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Les annonces de Macron : au théâtre ce soir !

Les annonces de Macron : au théâtre ce soir !

Emmanuel Macron a annoncé une série de mesurettes hier soir lors d’une conférence de presse pour le moins théâtrale. De théâtre, il fut justement question pour rehausser un niveau éducatif qui a chuté dans les profondeurs de tous les classements, exception faite de la violence. Des cours d’art dramatique quand enseigner vire parfois à la tragédie, il fallait y penser !

Au lendemain d’un remaniement ministériel qui, à l’exception de la piquante tragi-comédie Rachida Dati, n’aura pas vraiment passionné les foules, Emmanuel Macron a donné une conférence de presse depuis la salle des fêtes de l’Élysée, mardi soir, pour y faire diverses annonces concernant notamment notre belle jeunesse. Parmi une litanie de belles et saines intentions comme « réguler l’usage des écrans pour nos enfants, dans les familles, à la maison comme en classe » (bon courage !) ou « augmenter les heures d’instruction civique », on notera plus particulièrement la volonté du président de redonner au théâtre et à l’histoire de l’art une place dans l’enseignement dès le collège.

Cela est bel et bon ! Comment, étant attachés à la défense et la promotion de la culture dans l’ensemble des couches de la société, base, parmi d’autres, d’un sentiment d’appartenance commune, ne pas se réjouir de telles annonces ? Il va sans dire que, dans une situation et des temps normaux, le théâtre et l’histoire de l’art font partie intégrante de l’enseignement que doivent recevoir collégiens puis lycéens. Mais voilà – et c’est là que le bât blesse – cela fait hélas bien longtemps que nous ne sommes plus dans « une situation et des temps normaux » et les déclarations d’intention du président de la République témoignent avant tout d’un déni absolu de la réalité et de la gravité des problèmes rencontrés par une Éducation nationale totalement naufragée. Si les annonces d’Emmanuel Macron apparaissent ridicules, ce n’est nullement par leur « nature », fort respectable, mais par leur « temporalité », leur décalage abyssal avec le réel et la situation cataclysmique dans laquelle s’enfonce jour après jour un nombre croissant d’établissements scolaires. Du théâtre et des cours d’histoire de l’art comme remèdes aux maux qui rongent un système scolaire subclaquant ? Une telle déconnexion laisse pantois… On croirait presque entendre un vieux droitard au coin du bar expliquant, entre deux tiercés, qu’il suffirait de rétablir le service militaire pour régler le problème des banlieues et plus globalement de la violence et de l’insécurité dans le pays !

« Ils égorgent leurs professeurs ? Qu’ils jouent donc du Racine ! »

À l’heure où, presque quotidiennement, des professeurs sont insultés et molestés, où des élèves sont poussés au suicide à force de harcèlement et d’humiliation, où l’illettrisme est devenu la norme, où les drogues circulent librement entre la cantine et les pissotières et où les bandes règlent leurs comptes à coups de barres de fer et de couteaux jusque dans les cours de récréation, les propos du président apparaissent d’un tel angélisme et d’une telle niaiserie qu’on pourrait, pour le coup, croire à une farce burlesque montée par le service de communication de l’Élysée.

Comment expliquer une telle déconnexion, un tel aveuglement de nos prétendues « élites » ? Aveu d’impuissance ? Cynisme ? Incapacité d’appréhender l’enseignement autrement que sous le prisme de ce qu’ils ont connu dans les différents établissements privés d’excellence (École alsacienne, la Providence, Stanislas…) qu’ils ont fréquenté ? Une autre possibilité est également envisageable : celle de l’intoxication idéologique.

En effet, à force d’entre-soi et d’autosuggestion, à force de répétition de mantras égalitaro-républicains, peut-être ont-ils vraiment fini par croire que la vie ressemblait à un film français subventionné par la CNC dans lequel, sur un scénario de François Bégaudeau, de jeunes voyous des cités, cornaqués par Omar Sy et Marina Foïs, décident d’abandonner deal de shit et tournantes pour préparer le concours d’entrée à la Comédie française après être tombé en pâmoison devant une représentation de Phèdre.

Les Français, eux, qui ne fréquentent plus depuis fort longtemps les salles obscures pour s’y infliger ce genre de productions, continueront à tenter de contourner la carte scolaire où à se saigner financièrement pour arracher leur progéniture à ces lieux de violence et de nivellement par le bas que sont devenues, à trop peu d’exceptions près, les écoles publiques en France.

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