Le magazine des idées
Louis-Henri de La Rochefoucauld, Les Petits Farceurs, Robert Laffont, 256 pages, 20€

Les illusions anéanties des petits marquis de la littérature

Toi, jeune écrivain idéaliste et enthousiaste qui franchit la porte du monde de l'édition, abandonne toute espérance ! C'est l'avertissement lancé par Louis-Henri de la Rochefoucauld dans son dernier ouvrage, réquisitoire aussi implacable que joyeusement cruel contre les boutiquiers et les intrigants d'un petit milieu littéraire désormais au service d'un commerce comme un autre.

Avec Les Petits Farceurs, Louis-Henri de La Rochefoucauld s’appuie sur Les Illusions perdues pour livrer une réflexion sarcastique et désenchantée du petit monde de l’édition. Cette satire étrille le milieu littéraire, où, soumis aux logiques mercantiles, on se sert davantage que l’on ne sert la littérature,  et où il faut se battre, pas toujours très dignement, pour gagner et conserver sa place.

Le narrateur, Henri d’Estissac, nous raconte l’histoire à la Rubempré de son ami Paul Beuvron, jeune idéaliste grenoblois, « monté à la capitale » chercher fortune et succès, mais retrouvé suicidé avant d’atteindre les quarante ans. Henri et Paul se sont rencontrés en prépa littéraire à 18 ans, l’âge de la fougue et des ambitions. Henri nous narre les années qui ont suivi leur rencontre et leur trajectoire différente. Pigiste puis journaliste pour le mensuel branché qu’il adulait, l’Avant-garde, Henri se traîne entre conférences de rédaction avec les snipers qui composent la revue, cuites mémorables et dilettantisme, son rang d’aristocrate et son côté fils à maman ne le poussant pas à se sublimer.

Paul Beuvron rêve de succès et d’ascenseur social et s’en donne les moyens : premier de sa prépa littéraire puis de l’agrégation de lettres modernes. Il écrit son premier roman, mais c’est l’accident industriel, l’échec cataclysmique ; malgré une signature aux réputées éditions Marcillac, seuls 200 exemplaires sont vendus en quelques mois. Il commence alors une carrière prospère de nègre pour diverses personnalités : un écrivaillon à succès qui a la flemme d’écrire et se pense supérieur à Simenon ou Balzac, une féministe, un rappeur sénégalo-breton, un avocat marron devenu ministre de la Justice, des intellectuels en panne, des footballeurs… tous les best-sellers de notre époque n’avaient qu’un auteur : Paul Beuvron. Son ambition était de devenir un grand écrivain, LE grand écrivain de notre époque, il ne sera jamais qu’un pastiche, un petit farceur.

Quand l’industrie prend le dessus sur l’art

La Rochefoucauld parle du milieu de l’édition au sein duquel il évolue, l’égratignant allègrement : copinage, cynisme et vanité au programme. On entre dans les coulisses d’un monde régi par les lois mercantiles : les éditeurs jouant avec les auteurs comme avec des pions, poussant uniquement les livres qu’ils pensent être les plus rentables (toujours jouer le cheval gagnant), les critiques ne lisant jamais les livres qu’ils recensent et se moquant des auteurs, les écrivains médiocres mais prétentieux … la galerie de portraits est complète, et peu reluisante.

Louis-Henri de La Rochefoucauld, Les Petits Farceurs, Robert Laffont, 256 pages, 20€

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