Les démocrates et les détracteurs du président américain ont intensifié l’utilisation de cette étiquette après la victoire de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche en novembre 2024. Après l’assassinat brutal de Charlie Kirk par un homme déclarant à sa famille et à sa compagne transgenre qu’il détestait les opinions du très suivi influenceur conservateur, les douilles retrouvées sur les lieux du crime indiquent en effet des inscriptions claires : « Hey fascist », référence satirique à Helldivers 2, jeu vidéo opposant des tireurs et des bombardiers à des fascistes. En plus de son statut d’influenceur conservateur populaire et de perturbateur des campus universitaires, Charlie Kirk a cofondé Turning Point USA, une organisation qui a collecté des fonds et fait campagne activement pour Trump en 2024. On attribue à cette organisation le mérite d’avoir aidé le président républicain à remporter l’élection en renforçant son soutien parmi les jeunes électeurs. Au moment de son assassinat, Kirk était considéré comme l’un des alliés les plus importants de Trump.
Tout adversaire de la gauche est un fasciste…
Quelques jours seulement après le meurtre de Charlie Kirk, Randi Weingarten a publié un livre intitulé « Pourquoi les fascistes craignent les enseignants ». Cette dernière accuse « l’extrême droite » d’attaquer et de mettre en danger l’enseignement public. Hillary Clinton elle-même fait publiquement la promotion de ce livre sur le réseau X : « De l’interdiction des livres au contrôle des programmes scolaires, les autorités s’en prennent à l’enseignement public parce qu’il est la pierre angulaire de la démocratie. (…) Le nouveau livre de Randi est une lecture essentielle en ce moment. » Un extrait, publié ce mardi dans le magazine Rolling Stone, encadré par une photo d’une demi-page de Donald Trump sous le titre « Pourquoi les fascistes détestent la pensée critique ». Membre de la congrégation Beit Simchat Torah, synagogue juive non confessionnelle, pluraliste, progressiste et LGBTQ+ de New York, Randi Weingarten est également présidente de l’American Federation of Teachers (AFT), deuxième plus grand syndicat d’enseignants aux États-Unis. Le syndicat représente 1,8 million d’enseignants et de professionnels des écoles publiques.
Les opinions de Randi Weingarten font écho à des années de messages de la part de la gauche, affirmant que les politiques des conservateurs, Trump en tête, sont fascistes. L’ancien président Biden, l’ancienne vice-présidente Kamala Harris, sa colistière pour 2024, le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, et d’autres démocrates de premier plan ont déclaré à de nombreuses reprises que Donald Trump et ses politiques étaient antidémocratiques et fascistes.
Joe Biden, alors qu’il était président, déclarait que si Trump était réélu pour un second mandat, ce dernier agirait comme un « dictateur » et a averti que son mouvement MAGA constituait « une menace pour l’âme même de ce pays ». Tim Walz qualifiait quant à lui Donald Trump de « fasciste dans l’âme ». Un terme utilisé à l’encan contre Charlie Kirk sur les campus universitaires, où il s’était fait une spécialité de débattre avec des étudiants libéraux, au milieu de protestations virulentes contre ses opinions conservatrices.
Une vieille méthode
« Fasciste », « nazi », « extrême droite »… les épithètes pour neutraliser l’adversaire sont pléthoriques. Et surtout, bien pratiques : en étiquetant une personne soupçonnée de mauvaise pensée idéologique, le débat politique et intellectuel en Occident est désormais polarisé jusqu’à l’os, binarisé au carré. Les «gentils » contre les « méchants », ayant toute latitude pour frapper du blanc-seing de la morale idéologique, un contradicteur néfaste. De l’isolement, à la mort sociale, voire à la mort tout court, il ne s’agit plus que de petits pas à franchir. Confortables et paresseux chaussons idéologiques remontant à loin.
En mars 1919, Lénine et les bolcheviks fondent à Moscou la Troisième Internationale (ou Komintern) pour coordonner les partis communistes et remplacer la Deuxième Internationale, jugée « réformiste » et compromise par son soutien à la guerre. Après la mort de Lénine et la consolidation du pouvoir de Staline, Moscou adopte la théorie des « trois périodes ». Lors du 6ᵉ congrès du Komintern (juillet-septembre 1928), les résolutions proclament que les partis communistes doivent combattre non seulement les fascistes avérés mais aussi les « social-fascistes » : un terme pour désigner les partis social-démocrates ou travaillistes, accusés de soutenir le capitalisme sous une façade démocratique. Le mot d’ordre est clair pour les Partis communistes internationaux : qualifier de « fasciste » tout individu n’ayant pas le doigt sur la couture du pantalon. Après la prise du pouvoir par Hitler (1933) et la répression des communistes allemands, Moscou change de ligne. L’URSS cherche des alliances contre l’Allemagne nazie et le Japon impérial. Lors du 7ᵉ congrès (juillet-août 1935), Dimitrov, dirigeant du Komintern, appelle à former des Fronts populaires unissant communistes, socialistes et forces démocratiques contre le fascisme. Le mot « fasciste » désigne désormais la droite autoritaire ou totalitaire (Hitler, Mussolini, Franco), tandis que les anciens adversaires sociaux-démocrates deviennent des alliés potentiels.
Certes, les instances soviétiques comme le Komintern n’existent plus. Mais le mot d’ordre, la fougue « antifasciste » scandée ad nauseam dans les manifestations, mais aussi par des acteurs décisifs du monde intellectuel et politique du monde, venant justifier la mise au banc de l’adversaire idéologique, n’a rien perdu de sa vigueur.
Tyler Robinson, 22 ans, tueur présumé de Charlie Kirk, arrêté le jeudi 11 septembre, après 33 heures de traque, « était en train de se laisser consumer par l’idéologie de gauche », déclarait sa mère aux autorités américaines. Il entretenait également une relation amoureuse avec son colocataire transgenre, un homme biologique qui s’identifiait comme une femme. L’opposition de Charlie Kirk à l’idéologie transgenre et aux politiques qui la soutiennent est, dès lors, un motif évident et suffisant à son assassin pour le mettre hors d’état de nuire. Encouragé par les démocrates eux-mêmes, Robinson ne ferait qu’agir au nom du bien, non ?
Dans une série de SMS à son petit ami, Tyler Robinson expliquait pourquoi il avait tué Charlie Kirk : « J’en avais assez de sa haine. Certaines haines ne peuvent être négociées. »
« C’est cette rhétorique qui nous a menés à ce moment, qualifiant en permanence le président Trump de fasciste, le comparant à Hitler », a déclaré la sénatrice Katie Boyd Britt, républicaine de l’Alabama, sur Fox News. « Vous avez des organes de presse et des médias grand public qui célèbrent cela. Ils permettent que ces choses se produisent et soient dites sur leurs réseaux. »
Dans un monde d’engourdissement intellectuel, virtualisé, où la capacité de compréhension et d’empathie se réduit drastiquement, où les responsables politiques eux-mêmes clament haut et fort la nécessité de se débarrasser des discours qualifiés de « dangereux », il y a fort à parier que les assassinats comme celui de Charlie Kirk sont appelés à se répéter. Un retour à la violence politique digne des années 1970, sur les écrans et dans la « vraie vie », mondialisée et hystérique. Les paranoïas, et les balles justifiant la mort des « fascistes » ont de beaux jours devant elles…