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Ils sont vivants un film de Marina Foïs, Seear Kohi, Laetitia Dosch. Jérémie Elkaïm avec

Le monde parallèle du cinéma français

Il est communément admis que le cinéma français ne brille pas dans le genre de la science-fiction qui serait l’apanage des studios hollywoodiens. C’est pourtant totalement faux, c’est même au contraire dans ce domaine que le 7e art hexagonal excelle le plus. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur quelques scénarios récents de notre production cinématographique nationale, cette formidable exception culturelle que le monde nous envie.

Commençons par Ça passe, le court-métrage de Yassine Lassar Ramdani, Florence Fauquet, Éloïse Monmirel, Elsie Otinwa, Laïlani Ridjali, Ismail Alaoui Fdili, Ming Fai Sham Lourenço (presque un réalisateur par minute de film…). Ici, Amin, jeune guetteur « plein de bagou » du 93, utilise sa voix magnifique pour prévenir les dealers de l’arrivée de la police. Isabelle, metteuse en scène à l’Opéra de Paris, voit en Amin le futur soliste de son spectacle et lui offre un avenir artistique loin de son ghetto. Amin saisit la chance que lui offre Isabelle d’intégrer un milieu élitiste dont il ne maîtrise pas les codes.

Continuons, avec Ils sont vivants, long-métrage signé Jérémie Elkaïm, dans lequel Marina Foïs incarne Béatrice, veuve depuis peu, et avec son fils et sa mère. Xénophobe et agacée par la présence des migrants non loin de chez elle, elle va voir sa vie basculer lorsqu’elle va rencontrer Mokhtar (Seear Kohi), un enseignant iranien arrivé clandestinement en Europe. Leur histoire d’amour va bouleverser les convictions de Béatrice et la pousser à affronter les préjugés de ses proches.

Babtou fragile, migrant agile

Poursuivons avec La Brigade, de Louis-Julien Petit, où Cathy a toujours voulu être cheffe dans un restaurant, mais, âgée de 40 ans, n’a toujours pas réalisé son rêve. Elle est alors contrainte d’accepter un poste dans la cantine d’un foyer d’accueil de jeunes migrants où elle va enfin se révéler grâce au talent et à la joie de vivre de ses pensionnaires.

Terminons avec Robuste dans lequel, Georges (Gérard Depardieu), star de cinéma vieillissante, abandonné par son habituel bras-droit et homme à tout faire, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.

Point commun de tous ces chefs-d’œuvre : l’autochtone, le « de souche », le Blanc, le « babtou », y est fatigué, en état d’échec, d’épuisement, de déprime, de doute et d’abandon, et il va être régénéré, galvanisé, sauvé même par cette nouvelle figure christique qu’est l’étranger, le « minoritaire », le migrant. À l’inverse, ce dernier se trouve toujours dans une situation de précarité, de difficultés et de dénuement totalement injuste au regard de ses qualités, de ses mérites et de sa merveilleuse énergie vitale.

Il n’est pas certain que ces œuvres rencontrent un grand succès populaire auprès des riverains de Stalingrad et de la colline du crack et, plus globalement, au-delà des quartiers bourgeois hyper-sécurisés des grandes métropoles mais peu importe. D’une part parce que les aides du CNC et les subventions diverses suffisent à leur viabilité financière et que d’autre part ce sont des créations à visée édifiante et éducative qui trouveront immanquablement leur public captif, celui des profs et des critiques de Libé et de Télérama.

Les nouvelles images d’Épinal

Bien sûr, le cinéma n’a pas vocation au seul naturalisme, il ne se réduit pas à être un simple miroir de l’existence incarnée et on ne peut en vouloir à des auteurs et acteurs de vouloir mettre en scène leurs fantasmes, leurs utopies et leurs illusions cocaïnées. Chacun sa pornographie. Mais l’escroquerie réside dans le fait de faire passer cette imagerie d’Épinal immigrationniste pour autre chose que ce qu’elle est, pour du cinéma « sociétal » ou « social ».

En ce qui concerne des films « courageux et engagés » sur le martyr de Shaïna, violée en groupe à 13 ans, puis brûlée vive à 15 alors qu’elle était enceinte, sur ces vieux couples de Gaulois reclus dans des quartiers jadis populaires où ils sont devenus étrangers et qui ne peuvent sortir de chez eux que la peur au ventre, ou sur ces jeunes vies brisées pour un regard ou une cigarette refusée, on attendra encore… Pas de place pour le « populisme » chez nos grands artistes, âmes sensibles et généreuses qui préfèrent le monde tel qu’il devrait être selon elles plutôt que comme il est.

Le réel, le quotidien vécu par les Français, ne les intéressent pas. Ils ont choisi la science-fiction. C’est bien leur droit.

Photo : Ils sont vivants de Jérémie Elkaïm (2022) Avec Marina Foïs, Seear Kohi, Laetitia Dosch.
Veuve depuis peu, Béatrice vit avec son fils et sa mère. Sa rencontre avec Mokhtar, enseignant iranien arrivé clandestinement en Europe, va bouleverser son quotidien et ses convictions. Par amour pour lui, elle va devoir défier les préjugés de son entourage et les lois de son pays.

Une réponse

  1. C’est juste.
    Ceci dit, les indo-européens, sur la partie de l’Europe où ils ont dégringolé, ont nettoyé 80% des mâles agriculteurs fatigués qui s’y trouvaient. Ce sont les joies des migrations humaines quand elles sont menées de façon efficace.
    Aujourd’hui, même les plus lucides ne prennent pas la mesure de la liquidation qui s’est déjà un peu opérée, qui avance au galop et qui va faire place nette de tous les blancs fatigués.
    Bon. Au moins, ça rassure d’être dans une logique historique.

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