Le 1er octobre, Shigeru Ishiba, dirigeant du Parti libéral démocrate (LDP), a été investi Premier ministre du Japon. Dénonçant les « relations asymétriques » entre le Japon et les États-Unis, il a déclenché un grand émoi international en affirmant sa volonté de bouleverser l’alliance de sécurité entre les États-Unis et le Japon, vieille de 72 ans, une alliance bilatérale qui, ces dernières années, a surtout servi à maintenir de la primauté des États-Unis en Asie de l’Est et à bloquer la montée en puissance de la Chine.
« Je ne pense pas que le Japon soit encore une nation véritablement indépendante », avait notamment écrit Ishiba, ancien ministre de la Défense, dans un livre publié peu de temps avant les échéances électorales.
Certains commentateurs ont qualifié Ishiba de « gaulliste », étiquette de plus en plu éculée, mise à toutes les sauces imaginables et qui n’a pas grand sens dans le contexte asiatique. Ce terme est surtout utilisé pour ne pas recourir à la terminologie tant dénigrée et honnie de « nationaliste » qui correspondrait pourtant bien mieux aux prises de positions du nouveau premier ministre (membre par ailleurs du Nippon Kaigi, groupe qui défend la mémoire et l’honneur des combattants japonais de la Seconde Guerre mondial) qui semble bien décidé à remettre en cause la tutelle américaine.
C’est en ce sens qu’il a lancé un appel général en faveur d’une « OTAN asiatique » qui inclurait non seulement le Japon, mais aussi la Corée du Sud et plusieurs pays d’Asie du Sud-Est. Cette nouvelle organisation remplacerait alors le modèle d’alliances bilatérales qui a vu le jour après la Seconde Guerre mondiale et qui est dominé par les États-Unis pour qui cela représenterait un terrible camouflet. L’administration américaine a d’ailleurs affirmé qu’il était « trop tôt » (par rapport à quoi?) pour envisager ce genre de projet qu’un proche de Joe Biden aurait, sous couvert d’anonymat, qualifié de « purement fantaisiste ».
Un projet qui n’est évidemment pas non plus du goût de Pékin qui a condamné à plusieurs reprises tout cadre de type OTAN qui tenterait de contenir ou de s’opposer à la Chine.
Si la proposition de création d’un « Otan d’Asie » a, selon la plupart des observateurs, bien peu de chances d’aboutir, il n’en est pas moins un message clair envoyé aux États-Unis dans l’optique d’un rééquilibrage des relations entre les deux pays. L’expression également d’une volonté grandissante d’autonomie et d’indépendance dont pourraient peut-être s’inspirer nos dirigeants européens… On peut toujours rêver.
Photo : Shigeru Ishiba, premier ministre du Japon.