Il fut un temps où l’on respectait la mort, y compris celle de ses adversaires et même de ses ennemis. Un temps où le brouhaha des querelles partisanes et des conflits politiques s’apaisait quelque peu à proximité des tombeaux, où l’on ne sa gaussait pas des larmes, et où les huées et les glapissements des hyènes ne couvraient pas les sanglots des familles endeuillées.
Oh, bien sûr, ne soyons pas naïfs, il ne s’agissait bien souvent que de conventions sociales, et il a sans doute également toujours existé des exceptions, les cœurs secs et les âmes basses n’étant pas une invention de notre modernité. Mais au moins, il existait des règles de décence et de tenue, et la majorité des gens partageaient une « décence commune » minimale qui interdisait de rire ou de cracher dans les cimetières, quel que soit le drapeau qui y flottait.
C’est un temps, hélas, fort lointain. Désormais toutes les barrières morales et éthiques sont tombées, les codes d’honneur ont été remisés dans les caves poussiéreuses de temps obscurantistes, et plus rien ne restreint le goût âcre et violent de la curée, de l’éructation vindicative, de l’insulte et de la vomissure. L’ère des réseaux sociaux a inauguré le temps des hommes sous pseudos mais sans masque, révélant, à travers le relatif anonymat par lequel ils se sentent protégés, toute l’abjection de leur nature profonde. Ce mal est aujourd’hui omniprésent, s’est répandu partout, les hystéries idéologiques justifiant tout, jusqu’aux pires saloperies. On peut bien se vautrer dans le mal concret, la dénonciation, la diffamation, l’injure et la violence, si c’est pour faire triompher un « Bien » éthéré, absolu, fantasmatique et désincarné ! Nous ne nous confrontons plus à des adversaires, des opposants, mais à des monstres, des erreurs de la nature dont la seule existence est une offense à la bienséance et une entrave à l’établissement du paradis terrestre universel. Ils doivent donc être éliminés. Et l’on se réjouit donc de leur élimination, quels qu’en soient les circonstances et les responsables. C’est en tenant ce genre de raisonnement que des activistes d’extrême gauche peuvent, sans crever de honte, interrompre des minutes de silence consacrées à la mémoire d’un jeune femme violée et massacrée, que des harpies estudiantines peuvent arracher les affiches lui rendant hommage et que des porcs satisfaits peuvent ricaner, sur Twitter ou Instagram, des circonstances de sa disparition.
Guerre civile ?
C’est d’ailleurs ici que la dialectique identitaire purement « ethnique » montre ses limites. Car ces gens qui glaviotent sur des cadavres encore chauds, qui font passer leurs obsessions idéologiques avant la plus infime décence, qui dégueulent leur exécration de toute ce que représente une jeune fille comme Philippine (bourgeoisie, catholicisme, scoutisme… ) et leur préférence viscérale, systématique et définitive, pour les migrants et les « racisés » de tout poil, même meurtriers et violeurs, tous ces étudiants déconstruits, ces vieux profs retraités et autres punks à chiens, ils sont bien « blancs », bien autochtones et « de souche ». Et, sans nul doute, ils détestent la France traditionnelle, son histoire, sa culture et son identité, plus absolument et radicalement que la majorité des étrangers ou des français d’origine immigrée.
Il existe aujourd’hui des fractures internes à ce qui fut jadis le peuple français qui semblent indépassables, impossibles à résorber, des visions du monde et de la vie irréconciliables et une polarisation des antagonismes de plus en plus radicale. La « guerre civile » est déjà là, dans les têtes, dans les cœurs et dans les mots. Peut-on encore éviter qu’elle explose dans les rues ? S’il faut bien sûr l’espérer de toutes ses forces, on peine néanmoins à discerner les voies pouvant éviter cette tragique finalité.