institutions, qui consiste à concéder du terrain aux woke en pensant s’assurer une certaine tranquillité, alors que ce système de pensée ne peut qu’interpréter ces concessions comme un signe de « fragilité » émis par les « dominants » qui en annonce d’autres. […] L’idéologie woke est paradoxale dans la mesure où sa seule proposition est la déconstruction, et sa seule affirmation une négation. Si cette hypothèse peut paraître à première vue provocatrice ou caricaturale, elle s’appuie néanmoins sur l’examen des manifestations du wokisme et de ses théories. La métaphore virale et parasitaire de Jacques Derrida que nous avons citée, reprise positivement par ces militants, illustre parfaitement le principe suivant : un parasite a besoin de son hôte pour survivre, mais doit progressivement dévorer et détruire ce dernier pour croître.

Lire la version intégrale de la partie 2

Pierre Valentin

[1] https://www.fondapol.org/

Une réponse

  1. Cette nouvelle religion est terrible et encore méconnu en Europe et surtout en Suisse ou je vis. on la voit pourtant partout, à la TV surtout dans les pub mais aussi dans les filmes au cinoche ou dans les journaux. les gens sont comme des grenouilles que l’on jette dans un bol d’eau pour les faire cuire gentiment avant de finir par mourir. Les gens sont tellement lobotomisés qu’ils ne voit rien n’entendent rien et ne comprennent rien, pourtant c’est le future de la société qui est en jeux.
    Malgré ces danger ils y en a d’autres qui lorgnent leurs idéologies avec autant d’audace que l’on devrait craindre, l’Islamisation en est un qui va à l’encontre du wokism. Tout ça va tourner au vinaigre sitôt que ces 2 religions seront opposés l’un à l’autre. Vivement ces moments festifs ou les fanatiques affronterons d’autres fanatiques autant fou furieux qu’eux. à la fin du combat les hétéros, les familles, les travailleurs, les blancs (incluant les autres races qui n’ont pas forcément adoptés ces religions) pourront refaire surface et continuer à faire marcher une société pleine de bon sens de paix et de bonheur. Il n’y a rien de plus beau, de plus rassurant et rempli de bonheur que de voir grandir des enfants dans une famille hétéro avec 1 père et 1 mère qui tous les deux jouent leurs rôle de parent. Malheureusement le monde n’est pas fait de gens saint d’esprit mais de gens maléfique qui souvent sont à la tête de sociétés ou partis politique.
    Laissant le clash passer avant de recommencer avec moins de monde et surtout moins de cons

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Actuellement en kiosque – N°207 avril-mai

Revue Éléments

Découvrez nos formules d’abonnement

• 2 ans • 12 N° • 79€
• 1 an • 6 N° • 42€
• Durée libre • 6,90€ /2 mois
• Soutien • 12 N° •150€

Dernières parutions - Nouvelle école et Krisis

Prochains événements

Pas de nouveaux événements
Newsletter Éléments