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Le péril de la tenaille Terra Nova

Le péril de la tenaille Terra Nova

La semaine dernière, les partis politiques de gauche LFI-EELV-PS-PCF ont acté un accord historique en vue des législatives de juin. Le bloc de gauche semble donc en passe de se faire la seule force d’opposition sérieuse face au président sortant. En face, le camp national semble plus divisé que jamais. Si l’idée d’une union fut lancée par « Reconquête ! », le « Rassemblement National » semble hermétique à tout projet de fusion. Ces législatives annoncent-elles une nouvelle défaite pour le camp patriote ? Ce raté ne serait-il pas le symptôme d’une erreur stratégique, et même l’annonce d’un péril encore plus grave qui émerge à l’horizon ?

À la suite de cette élection présidentielle, un piège s’est refermé sur le bloc national : la tenaille Terra Nova. Composée par l’enclume macroniste des inactifs, des retraités, de la bourgeoisie de droite et du marteau mélenchoniste regroupant les urbains de gauche et les banlieues ethnico-religieuses, cette coalition nous a infligé une cuisante défaite. Mais au lieu de se lamenter, cette énième déroute doit servir de refondation à notre stratégie, à notre compréhension de l’ennemi, et à l’édification d’une nouvelle doctrine nationaliste afin que nous puissions un jour l’emporter.

Les enseignements de l’élection

Alors que Le Pen échoue pour la deuxième fois au second tour, elle enlève à Macron la victoire des communes remportées avec 18 156 communes contre 16 922. La France patriote est donc celle des campagnes, rurale voire isolée, qui est loin des centres urbanisés. En ville, les hauts scores des votes Mélenchon et Macron témoignent de ce clivage.

Cette fracture se constate sur d’autres points comme celui entre les travailleurs et les inactifs. 60 % des moins de 25 ans et 70 % des retraités votent pour le président, alors que Le Pen attire une majorité des 25/60 ans. Aussi, l’image du « président des riches » est confirmée car 77 % des cadres et deux tiers des Français gagnant plus de 2 500 euros par mois ont choisi Emmanuel Macron. Concernant les ouvriers et salariés vivant en dessous du Smic, la grande majorité se porta vers Marine Le Pen.

Ce qu’est Terra Nova

Fondé par Olivier Ferrand en 2008, ce think tank se rendit célèbre par sa fameuse note de 2011 qui dessinait la stratégie à suivre pour que la gauche revienne au pouvoir. Une nouvelle coalition électorale devait voir le jour « dont le cœur ne serait plus constitué par le “peuple de gauche” historique, les ouvriers et les employés, mais par de nouveaux électorats, qui ne recoupent qu’en partie les catégories électorales traditionnelles et que qualifierait la notion d’“outsiders”, à savoir les diplômés, les jeunes, les minorités issues de l’immigration, les femmes ».

À cette élection, si le vote bourgeois et des urbains répondit présent, le vote des populations d’origine immigrée répondit aussi à l’appel. Nombre de prédicateurs musulmans ayant plus ou moins ouvertement appelé à voter pour eux, Mélenchon, puis Macron au second tour, auront parfaitement symbolisé cette union naissante.

Votant pour plus de 70 % d’entre eux pour Mélenchon, le vote musulman s’installe dans le paysage politique comme s’est établi le vote latino ou noir aux États-Unis. Aussi, les communes pro-Mélenchon se seront beaucoup plus portées vers Macron que vers Le Pen au second tour. Le Front républicain, malgré une ritournelle vieillissante et des trous dans le barrage, est encore une antienne qui marche.

La France qui se dessine est donc celle d’une fracture géographique (métropole/périphérie), générationnelle (retraités/actifs), sociale (bourgeoisie/classes populaires), et d’une alliance trans-ethnique entre les populations blanches des villes et celles extra-européennes issues des banlieues contre le reste du peuple périphérique majoritairement composé d’autochtones. Voilà ce qu’est la tenaille Terra Nova.

Le bloc national et le bloc anti-France

Beaucoup ont vu dans les résultats de cette élection la création de trois blocs : le bloc urbain-bourgeois du « projet d’extrême centre », le bloc islamo-gauchiste de convergence des luttes, et le bloc national-populaire du monde rural. Or cette lecture n’est pas la bonne. Nous devrions, plutôt, appréhender les blocs urbain-bourgeois et islamo-gauchiste comme une et seule même entité : celle de l’anti-France. Ce grand bloc est celui que nous avions décrit, dans un autre article, comme le regroupement des nouveaux États confédérés constitués par les déconstructeurs, les centristes, les européistes et les islamistes.

Il faut le dire : le clientélisme de la République actuelle est le trompe-l’œil de l’instauration d’un régime concordataire et islamique. Nous sommes revenus au temps des bureaux arabes de Bugeaud. Notre époque est celle d’un néocolonialisme car, pour le parti bourgeois, le bon islam est celui que l’on achète et que l’on noie sous l’argent de l’achat de la paix sociale. Cette entente à distance est aujourd’hui actée.

La troisième force politique

Si le spectre du champ politique actuel se polarise par l’affrontement des deux blocs entraperçus précédemment, le troisième bloc est tout autre. Il est celui d’une masse désintégrée, déclassée, exclue et constituée par les abstentionnistes et les non-inscrits. Au second tour, 2,2 millions de bulletins blancs et 13,6 millions d’abstentionnistes dessinent un résultat tout autre.

Avec plus de 28,01 % des inscrits qui ne se sont pas rendus aux urnes, l’abstention atteint son deuxième score le plus élevé de l’histoire de la Ve République pour un second tour d’élection présidentielle. Si l’on ajoute les bulletins nuls et l’abstention, le président de la République n’a été réélu qu’avec 38,5 % des suffrages des inscrits.

Le dégoût des hommes politiques, la haine antisystème et le sentiment de lassitude dominent dans ce conglomérat. 25 % d’entre eux affirmaient que les jeux étaient déjà faits, 24 % jugeaient que l’élection ne changerait rien à leur quotidien, et 18 % estimaient que leur vote ne compterait pas. En insistant sur la figure du national-traître incarné par le mariage entre une élite corrompue et les troupes étrangères de colonisation de la France, c’est dans cette masse que nous trouverons nos futures réserves de voix.

L’urgence des courbes

Comme disait l’autre : la démographie c’est le destin. En cessant d’assurer le remplacement des générations, la part des moins de 20 ans dans la population n’a cessé de régresser. Et cela, au détriment de la part des seniors – cœur de l’électorat de l’extrême-centre – qui ne cesse d’augmenter. Depuis plusieurs années, c’est l’ensemble de la population autochtone et européenne qui est entrée en déclin avec un nombre excédent des décès sur celui des berceaux.

Quand les seniors dominent, les jeunes adultes se retrouvent marginaliser politiquement, socialement et économiquement. En accaparant la productivité, la richesse et les places, la réduction des revenus relatifs entraînent une chute de la fécondité des jeunes générations et donc le processus d’implosion démographique. Inutile de rappeler que les dynamiques sont inverses en Afrique avec un trop-plein de jeunes de moins de 20 ans prêt à se déverser sur notre continent en manque. Et n’oublions pas que c’est la transition démographique de l’Europe du XIXe siècle qui a peuplé les USA et provoqué, par là même, le génocide des Indiens.

Ces courbes, depuis des années, d’inversion des pyramides d’âge et de flux d’immigration constant renforcent la constitution de cette tenaille Terra Nova. L’accroissement des populations seniors et des populations extra-européennes rendront toujours plus difficile la victoire du camp national formé par une majorité d’actifs et d’autochtones. Le Grand Remplacement est un danger, mais le Grand Vieillissement du peuple-souche aussi.

Que faire ?

L’ennemi premier du système est la souveraineté populaire. L’abstention, le mode des parrainages que nous avions déjà traité, et la surreprésentation des inclus dans les votes réinstallent, de fait, un suffrage censitaire. La France périphérique ne participant plus aux élections intermédiaires, l’irruption – à cette élection – de la tenaille Terra Nova aura fini de couronner l’accaparement de la représentation par l’extrême centre.

Pour battre le bloc anti-France, ce sont ces gens sortis de la politique que le camp national doit aller chercher. C’est cette population, dotée d’un fort ressentiment à l’égard de Macron et de la partitocratie, qui doit renforcer notre dynamique. Notre victoire est impensable sans une base populaire, et ceux qui croient à la renaissance du camp national à partir d’une matrice uniquement de droite se trompent. Seul un mouvement d’esprit contestataire, comme hier les Gilets jaunes et demain le Frexit, pourra faire coaliser ces classes moyennes et inférieures qui s’inquiètent pour leur survie. La révolution, avant d’être une doctrine historique et une catégorisation morale, est toujours une dynamique sociale qui entraîne, ensuite, un processus de rupture politique et institutionnelle radicale C’est très bien que nous soyons en passe de gagner la guerre des idées, mais jamais nous ne nous posons la question des objectifs. « Une victoire militaire seule n’a aucune valeur », disait le baron von Lohausen. Et il ajoutait que si cette victoire ne donne aucun « supplément de pouvoir, d’espace et de liberté », alors « son triomphe sur le terrain politique, non seulement est nul, mais tourne à la défaite ». Nous devons réorienter notre stratégie parce qu’il nous est désormais impossible de gagner la moindre élection officielle. Refuser le Frexit, c’est renverser la règle de la primauté de la politique sur la stratégie. Bien connue des stratèges comme le général Beaufre, la séparation nette entre « politique et stratégie » et « but et moyens » est capitale. Ne pas concevoir la possibilité du Frexit, ce n’est rien ni moins que se tromper d’adversaire, et commettre, non pas une erreur stratégique, mais bien une erreur politique. Ce qui est bien pire.

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