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Lettre à ma famille qui vote Nouveau Front populaire

Lettre à ma famille qui vote Nouveau Front populaire

Il doit en aller de même dans toutes les familles de France. Les repas, la veille des élections, sont souvent bouillonnants. Chacun cherche à dénouer par avance le verdict des urnes. Au besoin, en élevant la voix ou en s’indignant. C’était vrai hier, ça l’est plus encore aujourd’hui, où les « progressistes » nous rejouent la grande peur des bien-pensants face au « péril » que représenterait le RN. Brr ! On en frémit d’avance. Lassé de ces postures, Valentin Schirmer a décidé de répondre à ses cousins et cousines qui se donnent le beau rôle. Rédacteur en chef adjoint à Tocsin, lui le petit-fils d’ouvrier rappelle que l’écrasante majorité des ouvriers ne se retrouve pas dans ce nouveau Front qui n’a de populaire que le nom.

Ma chère famille,

J’ai voulu attendre un temps calme et apaisé pour vous répondre. Non que je craigne vos opinions, non que je tienne à m’excuser des miennes, mais il m’a semblé qu’une grande justesse, fille d’une sérieuse concentration, était nécessaire pour évacuer les malentendus que vous pourriez me prêter, et ainsi briser, définitivement je l’espère, la chimère manichéenne qui loge vos pensées depuis trop de printemps.

Je précise avant de commencer que je n’ai ma carte dans aucun parti. Qu’ainsi, je traite en homme libre qui ne trouve en le RN, qu’au mieux, celle des forces politiques qui nourrira avec le plus de réserves le mal qui empuante mon pays. Je défends ici ce que je crois être l’honnêteté intellectuelle, une chose trop précieuse pour être confondue avec les aspirations d’un appareil politique.

Vous m’avez opposé l’Histoire, le péril fasciste ou d’extrême droite, les menaces qui pèseraient directement sur certains de vos amis (que je présume donc issus de minorités ethniques ou sexuelles), et vous êtes même allées, vous les féministes, vous pour qui le poids de la famille n’a aucun droit de peser sur les individus, à convoquer à votre argumentaire la figure d’un grand-père ouvrier. Je ne vous soupçonnais pas à ce point patriarcales et réactionnaires, mais je répondrai néanmoins à cela aussi.

Qui est socialiste ?

Je me permettrai d’abord de caractériser rigoureusement le fascisme et l’extrême droite, qui ne sont pas choses identiques mais que, par souci de brièveté, j’amalgamerai. Est fasciste, ou d’extrême droite, quelqu’un possédé par le culte de la force, du corps, des valeurs traditionnelles et souvent préchrétiennes, où la hiérarchie et les différences sont sacralisées. Il rejette donc nécessairement les institutions démocratiques, les corps intermédiaires, le progressisme sociétal. Pour lui, il ne doit rien exister entre le pouvoir central et les citoyens, écrasés par lui. Cela énoncé, l’honnêteté devrait vous conduire à reconnaître qu’il n’y ait rien de commun entre le Rassemblement national dans sa forme actuelle, et le fascisme. Où avez-vous Julien Odoul honorer des statues grecques ? Où avez-vous surpris Jordan Bardella appeler à supprimer les syndicats, à dissoudre les associations, à mettre à bas les contre-pouvoirs ? En revanche, j’ai bien vu, moi, ce même parti que vous appelez d’extrême droite, entériner par son vote l’inscription de l’IVG dans la Constitution, prôner l’assimilation des étrangers convertis au valeurs nationales (peu suspect donc, d’un projet d’épuration ethnique), renoncer à sortir de l’UE, de l’OTAN et de toutes les instances supranationales qui travestissent la souveraineté française.

Au reste, je ne résiste pas à l’opportunité de vous rappeler, vous qui avez chevillé au corps le sens de l’Histoire, tout ce que doivent à la gauche les principaux régimes fascistes parvenus au pouvoir dans la première moitié du XXe siècle. Mussolini avait fourbi ses premières armes au sein du Parti socialiste italien et du syndicalisme révolutionnaire. Hitler se réclamait d’une idéologie nationale-SOCIALISTE, de laquelle il baptisa son parti. Enfin, pour revenir sur les rives françaises, c’est le Front populaire de Léon Blum qui vota des deux mains les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Celui-ci le leur rendra bien, en instaurant officiellement la Fête du Travail, le 1er de chaque mai et en nommant le SFIO Pierre Laval comme chef du gouvernement. Je te confirme donc, chère Pauline, que les politiques économiques socialisantes de tous ces régimes n’ont en rien sorti leurs populations de la misère.

Vous pourrez toujours me répondre que ces mesures sont dans des cartons secrets, enfouis dans d’obscurs couloirs du siège de la rue Michel-Ange. Que Marine Le Pen n’attend que d’arriver à l’Élysée pour éclater d’un rire diabolique à la face des Français et proclamer d’une voix digne des meilleurs dessins animés, que la bête immonde est revenue s’asseoir sur le trône de la République. Croyez-moi, le parti sulfureux et hérétique de Jean-Marie Le Pen a vécu.

Ce qui m’amène à votre argument suivant. Celui pour lequel vous affublez, contre toute cohérence idéologique, le RN du nom d’extrême droite, qui voudrait que ce dernier constitue une menace affichée contre les minorités de tous genres. Je vous confesse m’être tordu de rire lorsque j’ai lu que ce parti inquiétait le droit aux homosexuels d’exister. Je puis vous nommer de tête une bonne dizaine de personnalités, pratiquement toutes membres éminents de la direction nationale, qui se sont publiquement réclamés de la jaquette. Il me paraît audacieux pour le moins de conjecturer que tel ou tel projettent de scier le tronc sur lequel ils sont confortablement assis. Au passage, les homosexuels sont bien davantage persécutés dans les pays d’où sont issus la majorité des immigrés que vous vous réjouissez d’importer.

L’immigration, cet esclavagisme

Pour ce qui est des étrangers, je serai moins frivole. Je vous avoue sans complexe que je m’étoufferais de honte, si j’étais de gauche, en devant défendre l’immigration telle qu’elle s’expose en ce siècle. Si j’étais acquis au droit des peuples, particulièrement les plus opprimés, à s’émanciper et à prospérer sur leurs terres, si mieux encore, je me trouvais habité par l’espérance qu’un jour, chaque individu soit absolument maître de son destin, délesté de tous les cadres prénatals qui enserrent son devenir, je vomirais de tous mes pores ce système organisé de migrations qui nourrit la misère du continent africain et la réduction à l’esclavage de dizaines de milliers de pauvres êtres, des côtes libyennes aux rues de Paris. Quand vous savez les marchés aux esclaves de Tripoli, quand vous constatez les existences inhumaines menées par ceux qui y échappent et parviennent en Occident pour y poursuivre des carrières comprises entre le livreur Uber Eats et le toxicomane prostitué, et par-dessus tout, quand vous déplorez ce continent noir tout entier plongé dans la famine, la corruption et la guerre, vidé de surcroît par ses principales forces vives qui s’élancent au travers de la Méditerranée, alors vous ne pouvez pas vous réclamez de l’humanisme et de l’immigrationnisme à la fois. La vérité est qu’il faut être marchand d’esclaves, passeur véreux, truand proxénète ou patron avide d’éviter des charges sociales inutiles, pour bénéficier de l’immigration massive. Si véritablement vous aimez ces gens venus d’ailleurs, vous ne leur souhaitez rien d’autre que de fertiliser la terre de leurs ancêtres. Je plains les deux hémisphères de vos cerveaux, entortillés dans un amas de bons sentiments qui se font la guerre les uns aux autres, et qui doivent polluer beaucoup de vos nuits.

Quant à ce mot sublime de diversité qui écume constamment de vos lèvres, sachez que j’en partage avec vous l’éloge. Pour aller plus loin, j’en revendique même le monopole, et prétends qu’il n’y a pas pire ennemi de la diversité que la société de métissage à laquelle vous aspirez. Supposons en effet que votre utopie se réalise, non seulement chez nous, mais sur la Terre tout entière. Que donc, les hommes et les femmes de toutes origines ethniques, de toutes confessions religieuses, de toutes appétences culturelles, finissent miraculeusement par s’aimer et par vivre ensemble. Eh bien, en moins de trois générations, les particularités du monde entier seront fondues ensemble dans un même chaudron d’amour, et s’ensuivra le règne d’une culture identique partout, qui aura fini de piétiner votre doux rêve de diversité. La vérité est que la diversité, fille des innombrables différences que nous ont léguées l’Histoire et la Géographie, a besoin de frontières pour survivre et s’épanouir. Que pour perpétuer les culture algérienne, guinéenne, espagnole et française, il n’y a pas d’autre moyen que de faire vivre des Algériens en Algérie, des Guinéens en Guinée, des Espagnols en Espagne et des Français en France.

Tous les papys Antoine de France

Enfin, et j’en terminerai-là de cette démonstration, venons-en à cette référence à Papy Antoine dont vous vous êtes fendues, et qui achève de ridiculiser l’ensemble de votre réflexion. Vous êtes guidées par un principe inamovible d’auto-détermination. Vous vous gargarisez à longueur de journée de définir l’identité comme quelque chose qui surpasserait les conditions qui ont présidé à notre naissance. En somme, vous affirmez qu’on peut naître Français, dans un corps d’homme, et ne s’identifier ni à la Nation française, ni au genre masculin. Et si j’en crois votre évocation de Papy Antoine, cela vaut pour tout… Sauf pour les opinions politiques. On peut ainsi changer de genre, renier sa patrie et même jusqu’à sa couleur de peau, mais il suffit qu’un père de famille blanc et cisgenre ait proclamé que sa descendance soit uniformément de gauche pour apposer sur cette sentence, la marque de l’éternité.

Je vais aller plus loin, en déclarant que la gauche de Papy Antoine et la vôtre n’ont strictement plus rien à se dire. Antoine Schirmer était un ouvrier aux mains calleuses, fils d’une terre besogneuse, qui avait le sens de l’autorité et du rapport de force avec le patronat autant que le culte du travail bien fait. Sa solidarité naturelle, sa généreuse ouverture à l’autre, étaient guidées par une vertu chrétienne qui ne se confondait nullement dans la capitulation de la dignité qui vous caractérise. Il donnait parce qu’il savait recevoir, il ouvrait sa porte parce qu’il était maître de la refermer, il accueillait chez lui parce que, justement, il savait qu’il était chez lui. Cette gauche-là, qui a tout mon respect, n’a plus rien à dire à la vôtre, fondée dans la haine de soi et dans la culpabilité permanente. D’ailleurs a-t-elle déserté vos rangs pour rejoindre ceux du RN. Que vous le déploriez ou non, les sondages montrent que la proportion d’ouvriers qui votent pour le RN aujourd’hui est supérieure à celle du PCF au moment de ses meilleures heures. Pour cause, comment pourraient-ils se reconnaître dans vos paumes intactes, dans vos habits bigarrés, dans vos éructations outrancières qui touchent à leur essence même ? Du racisme au climat, tout pour vous est prétexte à se restreindre, à s’amenuiser, à mourir encore un peu plus nettement. J’ai parlé, pour qualifier votre électorat, d’artistes ratés et de bobos citadins, justement parce que ces sociologies s’enorgueillissent de haïr la figure tutélaire du mâle blanc exactement incarné par ce prolétariat, réfugié par votre faute dans les jupes de Mme Le Pen. Or, vous ne pouvez pas servir deux peuples, et d’avoir choisi la foule carnavalière des flutistes à sarouel vous oblige à faire le deuil de tous les Papys Antoine de France.

Rassurez-vous, je n’espère rien de cette lettre, sinon d’avoir pourvu à l’engagement que j’avais pris de l’écrire. Au meilleur de mon optimisme, je souhaite seulement qu’elle puisse agir sur vos esprits comme une première pique fichée dans l’œdème qui vous pèse sur le cœur. Car avant de vous savoir de gauche, ou féministes, ou progressistes, je vous sais surtout malheureuses de vous-mêmes, incapables que vous êtes d’échapper aux conditions qui vous ont forgées, et que vous prenez pour des carcans à votre émancipation individuelle. Là se trouve le clivage originel qui nous met face à face. Je suis né homme, Français, hétérosexuel, et j’en suis très content. De cet amour pour moi découle l’amour que j’ai pour ma famille, mes compatriotes, et toute ma pensée retentit de cette bénédiction. Vous, en revanche, avez tiré une honte profonde et palpable de vos origines, et c’est un horizon sans cesse repoussé de ressentiment qui vous guide au travers d’un chemin de pénitence. Vous avez beau espérer un jour conjurer ce mal, vous n’y parviendrez jamais, à moins de vous conjurer vous-mêmes, et de disparaître. Et croyez-moi, je désire le plus sincèrement du monde qu’une lame de bon sens venue des tréfonds de vos gènes vous détourne de cette issue tragique.

Je ne m’étendrai davantage que pour vous laisser méditer sur ce texte jeté sur le papier par un certain Juan Donoso Cortès en 1848, et qui tenta de vous fixer un siècle et demi avant votre apparition :

« La foi socialiste : “Croire à l’égalité de tous les hommes, lorsque je les vois tous inégaux ; croire à la liberté, lorsque je trouve la servitude établie partout ; croire que tous les hommes sont frères, lorsque l’histoire me les montre toujours divisés, toujours ennemis ; croire qu’il y a une masse commune de gloires et d’infortunes pour tous les mortels, lorsque je ne puis découvrir que des infortunes et des gloires individuelles ; croire que j’existe pour l’humanité, lorsque j’ai la conscience que je rapporte l’humanité à moi-même ; croire que cette même humanité est mon centre, quand je me fais le centre de tout ; enfin croire que je dois croire toutes ces choses, lorsque ceux qui me les proposent comme objet de ma foi affirment que je dois croire qu’à ma raison qui les rejette toutes, quelle inconcevable aberration, quelle étrange folie !” »

Avec mes sentiments les meilleurs,

Votre cousin

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