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The future is Europe

L’ennui est que cette Europe politique, tant attendue, n’existe pas vraiment

Le plus important pour moi, dans ce dossier, est la proposition de mesures radicales pour briser le cercle vicieux qui a rendu les États dépendants des banques privées en instituant un protectionnisme européen, en nationalisant les banques, en taxant les transactions financières, en effaçant une dette gonflée artificiellement que personne ne remboursera, etc.

Au texte tonitruant de Luc Pauwels, faisant suite à la parution du dossier d’Éléments sur la fin de la souveraineté, il fallait la réponse d’un sage, celle de Jacques Marlaud, ancien président du GRECE (1987-1991) et directeur de la revue L’esprit européen. 

Mon cher Luc,

    «Après avoir lu, comme toi, le n° 146 d’Éléments qui me paraissait, à défaut d’avoir toutes les réponses à la crise actuelle, poser les bonnes questions et suggérer quelques pistes impertinentes pour en sortir, j’ai reçu ton courrier très critique qui m’a incité à mon tour à prendre position sur ces sujets graves et compliqués.

    «Lorsque tu opposes la souveraineté en suggérant pour titre : « Ouf, la fin de la souveraineté. Debout l’Europe ! », je souscris à cette critique implicite des égoïsmes nationaux, toujours vivaces, véritables obstacles à la construction d’une Europe unifiée politiquement. Mais tu es injuste à l’égard de la notion de «souveraineté» qu’il faut prendre au sens très actuel de Carl Schmitt («le souverain est celui qui décide en temps de crise»). Dans ce sens, à moins de rechercher le suicide, on n’abolit pas la souveraineté d’un État qui appartient au peuple et à ses représentants : on la transfère, on la partage, on la cède éventuellement à un autre, involontairement en cas de reddition après une défaite, ou volontairement en fusionnant le cas échéant dans un ensemble plus grand, comme l’Europe justement. L’ennui est que cette Europe politique, tant attendue, n’existe pas vraiment, comme en témoigne l’impuissance de l’UE, et que le transfert de souveraineté auquel nous assistons s’opère au profit d’institutions non élues — et de traités non votés comme le Pacte budgétaire européen — qui engagent les États à se soumettre aux marchés financiers internationaux qui leur prescrivent, sous des prétextes discutables, une politique d’austérité obligatoire, l’abolition progressive de leur protection sociale collective, etc.

    «La disparition de la souveraineté résiduelle ne s’effectue donc pas au profit de l’Europe, mais au profit de «la fortune anonyme et vagabonde» pour reprendre la belle expression d’Emmanuel Beau de Loménie. 

    «D’autre part, je n’ai pas lu dans Éléments de plaidoyer pour l’abolition de l’euro. Simplement une discussion sur la crise de cette monnaie artificielle dont certains économistes (Emmanuel Todd, Jacques Sapir) constatent les difficultés et prédisent, à tort ou à raison, l’effondrement. Alain de Benoist reprend à ce sujet son analyse antérieure dans laquelle il envisageait un éventuel retour aux monnaies nationales (permettant une dévaluation pour les économies faibles auxquelles elle s’impose), ces monnaies locales étant elles-même adossées à l’euro comme monnaie commune… Mais il ajoute que «personne ne veut aujourd’hui de cette solution» et que les dirigeants de l’UE sont prêts à tout, même au pire, pour sauver l’euro…

    «Reste à savoir de quel euro nous parlons : celui qui est systématiquement surévalué par rapport au dollar, plombant nos exportations, l’euro qui n’est pas devenu une monnaie d’échange réelle puisqu’il faut d’abord acheter des dollars pour acquérir du pétrole, des avions, des yuan ou des roubles … ou un autre euro, à l’ombre d’un protectionnisme européen, qui tiendrait la dragée haute au dollar, celui qui avait été promis aux Européens mais qui n’a toujours pas vu le jour ?

    «Il faut reconnaître que nous nous enfonçons actuellement dans une spirale usuraire : Le Mécanisme européen de stabilité (MES) par exemple, censé renflouer les États pauvres en quasi-faillite, pourra faire appel au marché des capitaux, donc être soumis lui aussi aux agences de notation.

    «Les banques qui pourront emprunter à 1% auprès de la BCE prêteront au MES à un taux d’intérêt nettement supérieur, après quoi le MES prêtera aux États à un taux encore plus élevé» (Alain de Benoist, p. 49), ainsi de suite. Tout ça pour sauver des banques en difficulté qui s’empresseront d’endetter toujours plus les États !

    «Le plus important pour moi, dans ce dossier, est la proposition de mesures radicales pour briser le cercle vicieux qui a rendu les États dépendants des banques privées en instituant un protectionnisme européen, en nationalisant les banques, en taxant les transactions financières, en effaçant une dette gonflée artificiellement que personne ne remboursera, etc. suivant le modèle — post-libéral — de reconquête, islandais ou argentin, car la souveraineté dont nous avons été spoliés n’a pas, de toute évidence, été restituée à l’Europe : elle a été confisquée par les multinationales, institutionnelles et privées, de la haute finance. Il nous faut la reprendre, la rendre aux peuples d’Europe !

    «Ceci dit, je plaide comme toi pour l’Europe impérieuse, pas pour le souverainisme réactionnaire qui ne veut plus rien dire aujourd’hui, hormis peut-être le mécontentement des peuples bafoués.

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