Dans la langue de Shakespeare et de Benny Hill, on appelle ça un One Hit Wonder. En musique, c’est Patrick Hernandez et Born To Be Alive, son succès sans lendemain. En politique, c’est le discours prononcé par Dominique de Villepin à l’ONU, le 14 février 2003, lorsqu’il s’opposa à cette ratonnade internationale que fut la seconde guerre menée par l’Occident en Irak; la première valant d’ailleurs elle aussi son pesant de pistaches. Depuis, chacun capitalise sur son tube d’un jour, n’en finissant plus d’engranger les droits d’auteur, tout en espérant vainement un hypothétique retour sur scène.
Ainsi, Patrick Hernandez écume-t-il les boîtes de nuit provinciales, tandis que Dominique de Villepin fait la tournée, non point celle des grands ducs, mais des petits émirs, louant son impressionnant carnet mondain dans le Golfe persique. Une façon comme une autre de se refaire la cerise. Mais qui a un jour goûté aux feux de la rampe en connaît le petit goût de reviens-y. Alors, faute d’avoir été invité aux prochains shows d’Âge tendre et tête de bois, l’ami Galouzeau se verrait bien à l’élection présidentielle de 2027.
L’homme de droite qui plaît à gauche
Il est vrai que les sondages sont pour le moment flatteurs. « Le choc Dominique de Villepin ! », titre Paris Match, le 25 février dernier, citant un sondage Ifop-Fiducial le créditant de « 53 % d’opinions favorables ». Et Frédéric Dabi, patron de cet institut, de préciser : « Dans le détail, Villepin est plus populaire à gauche qu’à droite (56 % contre 51 %), avec même un score de 66 % chez les socialistes, et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon l’adoubent (56 %) »
Voilà précisément qui nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire sondagière : être plus populaire à gauche quand on est de droite, ou le contraire. Simone Veil, par exemple, autre reine des enquêtes d’opinion du siècle dernier, était, elle aussi, plus appréciée à gauche qu’à droite, alors que plus ou moins femme de droite. Le résultat ? Lorsqu’elle est tête de liste indépendante aux élections européennes de 1989, elle assure être en mesure, sur son seul nom, de réaliser un score à deux chiffres. Bingo ! Deux chiffres il y aura… mais avec une virgule entre les deux : 8,43 %, loin derrière Jean-Marie Le Pen et Antoine Waechter. À contrario, il est aujourd’hui un homme de gauche très populaire à droite : Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste. Déjà, il y a ce petit côté vintage, façon Georges Marchais ; ce qui rappelle le bon vieux temps du « c’était mieux avant ». Surtout, il n’hésite pas à prendre Sandrine Rousseau bille en tête, à grands coups de barbecue et de beaujolpif, thèmes plus que plébiscités dans le camp de la réaction. Seulement voilà, il y a loin de la coupe aux lèvres. Un exemple ? Il fut une époque où Jean Marais plaisait aux femmes ; mais, instinctivement, ces dernières rêvaient plus d’atterrir dans un autre plumard que le sien, celui de Lino Ventura, pour ne citer que lui.
La différence entre popularité et soutien…
Après, il y a sondages et sondages. Il faut savoir les lire, sachant qu’ils ne prennent la mesure que de la température du moment ; autrement, Édouard Balladur aurait été élu en 1995. Ensuite, entre la sympathie qu’éprouve l’électeur envers telle ou telle personnalité, et le fait de savoir s’il mettra ou pas un bulletin de vote portant son nom, c’est une toute autre histoire, dont Dominique de Villepin pourrait bien faire les frais. Et c’est ainsi que l’institut Cluster 17 est en train de rebattre les cartes avec cette idée si simple qu’on se demande pourquoi personne n’y a pensé avant : faire le distinguo entre « l’appréciation » et le « soutien ». À cette aune jugée, Dominique de Villepin pourrait bien en rabattre quant à ses prétentions élyséennes. Premier souci : alors qu’Ifop-Fiducial lui promet une popularité de 53 %, Cluster 17 ne lui en accorde que 35 %, chiffre à d’autant plus relativiser que si 29 % des Français « l’apprécient », ils ne sont que 6 % à le « soutenir ». Le plus cruel, c’est que s’il fait carton plein chez les électeurs de LFI (52 %) en matière de « sympathie », ces derniers ne sont aussi que 6 % à lui apporter leur « soutien ». Quant aux électeurs de la droite traditionnelle, notre héros ne figure même pas dans leur palmarès ; ce qui est encore plus inquiétant pour lui.
Idem pour Fabien Roussel, victime du même malentendu, qui culmine à « 28 % de popularité », mais dégringole à « 4 % de soutien ». Dans un registre un poil plus sérieux, on notera le résultat obtenu par Marine Le Pen qui, première du classement (36 % de popularité), bénéficie de « 20 % de soutien » contre seulement « 16 % de sympathie ».
Bref, Dominique de Villepin, c’est un peu le syndrome Bernard Kouchner qui, lui aussi, eut son heure de gloire à l’international : tout le monde l’aimait, mais personne ne votait pour lui. Pourtant, le PS lui offrait des circonscriptions où même une chèvre estampillée socialiste aurait été élue dès le premier tour. Décidément, on n’apprend pas tout au Quai d’Orsay.